News - 18.12.2013

Mehdi Jomaa : les pressions commencent

Son secrétariat est harcelé de demandes d’audience, son compte mail est submergé et la boite vocale de sa messagerie est saturée ! Qui n’a pas encore demandé à rencontrer le futur chef du Gouvernement, Mehdi Jomaa? A voir les noms qui défilent sans cesse depuis lundi devant le ministère de l’Industrie, on devine déjà les intentions. Tous veulent faire partie de son gouvernement ou y placer l’un des leurs. Mais, il y a aussi ceux qui viennent activer des dossiers en instance. D’autres, plus subtils, se lancent sur les réseaux sociaux, avec de fausses pages officielles facebook lui prêtant mille et une déclarations, intentions, voire mêmes engagements. Sans compter les multiples Lettres ouvertes portant conseils et recommandations. Jamais la pression n’a été aussi forte.

L’élément le plus positif dans tout cela, c’est sans doute l’élan d’espoir que la nomination de Mehdi Jomaa à la Kasbah a suscitée, surtout auprès des jeunes. Les candidatures spontanées de volontaires pleuvent de partout, et pour toutes les fonctions. « Cela m’a donné  la pêche, confie un jeune manager. Je me retrouve en lui, nous appartenons à la même génération et nous avons un profil très similaire. Sa désignation me sort de ma déprime et ouvre devant moi de nouveaux horizons. Je veux l’aider, le soutenir, participer à cette exaltante expérience, car je ne veux pas qu’il échoue. Ca sera notre grande déception, notre échec à tous ». Ainsi parlent les purs, ceux qui n’ont pas encore été intoxiqués par la politique. Ils y croient, sans arrière-pensée, sans intérêt personnel ou partisans. Mais, il y a aussi les vieux loups de la politique politicienne, rompus aux manœuvres, avides du pouvoir, et impatients à se repositionner.

Même son de cloche un peu partout : « Soutien critique. Mettons- le à l’épreuve. Jugeons-le sur les gages d’indépendance qu’il apportera et les décisions qu’il prendra, dès les premiers jours, claironnent les états majors politiques ici et là. Entendez par indépendance, l’acceptation par Jomaa de leurs « conseils et recommandations » et cooptation des leurs dans son gouvernement.

Seul, le soir, après une énième journée de concertations, d’une longue série qui ne fait que commencer, le futur chef du Gouvernement doit certainement se retourner dans la tête tout ce qu’il a entendu du matin au soir de ses innombrables visiteurs. A lui donc de décanter tous leurs propos, de décoder leurs messages et d’y distinguer la bon grain de l’ivraie. Il sait parfaitement qu’il est mis à rude épreuve mais pense sans doute qu’en fait c’est l’ensemble de la classe politique qui partage avec lui cette épreuve, en lui laissant les coudées franches, l’épargnant de toute pression et lui apporter son soutien dans les choix qu’il fera et les décisions qu’il prendra.

Conquérir et rallier autour de son gouvernement

Comme il ne dispose pas d'une baguette magique, sa mission ne sera guère facile. Ce dont il a le plus besoin, c’est une équipe homogène, compacte, solidaire et compétente. Le concept même de ce gouvernement est crucial : gardera-t-il les anciens, tous ou quelques uns seulement du moins parmi les indépendants ? Succombera-t-il aux sollicitations de nommer des ministres d’Etat, sachant que ce statut ne fera que compliquer sa tâche ? Et acceptera-t-il de faire plaisir aux partis. Certes, il doit les conquérir pour les rallier autour de son gouvernement et sceller avec eux, sur la base de la feuille de route non-négociable, un contrat de confiance tout en se gardant de ne pas être redevable aux et ou aux autres.

Il y a aussi la taille et l’architecture du gouvernement. Le signal fort sera de plafonner les maroquins à 20 sièges au maximum, quitte à procéder à des regroupements par grands pôles. Le soustraire des sollicitations et pressions et l’affranchir de toute influence : c’est  le meilleur soutien que la classe politique puisse lui apporter. Même si les vieux démons sont difficiles à, du moins, se mettre en hibernation. Reste la grande inconnue : la réaction de l'ANC. Il faut être naïf pour penser que les élus lui donneront un blanc seing quand on sait qu'ils se se considèrent comme les seuls dépositaires de la légitimité.

                                                                                                                                                    
 

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