Mansour Moalla: Le cinquième gouvernement ?
On a enfin un chef de gouvernement et une nouvelle phase, la cinquième, s’ouvre dans le parcours d’une révolution perdue dans des affrontements entre les fractions politiques.
D’où cette succession de gouvernements «provisoires» et «transitoires» condamnés à l’échec et qui , par définition, ne pouvaient guère réaliser les objectifs de la Révolution : d’où une liberté dans l’insécurité et la menace terroriste, la crise économique et financière, l’agitation sociale, l’affaiblissement et la perte d’autorité de l’Etat, la détérioration des services publics, la « politisation » excessive des municipalités devenues des «délégations spéciales» abandonnant nos rues à toutes sortes de décombres et de déchets, illustrant l’impuissance des autorités.
Il est impératif aujourd’hui de mettre un terme à un processus aussi destructif et qui ne peut que conduire le pays à l’arriération sur tous les plans.
Il est absolument nécessaire aujourd’hui de quitter les réflexes de la politique politicienne qui restreignent les ambitions des uns et des autres à la conquête d’un pouvoir qui ne peut être efficace que s’il est respecté et appuyé par la population.
Ce sont ces réflexes qui expliquent cette succession de gouvernements provisoires et inefficaces alors que la Révolution aurait dû provoquer un sursaut national et l’union de toutes les forces vives pour sauver le pays, lui éviter le désordre et l’anarchie et pour lui permettre de redresser son économie et de poursuivre son développement grâce à l’établissement d’un plan judicieux et d’une constitution civile et démocratique.
Au lieu de cet effort salutaire, on a vécu trois ans sans constitution, sans plan de développement, à la dérive, au gré des évènements, menaçant les voisins et les grands de ce monde dans leurs intérêts stratégiques. Et les uns et les autres de se plaindre de cette «intervention» dans nos affaires intérieures. Celle-ci n’aurait pas existé si nous avions mieux géré nos propres affaires. Et l’incapacité ne peut que provoquer toutes sortes d’interventions.
Il nous faut aujourd’hui nous reprendre et choisir une voie plus efficace, plus nette, plus claire, plus compréhensible pour l’ensemble des compatriotes.
Vu l’inefficacité du système en place, on va tenter pour la seconde fois d’utiliser le mécanisme d’un gouvernement non partisan composé de personnalités compétentes. Ce second essai ne doit pas échouer comme celui qui l’a précédé.
Or l’échec est inévitable si certaines conditions ne sont pas réunies.
1. La personnalité choisie, Mehdi Jomaa, qui part avec un préjugé favorable, doit disposer de tous les pouvoirs nécessaires pour échapper à toute subordination et faire face à toutes les tâches difficiles qui l’attendent. L’équipe gouvernementale conduite par son président doit disposer du temps et des moyens nécessaires pour accomplir la mission qui lui incombe : sauver le pays et redresser l’économie. On doit lui faire confiance et ne pas l’enfermer dans un délai restreint de nature à la perturber et la conduire aux solutions de facilité.
2. Le gouvernement doit s’occuper prioritairement des questions les plus urgentes: en premier lieu, l’insécurité et le terrorisme qui n’autorisent guère la tenue d’élections dans des conditions rassurantes, et en second lieu, le redémarrage de l’économie, incompatible avec l’insécurité, la restauration de la confiance, la reprise des investissements, l’équilibre de la balance des paiements pour éviter la cessation de paiements, le redressement de la monnaie nationale, le pauvre dinars tombé au plus bas, ayant débuté à la parité de 2,38 dollars US, le dollar ne valant alors que 0,420 millime et parvenant aujourd’hui à valoir 4 fois plus, soit 1,6503 millime. Exprimé en dollars, le dinar ne vaut plus aujourd’hui que 0,412 cent au lieu de 2,38 dollars. C’est l’inverse de sa parité de départ.
