La Tunisie a-t-elle besoin de nouvelles facultés de médecine?
La Tunisie a quatre Facultés de Médecine, le même nombre que la Hollande. Le Maroc, lui, en a cinq. Le nombre de médecins formés dépasse de loin les besoins du pays. Les médecins font partie des diplômés chômeurs.
Pour un médecin, il est difficile de se convertir pour exercer une profession extra médicale. Titulaire du diplôme de docteur en Médecine et ne pouvant gagner sa vie, il pourrait être astreint à commettre des actes répréhensibles (prescriptions abusives, délivrance de certificats de complaisance, détournement de clientèle, dichotomie, etc…).
Les étudiants en médecine font partie des élites de nos bacheliers. N’est-t-il pas plus sage de les orienter vers des filières permettant un accès plus facile au marché de l’emploi? Prendre la décision de créer de nouvelles Facultés de Médecine sans étudier de façon sérieuse et objective la situation actuelle de la formation médicale et sans consulter les femmes et les hommes de l’art médical, relève de la pure démagogie, du clientalisme politique, bref de l’irresponsabilité. Une Faculté de Médecine est une école professionnelle où l’on inculque le savoir, le savoir faire et le savoir être. La formation théorique est assurée par la Faculté et poursuivie dans les Hôpitaux universitaires où s’effectuera la partie pratique.
La création d’une Faculté de Médecine, ce n’est pas l’ouverture d’une épicerie, avec tous mes respects pour les épiciers dont je suis issu.
Notre lutte pour une formation médicale de qualité, ne date pas d’hier. Nous avons essayé de nous opposer aux politiques qui ont souvent opté pour la quantité et non la qualité.
En 1975, en tant que membre du bureau de l’Amicale des Médecins Hospitalo- Universitaires, nous nous sommes opposés à la création de la Faculté de Médecine de Monastir.
En 1979, lors d’une réunion au Ministère de la Santé Publique, regroupant le Ministre de la Santé Publique, celui de l’’Enseignement Supérieur, celui des Affaires Sociales et les médecins fondateurs de la Faculté de Médecine de Tunis, à laquelle, j’ai eu l’honneur de participer en tant que jeune maître de conférence agrégé et dont l’objet était «l’adéquation formation emploi en médecine». J’ai dit ceci «L’étude faite par un groupe de médecins Hospitalo Universitaires, démontre que si on continue à former autant de médecins, on arrivera en l’an 2000 au taux d’un médecin pour 2000 habitants, situation, tenant compte de l’absence de généralisation de la sécurité sociale et du niveau de vie de la population, ne permettant pas aux médecins de gagner honnêtement leurs vies. Délivrer un diplôme de docteur en médecine procure au détenteur le droit de prescrire avec tout ce que cela comporte. Se trouvant chômeur, avec son diplôme de médecin, c’est un véritable drame pour lui et sa famille et une perte sèche pour la Tunisie, qui a consenti des dépenses évaluées à 7000 DT pour ses études. N’est-t-il pas plus sage d’anticiper tout cela et éviter tant de déception?
Actuellement, avec ses quatre Facultés de Médecine, la Tunisie a un médecin pour 780 habitants dont 50 % de spécialistes. Est-ce raisonnable?
Vouloir continuer à augmenter le nombre de médecins sans assurer, la qualité de la formation est une bombe à retardement par la dégradation de la qualité des soins et l’augmentation des dépenses de santé par la prescription abusive de médicaments et d’examens complémentaires (radiologie, biologie etc…). Déjà on en ressent les méfaits au niveau de la CNAM dont le budget est fortement ébranlé.
La Médecine Tunisienne a accédé à un niveau international. Elle constitue une source appréciable de rentrées de devises grâce à la confiance qui lui ai accordée par les pays voisins et même lointains. Il est à déplorer un fléchissement, commencé après août 1988, suite à la promulgation de la loi instituant l’obligation du plein temps intégral, provoquant le départ des hôpitaux universitaires d’un nombre appréciable de médecins, qui ont fondé la médecine tunisienne moderne. Une reprise en main a eu lieu jusqu’à l’an 2000, pour laisser place à une descente progressive surtout après la Révolution et ce par l’explosion des autorisations de l’exercice de l’activité complémentaire par les médecins hospitalo universitaires et la dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux surtout universitaires.
