Sang froid : un court qui promet
Paris – Correspondance spéciale. Lui, c’est un jeune homme aux émotions figées dont on ne sait trop s’il est calme ou troublé. Son visiteur, un ami pipelette dont la sympathie est à la limite de l’antipathie.
L’invité surprise est un flic à l’olfaction inhibée et au flair exalté. Leur histoire est un polar concentré qui se passe entre la salle de bain, la chambre et le salon d’un 40m2 parisien en enfilade. L’intrigue, que s’est-il passé exactement dans la salle de bain avant que l’ami n’arrive?
Le tout, c’est le pitch de Sang froid. Un court métrage de 15 mn porté par un trio tuniso-algérien de trentenaires : Melik, Chakib et Hazem.
Quant au pitch de leur histoire, cela commence fin 2012 quand, par l’entremise d’amis communs, Chakib Taleb-Bendiab et Melik Kochbati font connaissance et se découvrent une passion commune pour le cinéma japonais. Chakib est fraîchement diplômé en réalisation d’une école américaine à Paris, Melik est un producteur à l’affut de talents prometteurs. Ils discutent très vite projets. Chakib écrit alors le scénario de Sang froid en moins de 4heures; le présente à Melik qui, conquis, décide de le produire.
En Marsois débrouillard, Melik trouve rapidement un lieu de tournage et met une équipe sur pied. En misant en partie sur la Tunisian Connection, il réunit le matériel de tournage et convainc Hazem Berrabah, un autre Tunisien talentueux avec qui il a collaboré sur un précédent film, d’être le chef opérateur du projet. Hazem y apporte son talent et son expérience, forte de plus de vingt films.
Le casting fut aussi naturel que le reste. Mikael Alhawi, acteur dans Bref, une série française à succès, accepte tout de suite le rôle central et recommande, à raison, Thibaut Gonzalez pour le rôle de l’ami. Brice Fournier (le flic) est un acteur confirmé que Chakib avait repéré au préalable et voyait déjà bien dans le rôle.
Nous sommes en janvier 2013, le tournage pouvait commencer. D’Adonis Romdhane pour la superbe lumière à Sophie Bouziri, l’assistante réalisateur, le reste de l’équipe s’investit également à fond durant les trois longues journées de tournage. Chakib faisait refaire les scènes puis le montage à la moindre imprécision. Le résultat fut payant.
L’équipe visait en premier le festival de Sapporo au Japon (un des plus grands festivals de court au monde) mais le temps imparti ne le permettait pas, la date limite d’inscription étant fin février. Un coup de pouce du destin fut que cette date fût reportée à fin mars. La post-production fut accélérée et l’équipe parvint à soumettre Sang froid à la dernière minute. Des 3 746 films postulants, seuls 49 ont été sélectionnés et Sang froid en faisait partie. Comme pour boucler la boucle, Chakib et Melik se retrouvent au Japon grâce à qui tout a commencé. Et ils n’y iront pas pour figurer puisque le film reçoit le prix du meilleur scénario original !
L’aventure semble avoir donné des ailes aux compères Chakib et Melik qui avaient un tas de projets allant du long métrage à la série dramatique ou le documentaire. Actuellement, ils préparent un nouveau court, un thriller traitant du «djihad» des convertis que Chakib souhaiterait tourner chez lui en Algérie.
En attendant, début décembre, Sang froid sera projeté au Festival du film noir de Gisors (France) ainsi qu’au grand festival international de Louvain (Belgique), une compétition européenne de 40 films dont le gagnant ira aux Oscars. Le film sera également diffusé sur la chaîne France 4 le 20 décembre prochain au cours d’une soirée spéciale consacrée au polar. L’équipe a réussi à faire du grand avec du court. A suivre…
Mourad Daoud