3. Les tâches politiques doivent revenir à un Haut comité politique national regroupant les représentants des partis de la Troïka, ceux de l’opposition et ceux enfin de la société civile conduits actuellement par les quatre organisations du Dialogue national. Ce comité ne doit pas être pléthorique, 18 personnalités, 6 de chaque groupe avec une présidence assumée par chaque groupe tous les 3 mois. Ce comité doit être permanent et constituer le seul partenaire du gouvernement pour éviter des interventions politiques intempestives. La tâche principale du Haut comité consiste dans l’approbation définitive de la Constitution, de l’ISIE et de la loi électorale et la préparation des élections de façon à éviter le contrôle de celles-ci secrètement ou de manière avouée par un parti ou une fraction quelconque. Il sera ainsi occupé à plein temps et devra siéger en permanence jusqu’à la fin de cette dernière et ultime période «transitoire». Ce comité représentera pleinement les forces politiques, économiques et sociales du pays mieux qu’une Assemblée politique dont le mandat est terminé depuis plus d’un an.
4. Le gouvernement et le Haut comité politique national constitueront ensemble le Conseil de la République qui jouera le rôle d’une Assemblée délibérative pour établir les lois et les règlements nécessaires à la gestion des affaires publiques. Il est présidé par une personnalité indépendante choisie par les membres du Conseil de la République. Il jouera le rôle de chef de l’Etat intérimaire.
5. Ce nouveau dispositif institutionnel adapté aux nécessités de l’heure doit d’abord recevoir l’accord des parties concernées. Ce consensus n’est cependant pas suffisant. Il peut s’effriter et disparaître. Il doit être confirmé par le suffrage universel au moyen d’un référendum qui peut intervenir rapidement, ne nécessitant ni loi électorale, ni ISIE, ne donnant pas lieu à une distribution de sujets entre majorité et opposition. Ce référendum est nécessaire pour conférer une pleine légitimité aux institutions qui vont avoir à clore une période transitoire avec le succès souhaité. On n’a pas le droit de risquer un échec qui sera alors particulièrement néfaste sous prétexte qu’on veut aller vite pour des raisons inavouées et inavouables.
La précipitation, la confusion et l’inorganisation sont à éviter à tout prix. Celles-ci ayant manqué, la première expérience d’un gouvernement de «compétences» a échoué après de nombreux mois de tergiversations et la mise en échec de son promoteur par son propre parti !
Si on se précipite, comme on s’évertue à le proclamer ici et là pour paraître plus «démocrate», on finira par perdre le bénéfice du travail qu’aurait pu accomplir le gouvernement de compétences, des élections précipitées avec leur cortège de discours électoraux, d’accusations réciproques, de fausses promesses ou, pire, de tentations matérielles dans ce monde et même dans l’au-delà. Méfions-nous. Soyons patients. Donnons le temps au gouvernement, au Haut conseil politique national et à ce Conseil de la République d’agir calmement et avec sagesse, bénéficiant d’une légitimité renouvelée, celle utilisée actuellement n’étant plus valable (*). C’est en travaillant ensemble au sein de ces institutions de manière constructive qu’on peut renforcer l’union nationale et arriver aux élections dans une atmosphère apaisée, un pays calme, une économie qui repart et sans trop d’agitation sociale. Peut-être alors qu’on pourra avoir, après ces élections, un gouvernement privilégiant l’intérêt supérieur du pays à ses intérêts partisans, ce qui serait une victoire de la démocratie et la délivrance du pays.
M.M.
(*) Faire dépendre le sort du gouvernement de compétences de l’ANC, c’est l’obliger à s’aligner sur la politique de la majorité de cette Assemblée ou se voir harcelé, perturbé et finir par échouer, échec aujourd’hui inacceptable et qui sera considéré comme une trahison nationale.
