News - 10.11.2009

En direct de Séville : tout sur le Forum des Young Mediterranean Leaders

Séville – De notre Envoyé Spécial,
Après une première édition réussie à Tunis, c’était au tour d’un autre carrefour des civilisations d’accueillir la deuxième édition du Forum des Young Mediterranean Leaders. Séville l’œcuménique a rassemblé du 5 au 7 novembre près de 250 jeunes leaders de toutes rives et de tous bords. Entrepreneurs, politiciens, journalistes ou artistes aux accents divers se sont succédés à un pupitre transparent et une tribune d’un blanc immaculé, symboles voulus ou involontaires du ton donné à ce forum.

Le thème choisi pour cette édition, « redéfinir l’espace euro-méditerranéen : l’utopie de l’Euro-Maghreb » visait à établir un cadre de rapprochement efficace entre les deux rives selon la formule des organisateurs. Les jeunes leaders de la région essayent d’avancer là où les diplomaties des pays de la naissante UPM marquent le pas. Construire l’union à travers des projets concrets, une multitude de passerelles qui finiront par accoler les rives. Concret, est un adjectif qui reviendra d’ailleurs souvent durant ce forum. Comme une volonté pressante de passer enfin à l’acte ou l’impatience d’agir d’une génération débordante d’énergie.

Dans la grande salle du magnifique hôtel sévillan, l’élégance du style mauresque se mariait à merveille avec le raffinement castillan. Le public présent était à l’image de l’endroit. Une mixité harmonieuse des styles et des genres. Beaucoup se connaissaient ou se connaissent déjà n’ayant pas attendu le coup d’envoi officiel pour s’échanger leurs cartes. Un coup d’envoi donné par Hakim El Karoui, président des YML, à travers un discours éloquent sur la question de l’identité, affirmant que « Notre identité, c'est tout autant le métissage que la reconduite des identités anciennes.»

Euro-maghreb

Les deux co-promoteurs des YML, Hakim El Karoui, président, et Jérôme Cohen, directeur général, posent le décor. Profiter du forum pour bâtir les bases de projets concrets euro-maghrébins, dans tous les domaines. Tisser des liens pour interagir. Sur la tribune, les interventions aussi pertinentes qu’allègres se suivent, rompant avec la tradition des longs discours complexes. Les mots sont précis et vont tous à l’essentiel. L’écrivain algérien Anouar Benmalek évoqua l’héritage omniscient de Séville comme pour rappeler la symbolique de la ville où se conjuguent les maestrias des peuples des deux rives.

Sans voile, on évoque les freins à une union panméditerranéenne, Levant, Chypre, Sahara occidental… Beaucoup de dossiers pour une union à faire. Alors pourquoi ne pas procéder par étapes? Faire d’un partenariat soutenu entre l’Europe et le Maghreb un embryon d’une union pour la méditerranée. Le Maghreb forme une entité globalement homogène qui pourrait constituer un vis-à-vis sudiste à l’Europe.

Mais, ce même Maghreb est également à consolider par une collaboration entre riverains du sud en même temps qu’avec ceux du nord. L’économie a souvent été citée comme mécanisme privilégié pour un tel rapprochement. Moulay Hafid El Alamy, président d’honneur du patronat marocain, a d’ailleurs fait remarquer que l'alliance n’a pas qu’une vocation philanthropique et que chaque parti y trouvera un bénéfice certain.

Projets

Et comme c’est du tangible qu’on voulait, cela n’a pas tardé à émerger. Des ateliers se sont dressés se projetant sur des dimensions différentes : l’économie, la culture et la formation. Trois axes majeurs que les participants ont instaurés comme lignes directrices d’une collaboration palpable. A vrai dire, il s’agissait en premier lieu de matérialiser le rapprochement au niveau du Maghreb afin de promouvoir celui de l’euro-maghreb.

Ainsi, les YML ont convenu de la nécessité de constituer une structure mutualisant les travaux et recherches effectués sur la Maghreb pour faire avancer le travail de la réflexion stratégique, étape indispensable à l’aboutissement d’une intelligence commune. Les YML impliqués dans cette réflexion prolongerons leur action au delà du Forum pour la constitution de cette structure.

Egard à la culture et décision de la mise en place d’une résidence d’écriture visant à support l’élite artistique maghrébine et leur offrir un espace de partage qui ne peut que favoriser à la création. Sa naissance sera annoncée officiellement au prochain festival de Cannes.
Quant au sujet de la formation, les ateliers proposent de favoriser les partenariats entre les établissements des deux rives pour renforcer d’une dimension internationale l’instruction des futurs cadres maghrébins. Des projets rares mais couronnés du succès existent et le rapprochement euro-maghrébin gagnerait à l’extension de la pratique.

