Exigences de maintien de l'ordre et conditions de manifester sur la voie publique
La liberté d’expression, sous toutes ses formes, reste la principale réalisation concrète de la révolution tunisienne, se regrouper et manifester sur la voie publique en est un droit fondamental. Seulement l’ampleur des actes de vandalisme commis contre les biens, privés comme publics, et surtout la violence exercée contre les forces de sécurité et agents de la Douane et les symboles de l’Etat ; ainsi que les très regrettables pertes humaines enregistrées lors des dernières manifestations, fin 2013- début 2014, nous amènent à nous demander si on ne peut pas jouir de cette liberté , manifester sur la voie publique, sans violence et surtout sans porter atteinte aux agents et symboles de l’Etat et aux biens privés et publics.
La réponse à cette interrogation est non seulement affirmative mais elle devient aujourd’hui une obligation et engage la responsabilité de tous. En effet, la liberté de manifester en public n’est pas corollaire de violence, désordre et atteinte aux personnes et biens. Cependant, l’exercice de la liberté de se regrouper et manifester sur la voie publique sans violence, exige de tous, autorités et membres des forces sécuritaires d’une part, citoyens manifestants de l’autre, le respect strict de certaines procédures et règles de conduite.
Sans doute, les citoyens, ont le droit de se regrouper et de manifester sur la voie publique pour exprimer une position ou revendiquer des droits. Cependant, l’organisation de telles manifestations exige de la partie organisatrice d’en informer suffisamment à l’avance les autorités sécuritaires et leur fournir les données relatives à l’évènement projeté, dont notamment :
- le but de la manifestation même,
- l’itinéraire à suivre (points de départ et d’arrivée),
- la date et l’horaire de la manifestation.
Cette procédure n’est absolument pas une limitation à la liberté, au contraire, elle a pour unique objectif, de garantir le bon déroulement de la manifestation mais en maintenant l’ordre et en protégeant les personnes et les biens privés et publics, ce qui constitue d’ailleurs l’une des missions principales de l’Etat dont sont chargées les Forces de Sécurité. Le bon déroulement de tel évènement nécessite au moins la réorientation de la circulation routière et la mise en place d’un dispositif sécuritaire préventif le long du parcours de la manifestation. Aussi, ne faut-il pas prendre des mesures, toujours préventives, pour éviter la concomitance avec d’autres activités envisagées sur les mêmes places ou le long du même itinéraire, ce qui peut être à l’origine de graves troubles ?
Aussi, la partie en charge de la manifestation, doit assumer pleinement sa part de responsabilité quand à son déroulement dans de bonnes conditions, ainsi elle est appelée à :
- Coordonner avec les autorités sécuritaires avant et pendant la manifestation,
- Assurer l’encadrement des participants et prendre les mesures à même d’éviter l’intrusion au sein de ses membres d’éventuels casseurs, pilleurs et faiseurs de troubles, ce qui permet aux forces de sécurité d’affronter ces malfaiteurs et protéger les manifestants pacifiques,
- et en cas de nécessité, aider les agents de sécurité dans leur rôle pendant la manifestation, et non pas les provoquer et les pousser à l’affrontement puis donner l’occasion à certains de protester contre la brutalité (!!!) de l’intervention des Forces de Sécurité. Faut-il distribuer des roses ou des bonbons à des individus en train de mettre le feu dans les postes de Police ? de la Garde Nationale ? ou piller les dépôts des saisies de la Douane et des magasins privés ? ne s’agit-il pas au fait de vrais criminels ? Ne savent-ils pas qu’ils sont en train d’enfreindre la loi ? de défier l’autorité de l’Etat ? de mettre en danger la vie des agents, des citoyens et de leurs biens ?