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Le probléme réside dans une ANC où la majorité est détenue par Ennahdha et ses alliés et, à un moindre degré, dans la Présidence.Rien ne passera sans leur accord.Monsieur BCE a bien vu la chose et a demandé la révision des institutions issues du 23 ocobre 2011.Il n'y a pas eu consensus sur ce point.Il y a eu une levée de bouclier.Le "QUARTET" n'a pu réunir la "TROIKA" et l'opposition qu'en maintenant la "légitimité" de l'ANC et de la Presidence.Monsieur Moalla veut faire table rase des institutions issues des élections du 23 octobre 2011 à l'instar de ce qu'avait demandé BCE mais en nommant les choses différemment.Est-ce réaliste?Nous avons une feuille de route dressée par le "Quartet"et approuvée par la "Troika" sans le CPR et dix huit autres partis.Il faudrait l'étendre à d'autres partis.Mais,Il faudrait surtout que la société civile manifeste son soutien au "Quartet" en descendant massivement dans la rue pour pousser tous les partis à respecter leurs engagements dans la poursuite du processus électoral.Hors de la feuille de route du "quartet" il n'y a point de salut.C'est dans ce sens que notre "élite" et nos hommes politiques d'hier doivent écrire et agir.Tout le reste n'est que bavardage et pure perte de temps.C'est mon avis.
Si Mansour a fait un rêve! Mais qui va le suivre???
La politique d'autant n'est plus d'actualite,ce qu'une bonne partie de nos politiques ne realisent pas. Tous conseils sont les bienvenus ,quand à leurs applications là est une autre affaire à mon avis.
Certains ne font pas partie de ce temps ni de cet espace. Depuis toujours, si Mansour a quelques longueurs d'avance sur notre élite, n'empêche qu'il a exprimé avec beaucoup de courage et de vérité les vraies solutions, celles qui nous feront gagner du temps et de l'argent. Mais, vous le savez, il y a mieux que l'intérêt national, c'est le pouvoir qui importe le plus pour cette classe politique. Ceux qui vont écrire l'histoire, se rendront compte du mal que nos politiques d'aujourd'hui ont commis à l'endroit de notre peuple au nom de certains slogans qui sonnent faux et hypocrites.
Bravo . Oui mais qui écoute qui ? La liquidation de l'ancien régime a donné des ailes à tout le monde pour faire de la politique mais ce fut un échec car il y'a trop d'égoismes et trop de haines entre ces prétendants à la gouvernance de notre pays . Tout mes souhaits est que ce nouveau gouvernement réussisse .
Un gouvernement tunisien et son chef, pour réussir doit résoudre le problème N°1 du tunisien: comment le convaincre de travailler et d'être honnète et pour cela le 1er pas est que le gouvernement et son chef soient un bon exemple pour Mohamed Ettounsi. A ce propos et dans notre contexte, un ministre a t il réellement besoin d'avoir une voiture dont le prix permettrait de construire une école; beaucoup de voitures nettement moins coûteuses suffiraient pleinement!!!!
A.Frej@:je crois que la politique c'est "l'art du possible" et on juge un politicien, à mon sens, sur son réalisme et les résultats qu'il réalise.C'est la différence avec les poétes et les rêveurs.Monsieur Moalla que je respecte expose de belles idées qu'il est impossible de réaliser dans les conditions actuelles.Par exemple,l'idée d'un "référendum" tient-elle la route?Pourquoi pas de simples élections tant qu'on y est?Mais ni l'un ni l'autre ne sont réalisables actuellemnt dans un environnement non transparent et non sécurisé.
A la différence de beaucoup de pays, la Tunisie dispose de tout pour réussir. Son problème, c'est sa classe politique. Elle est instruite,certes, mais très divisée. Cette division est la conséquence d'une absence historique totale de la culture de démocratie. Quand on veut, on peut, et quand on peut, on agit. Un seul point manque, c'est d'intégrer le référendum dans la feuille de route du dialogue national. Pour cela il faut plus que des instruits, il faut une élite qui travaille pour l'union et non la division et l'exclusion. Les choses qui paraissent aujourd'hui dérangeantes paraitront demain comme des évidences, et si on ne bouscule pas les habitudes établies, on n'engagera aucune réforme. Le pays a besoin d'hommes courageux et audacieux, de vrais capitaines de vaisseaux pour conduire le pays à bon port. Le pays a besoin de sécurité, physique et territoriale, de paix sociale, pour cela, il faut un Etat fort, respecté et respectable. Ceci s'acquiert par de la légitimité qui ne s'obtient que par l'avis du peuple. Le référendum en est bien la seule voie dans les conditions actuelles.