Le modèle Turc

A cheval entre Orient et Occident, entre modernité et conservatisme, la Turquie est présentée comme un modèle intéressant pour le Maghreb. Cette économie qui se hisse au 16ème rang mondial peut servir d’exemple aux pays nord-africains, tant au niveau économique que social. Le professeur politologue Gilles Kepel encourage à s’inspirer d’un tel modèle dont la prospérité repose sur « le travail et l’investissement ».

Là encore, l’assistance a pu profiter de l’éloquence des différents orateurs. Notamment Ozlem Turkone, jeune députée turque du parti AKP qui a vanté la démarche suivie par son pays en adoptant le mode de vie occidental sans pour autant s’abandonner à une obéissance aveugle des pressions du nord.

On avait alors relevé les différents projets qui existent déjà entre la Turquie et les pays du Maghreb, en particulier celui de l’aéroport d’Enfidha en Tunisie exécuté par la compagnie turque TAV.

Tapas

  • Au détour des discussions, le réalisateur tunisien, Ibrahim Letaief, invité d’honneur du forum, s’est confié à Leaders en détaillant ses projets de longs métrages futurs. Le réalisateur traitera d’un certain phénomène de société dans l’air du temps dans un premier film et des relations entremêlées entre les deux rives étendues à une nouvelle génération instruite du Sud. Le tournage débutera au mois de février prochain pour le premier.
  • Les organisateurs des YML ont eu la bonne idée d’offrir aux participants une visite nocturne privée d’Alcazar. Le magnifique palais sévillan a ouvert ses portes spécialement aux jeunes leaders méditerranéens, leur montrant la beauté de l’œuvre que l’on pourrait obtenir quand on conjugue les génies de cultures différentes. Les discussions de la journée se sont prolongées autour d’une collection de tapas, ces petits mets espagnols aux contenus bien variés.
  • Ahmed Reda Benchemsi, directeur des magazines marocains Telquel et Nichane, a été fidèle à sa réputation et a montré qu’il était aussi bon à l’oral qu’à l’écrit. Son intervention a charmé le public, particulièrement sa caricature montrant une voiture face à une bifurcation. A droite le conservatisme, à gauche la modernité, deux voies séparée par une butte au milieu. « Où va-t-on ? » dit le conducteur, « khairou al oumouri awsateha » (le meilleur des choses est leur milieu) lui répond le passager.
  • Autre discours, autre réussite. Hubert Védrine, invité de marque à la conclusion de la première journée, a repris un exemple de coopération intermaghrébin cité durant le forum. L’école tuniso-algérienne pour la formation de douaniers basée près d’Alger. Véritable succès de coopération. Il a, alors, souhaité voir une coopération similaires dans d’autres domaines à l’instar de ce noyau de réseau de « douaniers sans frontières ». Un bon mot que le public a bien apprécié.
  • Les Tunisiens ne surprennent plus par leur excellence. Nos jeunes talents se sont distingués par une présence significative et une participation éminente aux différentes séances du forum. Les jeunes patrons Badreddine Ouali et Mehdi Haouas, les bien actifs Sami Zaoui, Hassan Zargouni et Noomane Fehri, l’éloquent Sami Ghorbal, et bien d’autres noms que nous félicitons de véhiculer une bonne image auprès de nos voisins méditerranéens.

« Si ça marche bien… »

A événement prestigieux, clôture prestigieuse. C’était au Ministre des affaires étrangères espagnol, Miguel Ángel Moratinos, de prononcer le mot de la fin, en félicitant les YML de relancer un « dialogue méditerranéen » pris « dans une impasse politique qui n'est pas acceptable ». Il a aussi profité de la tribune pour inviter les YML à collaborer aux séminaires de préparation du prochain sommet de l'Union pour la Méditerranée.

Les YML se séparent mais ils demeurent connectés. Cette génération, rodée aux technologies de l’information, les met à son service pour maintenir le réseau en éveil. Notamment grâce à leur système interne en ligne Medbook. Une génération étonnante par son ouverture d’esprit et sa détermination au rapprochement des peuples. Les bonnes intentions d’ailleurs sont des projets concrets ici.

Bravo à l’équipe organisatrice à leur tête Hakim El Karoui et Jérôme Cohen, ainsi qu’aux boards stratégique et exécutif, d’avoir bien ficelé ce forum tant au niveau du fond que de la forme.

Nous emprunterons nos mots à Hubert Védrine pour terminer « Si ça marche bien votre affaire, si vous montrez que l’approche par réseau marche, vous pouvez créer un climat propice ». La Méditerranée en a bien besoin et compte sur ses jeunes leaders pour montrer l’exemple.
 

M.D.