La résultante, a été la forte sortie des collègues vers le secteur privé qui a certes son importance, mais la médecine hospitalo universitaire reste toujours la locomotive de la médecine. Cela ce ressent au niveau de la qualité des soins tant sur le plan technique qu’humain, et au niveau de la formation avec un moins bon encadrement des étudiants en particulier au stade d’internes et de résidents.
Ainsi, la Médecine tunisienne vit sur son énergie cinétique. Il est grand temps de lui donner une nouvelle impulsion, mais ce n’est pas en ouvrant des nouvelles facultés, mais plutôt en fructifiant et à bon escient les existantes, par l’octroi de moyens nécessaires sur le plan matériel et humain, pour un coût moindre et une rentabilité immédiate.
La décision prise par le gouvernement Laarayedh, lors du conseil des ministres du 21 Novembre 2013 de créer trois Facultés de Médecine est un acte irresponsable, voir suspect, d’autant que l’honnêteté et la crédibilité des deux ministres de tutelle (Santé, Enseignement Supérieur) sont soumis à une rude épreuve, car ils se sont octroyés, semble-t-il, des titres et des grades en faisant fi des règles administratives. Il est licite de se demander qu’elle a été la réaction de deux ministres professeurs à la Faculté de Médecine de Tunis.
Cette décision irréaliste est une véritable bombe à fragmentation lancée sur le chemin de l’actuel gouvernement qui doit procéder habilement à une minutieuse opération de déminage ; un franc refus est meilleur qu’une promesse non tenue. Nos citoyens des régions où ces facultés devraient être installées, doivent comprendre qu’ils ont été bernés par le gouvernement Laaryadh, qui a excellé dans les paroles, souvent contradictoires mais pas dans les actes. Nos citoyens ont besoin de postes d’emploi et des centres de soins, bien gérés, ayant un matériel médical adéquat et un personnel médical et paramédical, bien formé, motivé et encouragé.
Ainsi la Tunisie n’a pas besoin de nouvelles Facultés de Médecine. Les quatre Facultés actuelles, forment annuellement 1000 médecins. Où va-t-on?
Le besoin le plus urgent est la mise à niveau de nos Facultés et de nos Hôpitaux en particulier universitaires, en leur octroyant les moyens appropriés financiers pour l’équipement et surtout le fonctionnement et humains en valorisant dans le sens large du terme le travail dans les hôpitaux.
Octroyer plus de considération aux médecins hospitalo universitaires est plus que nécessaire, si on veut redonner à la médecine Tunisienne ses lettres de noblesse.
Souvenez-vous de la blague qui s’est répandue après l’application de la loi scélérate d’août 1988 «Ne sont restés dans les hôpitaux universitaires, que les 3 F, fous, femmes, fainéants» quel déni! Fou, j’étais parmi les fous, mais fou de l’amour du service public, fou de l’amour de l’enseignement, fou de l’amour de transmettre le savoir, le savoir faire et le savoir être, fou de l’amour de servir et non de se servir, fou du désamour de l’argent dans une société où le lucre est devenu la principale valeur, fou de l’amour de la Tunisie, en levant bien haut, son drapeau, dans les instances scientifiques internationales. Quant à nos femmes, l’histoire ancienne et contemporaine, a montré de quoi elles sont capables, et ceci dans tous les domaines, en particulier celui de la Santé. Elles ont constitué, constituent et constitueront la principale planche du salut de notre révolution et le barrage infranchissable à l’obscurantisme. Quant aux fainéants comment peut-on qualifier ainsi des personnes qui ont affronté des études longues et difficiles, d’innombrables obstacles pour parvenir au grade de médecin hospitalo universitaire. Ces médecins travaillent au-delà des heures réglementaires, sans demander des indemnités supplémentaires, aux dépends de leur vie familiale, et le plus souvent dans des conditions difficiles.