N’oublions pas que la mission des Forces de Sécurité Intérieure consiste essentiellement à maintenir l’ordre public et à protéger les citoyens, leurs biens et leurs droits et ce en imposant le respect de la loi et en faisant face à tout agissement qui lui est contraire, quitte à recourir à la force par l’usage de tous les moyens mis à leur disposition par l’Etat dont aussi les armes. Dans les situations extrêmes, et après sommation, l’agent a non seulement le droit mais le devoir de faire usage, certes graduel, des moyens dont il dispose, allant des bombes à gaz lacrymogène, aux canons à eau, aux munitions non létales et dans les cas ultimes au tir aux munitions réelles, d’abord en l’air et enfin directement sur ceux qui menacent clairement et directement la vie des citoyens et des agents de sécurité ; et aussi sur ceux qui bafouent les symboles de l’Etat. Parmi ces symboles figurent, à mon sens, particulièrement les postes de Sécurité et de Douane; les casernements militaires ; les bâtiments gouvernementaux sur lesquels flotte le Drapeau national ainsi que les représentations diplomatiques étrangères dans notre pays.
Aussi, il est rappelé à tous, autorités et citoyens, que toute liberté a bien des normes et des limites, autrement c’est plutôt de l’anarchie qu’il s’agit. Il est vrai que ces limites doivent être convenues entre tous et fixées par la loi; mais une fois fixées, il est du devoir des Forces agissant au nom de l’Etat, d’imposer leur respect, encore une fois s’il le faut par le recours à la force «légale».
Il y a certainement un grand effort pédagogique de sensibilisation et de clarification à entreprendre par tous, institutions de l’Etat, medias, société civile… en vue de mettre fin à l’amalgame et la confusion qui règnent dans le pays à ce propos. Est-il normal que l’Etat continue indéfiniment à se justifier à l’occasion de chaque intervention de maintien de l’ordre? Est-il concevable qu’après presque chaque manifestation les Forces de Sécurité et de la Garde Douanière comptent dans leurs rangs proportionnellement, autant de victimes que leurs agresseurs? N’avons-nous pas tous, quelques mois après la révolution, réclamé haut et fort le retour des agents de sécurité à leur poste de travail pour rétablir la sécurité perdue et désespérément recherchée ? Alors, dépassons cette hypocrisie et laissons les organes de l’Etat accomplir leurs devoirs institutionnels avec la sérénité et l’impartialité requises et cessons surtout de justifier l’agression des agents de sécurité et de la Douane ainsi que les actes de vandalisme et d’atteinte aux biens privés et publics. La violence n’est jamais justifiable, même pas par des revendications fussent-elles des plus légitimes. On défend ses droits et ses convictions par le recours au Droit, dans la légitimité, par des moyens civils et d’une manière civilisée ; mais en aucun cas par la violence surtout contre les Forces de Sécurité, bref contre l’Etat.
Les institutions de l’Etat et ses symboles, drapeau national, soldats et agents en service commandé, les bâtiments et véhicules administratifs et bien sûr les représentations étrangères installées dans le pays doivent être considérés par tous comme «sacrés», sacrés pas au sens religieux du terme mais dans le sens «y toucher est un crime», et ce au même degré que les libertés et les droits. Ainsi, l’atteinte à leur intégrité ne peut être qu’unanimement et sévèrement répréhensible.
Aujourd’hui, trois ans depuis le déclenchement de la révolution, rien ne peut justifier l’agression des agents de l’Etat en service ou la moindre atteinte aux biens et symboles de l’Etat. Ne prétendons-nous pas aspirer à un Etat de droit? Alors, au nom de quoi ose t-on défendre ceux qui maltraitent et agressent les agents chargés de faire respecter la loi, bafouent les symboles de l’Etat et détruisent et pillent les biens publics et privés?
En conclusion, nous devons tous, convenir que la liberté d’expression, y compris le droit de se regrouper et manifester sur la voie publique, est un droit absolu; mais il faut immédiatement ajouter que toute atteinte aux Forces militaires, de Sécurité et de Douane en service, leurs casernements et bâtiments administratifs sur lesquels flotte le Drapeau national, leurs véhicules ainsi que les représentations étrangères, doit être non seulement condamnée mais autorise bien ces forces à y faire face en usant de tous les moyens, y compris les armes. Une fois cela est clairement convenu, assimilé et respecté par tous, ces Forces pourront affronter certainement dans de meilleures conditions les vraies menaces dont notamment le terrorisme et la contre bande qui ruinent le pays.
Mohamed Meddeb