M. Badinter est pour l'abolition de la peine de mort… mais pas partout dans le monde!
Le 18 décembre 2013, les personnes qui assistaient à la conférence sur l’abolition de la peine de mort à la faculté de droit de Tunis II ont été les témoins d’une scène surréaliste voire kafkaïenne. Interrogé sur la situation des droits de l’homme en Palestine par une journaliste de «La Presse de Tunisie», M. Robert Badinter - le speaker vedette de cette manifestation - a refusé de répondre. Pire, non content de refuser de répondre, il a passé au doyen Fadhel Moussa cette patate trop chaude pour lui. Et ce dernier de s’exécuter derechef!
M. Badinter est assurément un «grand homme», «une icône», un phénix … qui fascine certains de nos intellectuels. N’a-t-il pas visité notre pays à plusieurs reprises depuis la Révolution? M. Badinter a fait voter l’abolition de la peine de mort en France… sous la houlette du Président François Mitterrand. Ce dernier avait peut-être des remords… ou bien plutôt de sombres et machiavéliques calculs politiques à la florentine. D’après l’historien Benjamin Stora, François Mitterrand, quand il a quitté le ministère de la justice à la fin du mois de mai 1957, 45 condamnés à mort algériens avaient été guillotinés en 16 mois. La Guerre de Libération de ce pays frère battait alors son plein et les socialistes Guy Mollet et Robert Lacoste étaient alors les chefs d’orchestre de la sanglante répression.
Pour M. Badinter, l’antisionisme est une forme déguisée de l’antisémitisme. Il l’a toujours clamé. Il suffit de lire l’article d’Amnon Rubinstein dans le journal israélien Ha’aretz du 26 novembre 2003 pour le vérifier.
Critiquer Israël, c’est donc faire preuve d’antisémitisme. Voilà pourquoi l’ancien sénateur socialiste M. Badinter reste bouche cousue à Tunis quand il s’agit des droits des Palestiniens.
M. Badinter a été le lauréat 2008 du Prix Scopus décerné par l’Université Hébraïque de Jérusalem pour ses hautes qualités humaines. Il est vrai que notre homme a une conception de l’amitié bien à lui : on se souvient de sa défense acharnée de Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire du Sofitel de New York lors d’un débat télévisé avec Laurent Joffrin, du Nouvel Observateur… Lors de cet échange, « l’icône » des droits de l’homme n’a pas eu un mot pour la victime et défendu bec et ongles son ami DSK. M. Badinter applique l’indigne principe : « Prends la défense de ton frère, fut-il lui-même injuste ou fut-il victime d’une injustice.».
En fait, M. Badinter a une vision schizophrène des droits de l’homme… valables ici, inapplicables ailleurs ! Il pèse vos questions sur un trébuchet à lui, à bras bien inégaux et use de poids estampillés antisémitisme et antisionisme avant de se prononcer. L’oracle ne s’est pas prononcé à Tunis. Trop de turbulence en vue. Le trébuchet s’est détraqué. M. Badinter s’est réfugié dans le silence. Courage! Fuyons !
Deux poids, deux mesures.
Voilà l’éthique de ce «grand homme» devant lequel certains de nos penseurs tombent à genoux!
M. Badinter parcourt le monde en grande pompe rendant visite à des chefs d’Etat pour les morigéner sur la situation des droits humains dans leur pays et pour inspecter des prisons où sont détenus des mineurs. Jamais, au grand jamais, il ne s’est inquiété des conditions de détention des enfants palestiniens qui croupissent dans les geôles israéliennes et auxquels les Israéliens font subir des supplices moyenâgeux : yeux bandés, pieds entravés, privés de sommeil.
Pire. Il n’a jamais élevé la voix pour condamner la peine de mort qu’inflige Israël aux Palestiniens… sans juges et sans défense. Sans la moindre once d’humanité fauchant femme- même enceinte-, enfant et vieillard. Depuis juillet 2013 – début des négociations israélo-palestiniennes - 31 Palestiniens ont été assassinés par l’armée israélienne ou des colons sionistes. En Cisjordanie, d’après l’organisation israélienne B’Tselem, 27 Palestiniens ont été assassinés en 2013 par l’armée d’occupation, trois fois plus qu’en 2012. Un exemple de ces lâches assassinats est rapporté par Jessica Purkiss dans le Middle East Monitor: le 7 décembre 2013, Wajih Wajdi Al Ramahi, tué à 14 ans d’une balle dans le dos alors qu’il était près de son école, dans le camp de réfugiés d’Al Jalazoun, près de Ramallah. L’établissement scolaire étant proche de la colonie Bet Al, une tour de garde de l’armée le surplombe et la présence des soldats crée une atmosphère de tension permanente dans les parages. En mai 2013 déjà, Atta Sabah âgé de 12 ans, élève de cette école, a été atteint par la balle tirée par un soldat qui fouillait son cartable. La balle lui a perforé l’estomac en rentrant et sectionné la moelle épinière en sortant par le dos : le gamin est maintenant un paralytique ayant perdu l’usage de ses membres inférieurs.
Dans un livre intitulé «Le livre noir de l’Occupation israélienne. Les soldats racontent» paru en 2013 à Paris aux éditions Autrement, des éléments de l’armée israélienne racontent les horreurs commises dans les territoires occupés. Ils confessent et témoignent pour soulager leur conscience. Avec retard! L’un d’eux donne les détails d’un drame qui a eu pour cadre Naplouse en 2002: «On a investi une maison du centre-ville… un tireur d’élite a repéré un homme sur un toit, deux maisons plus loin, sans arme. J’ai regardé l’homme dans la vision nocturne: il n’était pas armé. Il était deux heures du matin. Un homme sans arme qui marchait sur le toit, il se promenait. On l’a signalé au commandant. Il a dit: «Descendez-le». Le tireur d’élite a tiré. Il l’a descendu… En gros le commandant a décidé et ordonné par radio la peine de mort pour cet homme. Un homme désarmé… Un type de 26 ans, mon commandant de compagnie, a condamné un homme désarmé à mort… Ce qui est illégal à mon avis et nous, on a exécuté l’ordre, on l’a tué. L’homme est mort. Ecoutez, pour moi, c’est un meurtre. Et ce n’est pas le seul cas. On en rigolait, on avait des noms de code [pour les personnes abattues]: «le guet», «le batteur», «la femme », «le vieux», «le garçon»… (Pages 34-35)
M. Badinter, il s’agit là d’exécutions extra-judiciaires condamnées par toutes les législations du monde. Par toutes les morales. Le grand rabbin d’Angleterre a condamné cette barbarie. Vous, on ne vous a jamais entendu sur ces meurtres. Les droits de l’homme sont indivisibles : vous les avez récemment défendus devant le Président albanais. Pourquoi ne pas joindre votre voix pour arrêter tous ces crimes commis par Israël, tel celui de Wajih Wajdi, tué à quatorze ans, mon dieu ! Il pourrait être votre petit-fils!
Alors, souffrez Monsieur, que l’on ne vous prenne pas au sérieux et de grâce, évitez-nous, à l’avenir, ici, en Tunisie, vos hautaines exhibitions et votre morgue.
Mohamed Ettounsi
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