Bref, la Tunisie doit faire fonctionner correctement les institutions universitaires existantes ; cela sera plus rentable et moins onéreux.
Membres du gouvernement Jomaâ, soyez réalistes, dites la vérité, ne donnez pas de faux espoirs aux tunisiens, en un mot soyez responsables. Un prix Nobel a écrit «Responsable», quel beau mot, qui évoque tout de suite lucidité, force morale, capacité de décision et volonté d’exécution». Ainsi, vous montrerez que vous aimez ce peuple qui vous le rendra bien. La grande bénéficiaire en sera la Tunisie ancrée à jamais dans la modernité, et que vous vous êtes engagés à sauver. Merci d’avance et bon vent.
Hédi Ben Maïz
Professeur Emérite à la Faculté de Médecine de Tunis
Membre correspondant à l’Académie Nationale
de Médecine (Paris)
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comment expliquez vous qu'à djerba pour prendre un rendez vous chez un spécialiste on doit attendre parfois 20 à 25 jours (chez un cardiologue ou autres........) surtout avec le nombre de libyens on est parfois obligé d'annuler le rendez vous.
Je suis professeur d'Université et j'ai fréquenté aussi bien de petites universités que de grandes université. Une petite est fragile, il suffit de faire une erreur de recrutement et tout le système s'écroule. Un médiocre peut faire la loi. Une grande université est robuste et les erreurs de recrutement sont compensées par la dynamique globale du système. Non seulement un médiocre ne peut pas faire la loi, mais en plus il peut être tiré vers le haut par ses collègues.
Il faut se féliciter de la haute valeur morale et scientifique de M. le Professeur Emérite Hédi Ben Maïz dont la courageuse réflexion et pertinente analyse sont dignes de son rang.De nombreuses personnes averties ont vu en la décision de créer de nouvelles facultés de Médecine une nature politique, irresponsable,démagogique et pleine de calculs politiciens.Dommage ! Aujourd'hui, le Gouvernement indépendant et de compétences a le devoir d'être franc avec le Peuple et doit en toute objectivité dire la vérité aux Régions concernées en s'engageant à faire d'équivalents investissements dans les dites Régions pour d'autres projets de développement étant souligné ,comme l'a pensé M. le Professeur, de s'engager à équiper des Centres de soins appropriés susceptibles de répondre, en toute priorité, aux besoins des populations démunies et de créer une interdépendance entre les différentes structures hospitalières géographiquement voisines.Certes l'annonce d'une telle décision de réorientation devra se faire accompagner de substitutions immédiates et pallier aux besoins urgents constatés en s'attaquant à brefs délais au déclenchement du processus de la réforme fondamentale hospitalo universitaire pour éviter son déclin déjà entamé! Sans une structure hospitalo universitaire nationale de niveau , la qualité des soins de santé ne peut être atteinte même si la Tunisie dispose de dix facultés de médecine pour ses 12 millions d'habitants !!!
2 facultés de médecine côté à côté comme Sousse et Monastir est une aberration. Pourquoi ne pas déplacer la faculté de Monastir dans l'ouest du pays?
