Passant le relais à Jomaa, Ali Laarayedh s'épanche sur son jardin secret
Ali Laarayedh a attendu la passation des pouvoirs avec Mehdi Jomaa pour lever un coin du voile, jusqu’ici resté inconnu de son parcours. A la grande surprise des membres des deux gouvernements, entrant et sortant, et devant plus d’une centaine de convives invités mardi matin à Dar Dhiafa à Carthage, il se laissera aller à la confidence. Première surprise, il a faillidevenir un grand militant syndical.
«Ce que Mon père, qui cultivait un petit lopin de terre pas loin de Médenine, espérait le plus pour moi, c'était de me voir devenir instituteur. J’ai poussé plus loin mes études pour devenir ingénieur dans la marine marchande. Une fois recruté au ministère du Transport en 1980, je me suis employé à créer un syndicat, au moment où Achour était encore en prison et l’UGTT préparait son congrès extraordinaire de Gafsa. Mon chef était venu m’en dissuader en me disant que je suis cadre et que je devais être l’interlocuteur des syndicalistes et non prendre leur place. Bref, nous avons réuni le nombre de signatures nécessaires pour la constitution du syndicat, et me voilà pris dans la tourmente des représailles, procès, condamnations à mort…».
Il reviendra brièvement sur ses souvenirs avec le siège du ministère de l’Intérieur. « De 1981 à 2011, évoquera-t-il, lorsque j’y entrais, je n’en sortais jamais tout de suite. Je faisais le tour des bureaux d’interrogatoires, salles de tortures et sinistres geôles de l’oubli et de la répression. La seule fois où j’en suis sorti au bout d’un quart d’heure, c’était en mars 2011, quand on y est allé déposer la demande d’autorisation du parti Ennahdha. Inutile de vous dire combien mon émotion était aussi grande lorsque j’y étais nommé en décembre 2011, ministre de l’Intérieur. J’avais alors réalisé que la révolution était effectivement en marche ».
« J’ai beaucoup appris de ces deux années passées à la tête du ministère de l’Intérieur, puis du gouvernement, poursuit Laarayedh. L’essentiel pour moi, c’est que l’exercice du pouvoir ne doit pas changer son titulaire, mais l’en enrichir de ses enseignements. J’en ai fais ma devise au quotidien.»
Son successeur, Mehdi Jomaa, qui a été son ministre de l’Industrie, le confirmera. « Entre ingénieurs, on s’est rapidement compris. J’ai découvert en lui un homme d’Etat et non un homme de parti. On fonctionnait en parfaite symbiose. Et je l’en remercierai jamais assez».
« Vous avez de la chance, lui lancera en retour, Ali Laaraeydh. Au moins, on ne vous qualifiera pas comme moins de chef de gouvernement provisoire, puis, démissionnaire. Avec un large sourire, Jomaa lui répondra : avec une date de préemption très limitée pour ce gouvernement, je serai bientôt, l’ancien chef du gouvernement ». Ambiance bon enfant pour un passage de témoin exceptionnel.
TH
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