News - 26.02.2014

Gaz de schiste: mille professionnels de la santé américains en appellent à Obama

La question du gaz de schiste demeure entourée d’un épais halo de  mystère  et de lourdes incertitudes chez nous. Certains nous appellent à des «choix courageux». Mais comment  mettre  sous le tapis les atteintes prévues à l’environnement national? D’autres parlent de forages dans la région de Remada et des promesses du  bassin de Ghadamès. L’étude d’Oxford Economics et celles de certaines banques… font miroiter des lendemains radieux pour le capital énergétique  du pays. Mirages sahariens?

L’ancien ministre de l’Industrie M. Mehdi Jomaâ disait,  sibyllin, «surseoir» à l’exploitation du gaz de schiste et assurait dans le même temps: «A la limite, le gaz de schiste peut représenter une solution, mais pas toute la solution. Pour le moment, on  n’est pas encore là.» (Site de Leaders, 7 novembre 2013). Espérons que le chef du nouveau gouvernement provisoire lève enfin toutes les ambiguïtés afin que le pays sache à quoi s’en tenir!

Pour l’heure, face à ce tohu-bohu, il nous paraît utile de verser cette pièce au dossier pour contribuer à  l’information de  nos concitoyens (Voir notre article sur le site de Leaders, 6 novembre 2012). On relèvera que ces  professionnels américains prononcent un vibrant  plaidoyer pour la préservation de l’eau et mettent fortement l’accent sur les graves atteintes à la santé publique.

Cette lettre,  adressée au chef de l’exécutif américain, a été présentée par  Courtney Abrams, directeur du Clean Water Program et d’Environment America Research and Policy Center.

M.L.B.

M. Le Président Obama
Maison Blanche
1600 Pennsylvania Avenue  NW
Washington, D.C. 20500
20 février 2014

Cher Président Obama;

En notre qualité de médecins, d’infirmiers, de chercheurs, de professionnels de santé publique et de spécialistes de la santé, nous sommes profondément inquiets de l’utilisation de la fracturation hydraulique horizontale (fracking) et de ses menaces de plus en plus grandes tant pour la santé publique que pour  l’environnement.

Les opérations de fracturation (c.-à-d. le cycle entier des opérations d’extraction et non la seule technique de fracturation), en injectant des mélanges complexes de produits chimiques toxiques dans les profondeurs de la terre, génèrent des millions de gallons d’eaux polluées par des substances radioactives, cancérigènes et en mesure d’induire diverses pathologies. En outre, ces opérations libèrent dans l’air que nous inhalons des gaz toxiques. Elles produisent aussi des substances capables de contribuer de manière significative au réchauffement climatique. Chacune de ces menaces augmente de jour en jour le nombre de victimes.
En outre, on doit tenir compte du fait que :

  • Les opérations de fracturation ont contaminé des sources d’alimentation en eau potable dans le pays, de la Pennsylvanie jusqu’au Nouveau Mexique.
  • Des fuites et des débordements de fluides de fracturation – contenant souvent des produits réputés cancérigènes (tel le benzène) et des perturbateurs endocriniens - ont pollué les cours d’eau. D’autres contaminants ont même atteint les puits utilisés par les habitants. En effet, l’eau polluée de fracturation - contenant souvent des métaux lourds (plomb, arsenic…) et des éléments radioactifs (radon, uranium) - a fui par percolation des bassins de décantation et a fini par atteindre les nappes phréatiques.
  • Les polluants gazeux libérés lors de la fracturation hydraulique comprennent des composés organiques volatils (COV). Certains de ces corps gazeux sont cancérigènes et portent atteintes aux reins, au foie et au système nerveux central (SNC). Les chercheurs de l’Ecole de Santé Publique de l’Université du Colorado ont découvert que les personnes habitant à moins d’un demi-mile des forages de fracturation ont un risque accru de développer un cancer comparativement à celles qui habitent plus loin de ces installations.
  • On recense de plus en plus de cas solidement documentés de malades souffrant des effets chroniques et aigus de la fracturation et habitant à proximité des sites de fracturation. Ces effets se manifestent par des nausées, des migraines, d’épistaxis (saignement de nez), de vertiges et de démangeaisons. S’agissant de de l’impact de la fracturation sur la santé, les médecins travaillant sur ces dossiers  en Pennsylvanie qualifient ces manifestations observées chez les malades  de «partie émergée de l’iceberg».
  • Les opérations de fracturation libèrent des volumes importants de gaz à effet de serre. Le méthane, auquel les scientifiques attribuent un effet de serre 86 fois plus important que celui du gaz carbonique (CO2) sur 20 ans, provient des forages de pétrole et de gaz de schiste et est également émis lors du traitement, du transport et de la distribution du gaz. Le réchauffement climatique représente une menace majeure pour la santé humaine du fait des vagues de chaleur, des évènements climatiques extrêmes, des dommages aux cultures, des inondations, de la contamination de l’eau, de la montée du niveau de la mer, de l’expansion des maladies transmises par les insectes, de la détérioration de la qualité de l’air, des troubles sociaux et des conflits.

Etant donné les dégâts infligés par ces atteintes, une réponse prudente, de précaution et de prévention, consisterait à arrêter ces opérations de fracturation. Or, bien au contraire, l’industrie du pétrole et du gaz est en train de chercher à les étendre à un rythme frénétique à l’intérieur même des zones qui fournissent en eau potable des millions d’Américains.

A la lumière de ce qui vient d’être avancé, nous vous demandons instamment de prendre deux mesures immédiates pour protéger les familles et les communautés qui se trouvent sur la ligne de front de la fracturation :

  1. Appeler à éliminer les échappatoires qui exemptent la fracturation des dispositions-clefs constituant le soubassement et l’assise  de la législation nationale relative à l’environnement et à la santé publique comme la Loi sur l’Eau  (Clean Water Act) et la Loi sur la Qualité de l’Air (Clean Air Act).
  2. Prendre en compte les avis du Comité Consultatif sur la fracturation de votre Administration et déclarer comme zones sensibles et interdites à la fracturation les territoires qui alimentent en eau potable les Américains. Si on laisse la bride sur le cou à la fracturation hydraulique horizontale, elle pourrait se révéler comme une des menaces les plus graves à la santé et à l’environnement à laquelle aura été confrontée une génération dans notre pays. Nous vous demandons avec insistance d’agir maintenant.

Veuillez agréer….
Suivent les signatures de 1000 professionnels de la santé de tous les Etats de l’Union.