News - 28.01.2014
Tirs croisés sur le gouvernement Mehdi Jomaa : obtiendra-t-il l'investiture?
Amel Karboul, proposée au Tourisme a-t-elle travaillé pour des projets israéliens et d’autres membres du gouvernement sont-ils liés à l’ancien régime sont-ils inféodés à des partis politiques? Mehdi Jomaa et son équipe font face avec une émotion contenue, à la férocité des attaques sous la Coupole du Bardo. Tirant à boulets rouges, chacun des deux camps au sein de l’Assemblée nationale constituante s’est adonné, selon son angle, à des tirs croisés, au sujet du gouvernement Mehdi Jomaa lors du débat d’investiture. Deux fortes critiques réitérés : le parcours de certains ministres proposés et la prééminence de l’ANC en termes de légitimité au-dessus de toute autre, plus précisément, celle du Dialogue national.
Pas moins de 22 élus ont pris la parole durant le débat commencé l’après-midi, suite à la déclaration introductive de Mehdi Jomaa. Si le CPR, Wafa, Tayar El Mahabba, Al Jabha et Al Jomhoury ont clairement exprimé leur intention de ne pas voter la confiance au nouveau gouvernement, l’Alliance démocratique, Ennahdha, Ettakatol et des indépendants ont manifesté un soutien vigilant.
« Considérons cette séance comme le point de départ d’un contrat entre l’Assemblée et le gouvernement » a lancé Kamel Ben Amara (Ennahdha). « Ce gouvernement est issu d’un consensus, confirme Sahby Attig, président du groupe Ennahdha. Mais, s’il n’y a plus désormais de majorité et d’opposition, notre soutien ne sera pas un chèque en blanc ». Taher Hmila sera très clair : « Nous avons un malade en état d’urgence absolu. Ce qui compte, ce n’est pas le médecin urgentiste que nous avons appelé à son secours, mais sa prise en charge et sa survie. Le vote départagera ceux qui veulent bloquer la situation de ceux qui volent au secours du pays. »
L'inévitable Gassas Show
Dans le registre du burlesque, Brahim Gassas, Azad Badi, Aymen Zouaghi et Raouf Ayadi iront de leur litanie. C’est un gouvernement Troïka bis qui compte des figures de l’ancien régimes, certains ministres manquent d’expérience, Amel Karboul (proposée au Tourisme) s’était rendu en Israel : les allégations et le ton ont parfois frôlé l’indécence.
Gassas dira à Karboul : « Si c’est vrai, prenez votre robe et partez ! » Auparavant, il a avait gratifié l’audience (télévisée) de son habituelle tentative d’intimidation des ministres : « Je suis votre chef, je suis le chef suprême des armées, vous travaillez sous mes ordres… » Un mauvais quart d’heure à passer par des volontaires de haut calibre qui ont tout laissé et accepté de servir dans ce gouvernement.
Jomaa cherchera à rétablir la vérité
La pause de la prière du Maghreb, prévue pour 30 minutes a pris plus que le double. Mehdi Jomaa en a profité pour rencontrer les présidents des groupes parlementaires. A la reprise des travaux, à 19 heures, il demandera à prendre la parole. « Je souhaite juste interagir avec vous, à ce stade des débats, avant la fin de toutes les interventions pour apporter deux précisions de taille sur les mises en cause de certains membres du gouvernement et sur la légitimité absolue de l’ANC, dira-t-il d’emblée. En formant mon gouvernement, j’ai fixé trois critères fondamentaux : la compétence, l’indépendance et l’intégrité. J’ai dû rencontrer, en plus des politiques, plus de 300 personnes. N’appartenant pas à un parti et ne disposant d’aucun staff dédié, j’ai dû m’en occuper moi-même, dans des délais très rapprochés et ne devant puiser que parmi les indépendants. Et ce n’était guère facile. Maintenant, j’ai pris note de vos mises en cause, je m’engage à les vérifier moi-même, dès l’obtention de votre confiance et si l’un des trois critères fixés n’est pas respecté, je ne manquerais pas de retirer la personne concernée. J’ai à ce sujet l’engagement formel de chaque membre du gouvernement ».
Mehdi Jomaa s’attardera particulièrement sur le cas d’Amel Karboul. « Oui, effectivement, elle s’était rendue en Israel, en 2006. Mais c’était dans le cadre dans un projet de coaching financé par les Nations Unies devant profiter à de jeunes palestiniens notamment dans les territoires occupés. Mais, parce qu’elle était arabe et musulmane, tunisienne, elle a subi à son arrivée à l’aéroport un traitement inacceptable, avec interrogatoires harcelants. Du coup, elle a renoncé à poursuivre sa mission, mais redoublant d’engagement en faveur de la cause palestinienne. »
La légitimité de l’ANC n’est pas remise en cause
Même clarté dans son explication sur le Dialogue national et l’ANC. « Sil est vrai que ce gouvernement émerge d’un consensus réuni au sein du Dialogue national, dit-il, c’est auprès de vous que je sollicite l’investiture et c’est devant vous que je serai comptable de mon action. Il n’y a pas l’ombre d’un doute là-dessus ».
Comme pour fixer de nouvelles règles de compréhension mutuelle, Mehdi Jomaa conclura en disant courtoisement : « Vous avez choisi pour conduire ce gouvernement une personnalité apolitique, indépendante, il faudrait supporter les aléas d’un style différent. » La tension est légèrement apaisée. Nouvelle pause, pour le dîner cette fois-ci. Une séance nocturne, avec poursuite des débats, réponse de Jomaa et vote, tranchera la question. Toutes les options restent ouvertes, même si des partis de la majorité (Enahdha et Ettakatol,) ainsi que des élus de Nidaa Tounès et d’autres indépendants tiennent à l’investiture du nouveau gouvernement. Un vote, s’il est positif, évitera à la Tunisie de retomber dans de nouvelles incertitudes.
Scénario optimiste, fort de son investiture, le gouvernement prêtera serment ce mercredi matin devant Marzouki à Carthage et la cérémonie de passation Laarayedh – Jomaa suivra immédiatement à Dar Dhiafa, à quelques encablures du palais présidentiel,