Success Story - 09.12.2013

Sofiène Sellami: le défi de faire aboutir et…transmettre

Sofiène Sellami, 52 ans, a toujours baigné dans … le bois. Son père, feu Si Mustapha, alors directeur général du Comptoir Tunisien (CTN), en faisait son univers de prédilection.

Après des études en économie et expertise comptable à Grenoble, Si Mustapha fera ses premières armes à la Banque Centrale de Tunisie avant de prendre les rênes du «Comptoir», premier fournisseur de bois et de matériaux de construction à Sfax et dans le Sud. Le bois, mis à part le fait que ce soit un domaine d’activité, était une matière particulièrement adulée et Sofiène écoutait alors son père parler du bois, des nouvelles techniques de son anoblissement et de ses visites aux plantations de par le monde, et très jeune il a appris à faire la différence entre le bois noble, chêne, frêne et hêtre et les bois commun et bon marché. «J’ai toujours été fasciné par cette matière à la fois inerte et vivante, confie-t-il aujourd’hui. Rien qu’à son toucher, on se met à réfléchir sur son origine, ces forêts lointaines peuplées d’animaux sauvages où elle a poussé. Mais aussi sur ce que chaque bout de bois va devenir. Comment alors ne pas tomber dans cette passion».

Par ailleurs, Sofiène a eu la chance de pouvoir assister à quelques assemblées générales du Comptoir et a pu être initié très jeune à ce monde des sociétés, ce  qui lui a donné envie de faire des études de gestion et de comptabilité, et pour l’anecdote : grand était son étonnement quand il a su que Si Mustapha ne détenait qu’un faible pourcentage du capital, vu l’engagement et l’implication de ce dernier au Comptoir et que des centaines de personne étaient actionnaires. Cette «anecdote» aura un grand effet  sur ses choix stratégiques.
Troisième élément qui forcera son destin, la passion pour les lignes de production qui permettent de transformer les matières premières en produits finis et semi-finis et son amour pour le travail bien fait. Avec la création, en 1980, de la Manufacture des panneaux bois du Sud (MPBS), le parc des machines à installer, et ses lignes de production à mettre sur le marché, excitait encore plus sa curiosité. Les mains dans le cambouis, c’est ce qu’adore le jeune Sofiène qui ne se lasse guère d’observer la transformation du bois et la chaîne de production.

Commencer au bas de l’échelle

Après ses études supérieures en expertise comptable, pouvait-il rêver d’un meilleur port d’attache que la MPBS où il peut marier sa double passion du bois et du management de par sa formation généraliste qu’offre l’expertise comptable pour bien appréhender les divers aspects de l’entreprise. Mais, il lui fallait commencer par le bas de l’échelle. Son père, alors encore à la tête du CTN, a confié la direction générale de la MPBS à une tierce personne, assurant pour sa part la présidence du conseil d’administration. Sofiène débutera en 1986 en tant que simple stagiaire au service achat puis fera petit à petit son chemin en passant par les différents services (commercial, production, ressources humaines…) Il faut dire que la comptabilité permet de bien comprendre les rouages d’une entreprise, d’analyser ses finances et de détecter son potentiel de profitabilité. Il s’y mettra à fond jusqu’au jour où son père lui annonce calmement une double nouvelle: le départ du directeur général parti s’occuper de son propre projet et sa propre nomination au poste auquel il était bien préparé.

«Je n’en ai pas dormi la nuit, se rappelle encore Sofiène. A la fois flatté par cette confiance qu’on m’accorde et par ce nouveau statut et cette nouvelle mais aussi angoissé par ce poste de responsabilité et la lourde charge qui pèse désormais sur mes épaules. Ce qui me soulageait c’est la présence de cet homme, qui m’a tout appris, à mes cotés et je savais que je pouvais compter sur lui au besoin et qu’il sera mon meilleur conseiller. Ne m’avait-il pas en effet appris que face à des décisions délicates à prendre, il convient toujours de répondre qu’on doit examiner la question en profondeur, puis revenir avec la réponse en ayant pris le temps nécessaire pour la réflexion. Tout cela m’a galvanisé pour assumer ma nouvelle tâche. La collaboration avec lui était très instructive. Loin d’imposer son point de vue, il amène toujours ses collaborateurs à prendre la bonne décision. Très organisé, il veillait aux détails significatifs et n’oubliait jamais d’adjoindre aux salaires les motivations conséquentes selon les objectifs accomplis».

«A mon grand regret, poursuit Sofiène, ce grand soutien de mon père n’allait pas se poursuivre longtemps. A ce jour, je regrette profondément de ne l’avoir pas côtoyé le plus possible de son vivant et appris le maximum de ses enseignements. Dès 1990, il était tombé malade et je ne pouvais  solliciter ses conseils que parcimonieusement. Les derniers mois n’étaient pas faciles et j’ai tout laissé tomber pour lui tenir compagnie le plus longtemps possible et l’accompagner dans ses soins à l’étranger, jusqu’à son décès en 1994 ».

La lourde tâche

Ne devant compter que sur lui-même, une mûre réflexion a été menée pour fixer une stratégie de développement afin de relever les défis et réussir la transmission à la troisième génération et institutionnaliser l’entreprise.

Pour y parvenir, il fallait étoffer la petite équipe en charge du management. La toute première décision  a été de s’entourer de cadres compétents et c’est ainsi qu’il entamera des recrutements soigneusement sélectionnés parmi les diplômés des universités tunisiennes et étrangères. C’est ce qui a permis à la MPBS non seulement de bien défendre sa part de marché mais aussi de la consolider dans un marché très concurrentiel et développer son activité.

Dans un souci de développement et de diversification, l’extension de la MPBS n’a pas empêché  la création d’une société commerciale de produits techniques dans un domaine très proche, à savoir les portes de sécurité, les portes coupe-feu… ainsi qu’une  nouvelle activité prometteuse, à savoir les énergies renouvelables, en commercialisant dans un premier temps les panneaux photovoltaïques. Tout cela avec une équipe dirigeante jeune et ambitieuse qui constitue aujourd’hui le capital humain indispensable à la bonne marche de l’entreprise.

Sofiène élargira aussi son cercle de relations en s’investissant dans l’action associative et les diverses organisations (Chambre de commerce et d’industrie, Foire internationale de Sfax, Rotary, CSS, municipalité, etc.).

Mais, le plus important à ses yeux est de faire aboutir ce qui avait été initié par son père pour bien le transmettre à la génération de relève. L’entreprise familiale a beaucoup de mérite. Son heure de vérité est la réussite de son institutionnalisation et de sa transmission. D’où le choix de la Bourse, surtout qu’il est habitué aux sociétés anonymes avec plusieurs actionnaires, depuis ses débuts aux côtés de son père.

«Réfléchir à l’actionnariat est une bonne approche pour la pérennité de l’entreprise», estime Sofiène Sellami. «Rémunérer le capital est essentiel, ajoute-t-il, en veillant à la valeur de l’action et au montant du dividende servi. C’est le meilleur moyen d’attirer et fidéliser les actionnaires et d’accroître les ressources propres en démontrant la rentabilité, signe de compétitivité en prix et qualité, de bonne gestion et d’innovation continue. C’est vous dire tout le travail de longue haleine qui doit s’effectuer en amont avant de frapper à la porte de la Bourse pour s’assurer de la qualité du papier qu’on présente».  C’est à cette «heure de vérité» qu’il a toujours œuvré depuis des années, y entraînant avec lui l’ensemble de l’équipe. Une nouvelle saga commencen

T.H.