Paris – De notre envoyé spécial – A peine libéré des charges du gouvernement, Ali Laarayedh a réservé sa première sortie à une table ronde franco-tunisienne sur la réussite de la transition démocratique en Tunisie, tenue lundi à Paris. Organisée par l’association Initiative & Changement elle a réuni des acteurs politiques, économiques, diplomates, experts et représentants de la société civile dans les deux pays. On reconnaissait en effet du côté tunisien, notamment. Moncef Cheikhrouhou (l’Alliance), Taieb Houidi (Al Jomhoury), Khayam Turki (Ettakatol), Imad Daïmi (CPR), Mehrezia Laabidi et Zied Laadhari (Ennahdha), Naceur Chouikh et Hassen Annabi (Nida Tounes) ainsi que Imed Ben Cheikh Larbi (Ordre des Avocats), Maher Kallel, Mounir Belltaifa, Lotfi Hajji et Hédi Jilani (Militant à Paris, Fondation Hached). Aussi, la participation des ambassadeurs des deux pays, Adel Fekih à Paris et François Gouyette à Tunisie ainsi que de nombre de Députés français souligne la dimension particulière de cette rencontre.
Cette association qui s’appelait Réarment Moral, très engagée dans la décolonisation avait favorisé le rapprochement à la veille des négociations tuniso-francaises entre Mohamed Masmoudi et le chef des négociateurs français, Jean Basdevant. La confiance est établie et à chaque fois où Masmoudi et Basdevant se retrouvaient, ils mettaient tous les problèmes sur et trouvaient les solutions pour sortir de l'impasse. Très discrète et très efficace.
Sauvegarder la cohésion sociale
Invité à livrer son témoignage sur l’aboutissement heureux de la Constitution et le passage du relais à un gouvernement de compétences indépendantes, Ali Laarayedh a commencé par rappeler combien il était important d’œuvrer pour que la révolution, dépourvue de leader, ne fasse tomber l’Etat. «Nous avons accepté des solutions et fait des concessions appropriées au cas tunisien, spécifiques et fait face aux grands problèmes de la stabilisation du pays, dans une liberté sans limites, soulignera-t-il. L’essentiel a été aussi de sauvegarder la cohésion sociale et de ne pas creuser les fissures idéologiques et religieuses. Un grand pas est aujourd’hui franchi, ce qui reste à faire est aussi difficile. Notre objectif à tous est de parvenir à des élections libres et transparentes, incontestables.»
Deux fois, durant les débats qui ont pris toute la journée au Collège des Bernardins (Vème), Ali Laarayedh, prendra la parole pour réaffirmer son attachement personnel et celui de son parti Ennahdha aux libertés et à la démocratie. Tout en s’inscrivant dans un équilibre à préserver entre racines arabo-musulmanes et modernité. « La question n’est pas de savoir si Islam et Démocratie sont compatibles, mais quelle interprétation doit-on en faire ainsi que de quelle religiosité s’agit-il? La personnalité tunisienne puise ses gènes dans cet équilibre entre sa culture patrimoniale et ses aspirations pour vivre les valeurs de son temps, deux piliers indissociables.»
Réconciliation nationale impérative pour ne pas ajouter d'autres victimes
Evoquant la bi-polarisation, Ali Laareydh a estimé qu’elle risque de persister, mais perdra progressivement de son acuité. Les extrêmes en seront progressivement marginalisés et c’est le centre qui sera le plus fort. Dans ce dispositif, il positionne Ennahdha «qui se forge chaque jour davantage et évolue beaucoup sur divers plans». Sans trop s’étendre sur les mutations internes d’Ennahdha, Laarayedh retiendra l’attention de l’auditoire lorsqu’il parlera de la réconciliation nationale. «Il a fallu beaucoup d’efforts, parmi nos rangs, dira-t-il, pour éviter tout esprit de vengeance ou rancune. Il nous faut aller vers l’avenir et non nous retourner vers le passé. La Tunisie a eu suffisamment de victimes pour lui en rajouter d’autres, au nom de la revanche».
Laarayedh confirmera ce que les Français veulent le plus entendre : « Nous avons beaucoup investi dans la Liberté et continuerons à y investir. Une liberté qui va en s’enracinant, soutenue par la Constitution et par des lois qui réduiront les extrémismes. Liberté et démocratie sont désormais les fondements de la Tunisie».