Vous avez tout à fait raison, M. Maïz...mais que faites-vous de l'égo des Gabésiens, Gafsiens et autres...qui, ayant une faculté de médecine dans leur bonne ville, croient tous accéder au titre de "dactour", le summum des gratifications...D'ailleurs, 4 facultés de médecine dans un petit pays tel que la Tunisie, de 10 millions d'âmes, c'est déjà trop...et les diplômés en médecine chômeurs, on ne les compte plus...Quant à leur refus d'aller travailler dans les régions de l'interieur, c'est une aberration et une insulte au serment d'Hypocrate.Ils doivent exercer là où l'Etat les affecte, pour un certain nombre d'années, c'est le prix des études gratuites accordées par le contribuable. La mauvaise répartition des services de santé ( médecins par nombre d'habitants, nb d'hôpitaux, de dispensaires etc, sur le territoire est une chose, l'obligation d'exercer là où l'Etat vous nomme en est une autre. Il ne faut pas mélanger les deux aspects...La Tunisie, avec 4 facultés de médecine, est déjà un pays sur médicalisé, en termes de médecins diplômés, toutes spécialités confondues, de laboratoires pharmaceutiques, etc...mais la répartition sur le territoire est inégalitaire, discriminatoire, injuste. C'est un problème politique...
Je partage tout a fait l'analyse du Dr Hedi Ben Maiz et sa proposition d'améliorer la qualité des soins et la qualité de la formation plutôt que de multiplier les facultés de médecine.J'espere que nos ministres de tutelle et particulierement celui de la sante auront l'honneteté et le courage d'arrêter cette tendance populiste
Analyse exacte de notre Maître Pr H Ben Maiz. Il serait beaucoup plus utile de doter chaque chef lieu de gouvernerat d'un CHU.
Cet article de notre Pr Ben Meaiz est assez intéressant mais mérite quelques remarques ; en effet notre cher professeur dit la moitié de la vérité. S’il est vrai que le système de santé tunisien est gravement malade, mettre tout sur le compte de la mauvaise gestion de ces deux dernières années me semble injuste. Y a t il trop de médecins ? Non, si on compare la densité globale ; la Tunisie est classée 90ème alors que les Pays Bas évoqués par notre Pr, sont à la 13ème position. http://www.indexmundi.com/g/r.aspx?c=nl&v=2226&l=fr À Tunis, Sfax, Monastir, Sousse, Jerba ect.. oui il y a beaucoup de médecins et le taux est celui de Paris peut être. http://www.ordre-medecins.org.tn/pdf/demographie/TABLEAU%20RECAP%20SPECIALISTES.pdf alors qu'à l'intérieur c'est le taux du Tchad ou du Mozambique! Y a t il des médecins en chômage ? Oui et c’est depuis longtemps quand il n’y avait que 4000 médecins. Moi j’ai connu le chômage alors que mon numéro d’inscription est de 44**. Le problème est la répartition des médecins et l’existence de pratiques malsaines par un lobby de médecins qui ne sont pas ceux qui gagnent le moins, (certificat médicaux de complaisance, détournement de patients ect…. a toujours existé.). Décentraliser les CHU est une solution mais insuffisante car la dégradation des CHU existant a pour causes entre autres « certains chefs de services se font un malin plaisir à voir leur service se désintégrer. Sans matériel et sans conditions optimales pour que les affaires de l’APC (activité privée complémentaire) iront mieux. ! » http://www.kapitalis.com/tribune/7910-tunisie-les-hopitaux-publics-ruines-par-ces-chers-professeurs.html « si on continue à former autant de médecins, on arrivera en l’an 2000 au taux d’un médecin pour 2000 habitants, situation, ...., ne permettant pas aux médecins de gagner honnêtement leurs vies » Notre Pr pense plus au niveau de vie des médecins qu’à la qualité de vie des malades ! « Nos citoyens des régions où ces facultés devraient être installées, doivent comprendre qu’ils ont été bernés par le gouvernement Laaryadh, qui a excellé dans les paroles, souvent contradictoires mais pas dans les actes. » Construire une faculté est un acte ; quand il a été décidé il n’a trouvé que des critiques ! « J’étais parmi les fous, mais fou de l’amour du service public » dit notre prof installé à la clinique Farabi ! La solution doit être globale : quand toute l’infrastructure dans les régions intérieures sera mise au niveau de celles des régions côtières, l’équilibre viendra, car il fera agréable de vivre aussi bien à la Marsa ou Manar qu’à Ksserine ou Tala.
Je t envoie cet article d un grand prof tres respectable et responsable.