Zoubeir Turki
A 84 ans, Zoubeir Turki, « portraitiste du peuple tunisien », comme le qualifie, à juste titre, Frédéric Mitterrand, vient de s’éteindre ce vendredi 23 octobre, léguant une œuvre picturale d’une rare richesse. Son ami de 40 ans, Adel Megdiche, habitué à prendre le café avec lui et toute « la bande », à la terrasse du Café de Paris, ce lieu emblématique de l’Ecole de Tunis, en plein centre-ville, est inconsolable. Avec une grande émotion, il confie sa peine à Leaders.
«On enterre Zoubeir Turki comme nous avions inhumé Aboulkacem Chebbi, Aly Ben Ayed, Abdelaziz Agrebi ou Ibn Khaldoun. Il a été un représentant très important de notre culture, de notre société. Haja K’bira ! Ce n’était pas seulement un peintre, mais aussi un Tout. Administrateur de la Culture, Député, franc tireur, un vrai personnage, la générosité du pays.
Peintre, synthèse de l’Ecole de Tunis avec l’esprit d'ouverture qu’on lui connaît, il n’a pas fait de la peinture. Il a peint !
Très intelligent, très fin, il s’était toujours entouré de beauté et d’intelligence.
Nous enterrons avec lui une mémoire, une histoire. Et nous devons être à la hauteur de sa mémoire, car on oublie vite alors que Zoubeir ne peut être oublié. »
Enfant de la Médina de Tunis dont il a toujours arpenté ses ruelles depuis sa naissance en avril 1924, adoré ses odeurs et ses saveurs, humé ses mystères et ses harems, Zoubeir Turki se destinait initialement à l’enseignement, avec pour hobby le dessin et la peinture. Il fera ses études sur les nattes à la prestigieuse Zitouna, puis à l’Institut des hautes études et fréquentera l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis. Son recrutement par les écoles françaises pour enseigner la langue arabe ne l’empêche pas de manifester ses élans nationalistes et de participer aux activités du Néo-Destour ce qui lui vaut l'exclusion, après les évènements du 18 janvier 1952.
Contraint à l’exil, il part en Suède, sur les pas d’Aly Ben Salem, pour suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Stockhom où il affûtera son talent. De retour à Tunis après l’Indépendance, il prendra la tête du mouvement artistique, dans toutes ses expressions.
Le reportage que lui a consacré Frédéric Mitterrand en 2004 sur TV5 est assez éloquent pour restituer une bonne partie de son parcours. L’hommage que lui a rendu le Président ben Ali, en lui décernant, l’année dernière, le Prix du 7 Novembre de la création artistique, a été pour lui une grande consécration nationale.
Le Musée qu’il a édifié lui-même, chez lui à Chouchet Radès, réclame avec insistance Adel Megdiche, qui aime s’y rendre « comme à un mausolée » doit ouvrir ses portes le plus tôt possible. En premier acte d’un devoir de mémoire.
Bibliographie sommaire
Tunis Naguère et Aujourd’hui
Par Zoubeir Turki
Edité en 1967 par la STD
École de Tunis. Un âge d'or de la peinture tunisienne
Apr Dorra Bouzid,
Editions Alif, Tunis, 1995