L'Arabie Saoudite retrouve sa place sur l'échiquier tunisien
Trois jours après le retour, tambour battant, de l’Ambassadeur des Emirats Arabes unis à Tunis, son collègue saoudien Khaled Bin Missaad Al-Ankari a été reçu longuement mercredi par Mongi Hamdi, Ministre des affaires étrangères. La rencontre s’est tenue en tête-à-tête et rien n’en a filtré, apprend-on, à part un communiqué officiel du ministère soulignant «la profondeur des relations entre les deux pays». En langage diplomatique, cela veut dire que l’ambassadeur avait un message confidentiel de la plus haute importance des autorités de son pays qu’il tenait à délivrer sans témoins.
Il ne fait pas de doute que le Royaume saoudien a été agacé, et le mot n’est pas assez fort, par la « révolution » tunisienne qui a fait tâche d’huile dans le monde arabe. Mais plus est, c’est la montée des islamistes proches des «Frères musulmans» en Tunisie qui l’a agacé davantage. Ainsi les visites rendues en Arabie Saoudite par les deux chefs de gouvernement successifs d’Ennahdha, Hamadi Jebali et Ali Lartayedh ainsi que par le président du mouvement Rached Ghannouchi n’ont rien donné à part des vœux pieux qui tardent à se concrétiser.
Quand bien même tous ses responsables se sont abstenus d’évoquer le sort du président déchu Ben Ali qui a trouvé refuge au Royaume, les autorités de Riyadh ont été toujours réservées vis-à-vis des gouvernements conduits par les Islamistes. Le rôle joué par Qatar, le frère ennemi du Royaume et l’aide dispensée par celui-ci à la Tunisie ne pouvait que renforcer ses réserves. Les saoudiens, fermes soutiens des militaires égyptiens dans leur coup de force contre le «frère musulman» Mohamed Morsi ont été mis mal à l’aise par les déclarations appelant à sa libération comme celles qualifiant ce qui s’est passé en Egypte de «coup d’Etat».
Avec le retour de l’ambassadeur des Emirats, un Etat du golfe connu pour sa discrétion contrairement à son voisin qatari, ferme ainsi un dossier qui a mis en colère les saoudiens comme les émiratis. Les conditions de ce retour les ont convaincus d’un changement dans «le bon sens», à leurs yeux, de la politique étrangère tunisienne.
C’est donc, dans la discrétion qui sied à leur diplomatie que les saoudiens ont tenu à adresser un message de «soutien appuyé» au gouvernement de Mehdi Jomaa initiateur de ce changement, surtout dans sa lutte contre le terrorisme dont a souffert le Royaume. C’est aussi une indication sans équivoque qu’ils vont «mettre la main à la poche» pour concrétiser ce soutien, maintenant que l’hypothèque islamiste a été levée avec l’arrivée d’un gouvernement indépendant de «compétences nationales».
L’Arabie Saoudite retrouve ainsi sa place sur l’échiquier tunisien particulièrement au plan économique et financier.
R.B.R