News - 29.01.2014

A l'arraché, Mehdi Jomaa obtient la confiance pour son gouvernement

Par 149 voix sur 193 votants, soit 77%, Mehdi Jomaa a obtenu l’investiture de l’Assemblée nationale constituante pour son gouvernement à l’issue d’âpres débats marqués par un grand suspense. Lorsque, à une heure du matin, dans la nuit du mardi à mercredi, Mustapha Ben Jaafar a invité les élus à voter, personne ne pronostiquait pareil score, tant les tiraillements, les mises en doute et le scepticisme étaient si forts. Mais, la dernière intervention de Mehdi Jomaa, peu après minuit, sur un ton franc et sincère, a vaincu nombre de résistances. Seuls 20 élus lui ont opposé leurs voix et 24 autres se sont abstenus. Récit d’un marathon, guère gagné d’avance.
 
La journée avait commencé tôt pour les 21 ministres et 7 secrétaires d’Etat dont la plupart découvraient pour la première fois, le siège de l’ANC et son ambiance houleuse. La toute première séance, consacrée à la présentation de la déclaration du chef du gouvernement était plutôt courtoise et encourageante. Mais dès l’amorce des débats, l’après-midi, le torpillage n’a pas tardé, s’intensifiant au fil des heures. Dans une ultime tentative de recentrage et d’apaisement, Mehdi Jomaa reprendra la parole à 19 heures, affirmant son engagement à vérifier que les critères de compétence, d’indépendance et d’intégrité requis dans le choix des membres de son équipe sont bien respecter, quitte à apporter les changements appropriés. Il rassurera aussi les élus quant à son respect total de la légitimité de l’ANC, source de la légitimité du gouvernement. La tension a certes baissé d’un cran, mais plus d’un constituant lui conseillera publiquement de ne pas solliciter l’investiture le soir-même, de crainte de ne pas l’obtenir.

Un soutien vigilant mais mobilisateur

Avec beaucoup de patience, Jomaa et son équipe subiront sans broncher l’assaut de leurs  détracteurs, de divers bord. Plus les pressions montaient dans l’hémicycle, plus la tension baissait sur les bancs du gouvernement. Les ministres les plus attaqués (Amel Karboul, Hafedh Ben Salah, Lotfi Ben Jeddou, etc.) sont restés de marbre. Pas moins de 60 élus ont pris part aux débats, entre soutien critique et ferme rejet.  Il ne restait plus à Mehdi Jomaa qu’à livrer la dernière bataille, jouant le tout pour le tout.
 
«On reproche au gouvernement, balaiera-t-il d’un revers de main, de compter nombre de diplômés de grandes écoles étrangères, est-ce un tort ? Ils sont avant tout Tunisiens et le restent profondément. Leurs études et leur expérience à l’étranger n’ont fait que renforcer leur attachement au pays ! Nous ne sommes candidats à rien. Chacun d’entre nous, ajoutera-t-il, jouit d’une situation professionnelle bien confortable que nous n’avons guère hésité à sacrifier pour effectuer une année de" service national". Nous n’avons pas de plan d’action détaillé et précis, mais nous apportons de par nos expériences managériales, une méthodologie pour l’excellence. Nous avons pris notre courage à deux mains et accepté de relever ces grands défis, en connaissance de cause, animés des meilleures intentions et déterminés à réussir. Notre pays n’a pas d’autres choix. Aucun sacrifice ne saurait être épargné pour réunir les conditions favorables à des élections équitables et à la relance économiques. Vous pouvez changer de gouvernement tous les six mois, si vous le voulez, mais ce n’est pour autant que vous allez résoudre les problèmes du pays. Plus que de votre investiture ce soir, c’est de votre  puissant soutien tout au long de notre mandat que nous avons le plus besoin, un soutien vigilant, mais mobilisateur. »

Se faire confiance, mutuellement

Pour ce qui est de la dissolution des ligues de protection de la révolution, tant réclamée par les élus de l’opposition, Jomaa dira qu’il ne saurait tolérer toute organisation qui prône la haine et exerce la violence. Mais, le traitement sera au nom de la loi et par la loi à l’égard de tous ceux qui tenteront de la violer. La révision des nominations sera effective, à commencer par les gouverneurs et leurs collaborateurs afin de préserver l’équité du scrutin. Il demandera aussi à ses ministres de s’assurer que leurs collaborateurs remplissent tous les conditions  de compétence et d’indépendance. « Si j’ai choisi des pros, ils doivent s’entourer de pros,  affirmera-t-il. Nous sommes prêts à prendre de grands risques bien mesurés, sauf avec la sécurité et la réussite des élections. Ce sont de nouvelles relations que je vous propose, dans un véritable contrat de confiance et de respect mutuels. Je veux pouvoir compter sur tous, et vous pourrez compter sur nous ». 
 
Le discours a porté et la confiance votée. Encore un moment historique dans le sillage de l’adoption de la constitution. Mustapha Ben Jaafar, resté au perchoir, avec quelques éclipses dans son bureau pour d’ultimes contacts en faveur de l’investiture, pouvait alors célébrer, en entonnant avec les présents l’hymne national, cette deuxième réussite en moins de 48 heures.  
 
Quant à Mehdi Jomaa, il filera directement au bureau signer la lettre d’intention réclamée par le FMI qui doit statuer dès mercredi 29 janvier, sur l’octroi d’un  indispensable crédit à la Tunisie. Très tôt le matin, il se rendra à la Kasbah s’entretenir avec le chef du gouvernement sortant, Ali Laarayedh, avant d’aller à Carthage pour la cérémonie de prestation de serment. Il ne restera plus alors qu’à procéder vers 11 heures à Dar Dhiafa à la passation entre les deux gouvernements.