Qui suis-je, où suis-je,
La société tunisienne, par moment, nous rappelle les sociétés les plus primitives dans ses réflexes et ses actions. J’écoutais il y a quelques temps un spécialiste de la psychologie collective, la psychologie des sociétés. Il affirme que ce qui se passe dans notre société est des plus naturels étant donné l’accumulation des inquiétudes, soucis et angoisses qu’elle traverse depuis plus que trois ans et qui touchent aussi bien la vie quotidienne que l’avenir médiat et immédiat. L’insécurité physique, sociale, professionnelle, politique en raison de cette guerre intestine que livrent les partis politiques pour la conquête du pouvoir, du fait de l’échec total de la gestion économique, du fait de l’aggravation du chômage,du fait aussi de cette poussée déferlante du terrorisme sont les facteurs aggravants de ces inquiétudes et angoisses.
Sous un autre aspect, du fait de la révolution, le peuple tunisien s’est réveillé en ayant-droit, où tout lui semble légitime, tout se transforme en droit oubliant du même coup ses obligation notamment qu’une révolution exige plus de travail, plus d’abnégation et de patience afin que le changement apporte les fruits escomptés par le peuple qui a brandi haut et fort les devises et slogans de la liberté, de la dignité et de la justice.
Au lieu d’une chance, la révolution s’est donc transformée en une sanction et le peuple s’est découvert en entité revendiquant plutôt l’assistance que le travail, l’insolence plutôt que la liberté, l’exclusion plutôt que l’union, méprisant au passage les règles élémentaires de la vie en société.
Ce qui m’a tenté d’écrire ces quelques mots, c’est la dernière manifestation des agents de la STEG qui se sont montés contre les énergies renouvelables qui risqueraient, à leurs yeux, de soustraire la STEG de son statut actuel d’entreprise publique subventionnée et assistée pour un autre statut plus noble, celui d’une entreprise plus viable et équilibrée qui épargnerait à l’Etat, et partant aux contribuables, des milliards versés au titre de la compensation de l’énergie. Ces capitaux épargnés constitueraintpourtant la chance d’emploi pour une population de jeunes oubliés, de jeunes en panne sociale. Par un geste aussi insensé, à la limite honteux pour cette intelligence tunisienne, ils veulent perpétuer leur statut d’agents économiques qu’on pourrait qualifier d’agents léthargiques et oisifs. Où est passée, donc, cette intelligence particulière et aigue du tunisien qu’on loue dans tous les discours politiques et autres pour avoir mené une révolution douce, qualifiée de printemps.
La révolution ne s’arrête pas au fait d’avoir changé d’hommes politiques et de constitution. Elle part de ce point et son succès ne peut être jugée que par ses résultats, par la suppression de ses causes, par l’accomplissement d’un surcroît de travail et de productivité et non par la défense des privilèges et intérêts acquis et des rentesconstituées . Dans ce tumulte, dans ce bouillonnement d’évènements, d’actions et réactions, un tunisien humble se demanderait qui il est, est-il ce même tunisien sage et rationnel ou plutôt cet homme sans dessin dont la seule raison d’être est de vivre à la solde de ceux qui travaillent.
Sur un autre plan, et s’agissant de l’énergie renouvelable, voltaïque et solaire, l’Etat fait encore montre d’absent total. A l’analyse de cette question et des raisons de son balbutiement, l’on relève plusieurs entraves dont principalement:
i – le niveau de la subvention: il demeure très modeste et ne constitue pas l’incitateur suffisant pour imprimer à l’investissement dans l’énergie renouvelable l’élan escompté.
ii – la TVA. Paradoxalement, l’investissement dans ce secteur est soumis au prélèvement de la TVA au taux de 18%, taux supérieur à celui de la subvention accordée !
iii – Si la TVA est réglée au moment de l’investissement, donc au comptant, la subvention, quant à elle, est versée après un délai bien supérieur à un an infligeant ainsi à l’initiateur de l’investissement une charge financière de trésorerie assez lourde.
iv – Au niveau de ces deux facteurs, il est aisé de constater que la stratégie de l’Etat présente des distorsions qui ne sont pas de nature à appâter voire séduire les agents économiques pour l’investissement dans le secteur du voltaïque et solaire. A la limite et en l’absence d’intentions ferme de l’Etat de relever le niveau de la subvention, ou/et de supprimer la TVA, il serait plus judicieux que la subvention soit au moins égale au taux de la TVA pour que les deux flux se compensent aussi bien en montant qu’en terme de délai.
v – L’investissement dans le voltaïque et le solaire est assez coûteux et exige, de ce fait, la mise en place de financements adéquats. Ni le fournisseur d’équipements, encore moins l’investisseur ne disposent de surfaces financières propres pour engager de telles investissements. Aussi le défaut de ces financements constituera-t-il une entrave majeure à l’explosion de l’énergie renouvelable. Pourquoi notre système bancaire, la Banque Centrale en tête, ne s’avise-t-il pas pour ouvrir un guichet de financement eu faveur des utilisateurs dont le risque de non paiement est presque nul du fait des facteurs suivants:
- les calculs d’investissement dans ce secteur donnent généralement une charge de remboursement équivalente à celle que l’investisseur paye habituellement à la STEG. L’utilisateur ne subit aucun surcroît de charge et élimine ainsi le risque de non remboursement au motif d’incapacité de paiement.
- Le bénéficiaire du financement court le risque d’une rupture du contrat d’approvisionnement en énergie, lumière et autre, en cas de non paiement.
Il va sans dire, par ailleurs, que la carence est relevée au niveau du retard, inexpliqué, de mise en place d’un système incitatif d’achat des excédents d’énergie produite.
On ne peut arrêter les forces de l’évolution et du progrès. La Tunisie semble être parmi les tout premiers pays les plus illuminés de la planète. C’est un don du ciel dont il faut tout simplement en tirer avantage. La Tunisie pourrait par ailleurs se transformer en pourvoyeur d’équipements s’il investit adéquatement dans ce secteur et utilise ses capacités existantes en ressources humaines dont le marché tunisien abonde. Un pool d’entreprises privées en partenariat public peut inaugurer cette nouvelle ère de la deuxième République. Sur un autre plan, l’économie pour l’Etat pour l’équivalent de 1.5 milliard de dinars au titre de la subvention de l’énergie n’est qu’un aspect d’un calcul premier. La subvention est un résultat de deux flux, celui des revenus équivalents au paiement des consommateurs et celui des dépenses au titre des importations de cette même énergie, lesquelles sont réglées en devises acquises souvent par endettement. Les économies sont évidentes et l’emploi ne peut qu’être fort et intense.
Si cela se réalise, je saurai, alors, me reconnaître dans ce tunisien aspirant à plus de progrès économique et social, à plus de créativité et d’innovation, un citoyen épris de démocratie, de dignité et d’équité.Ces valeurs ne sont-elles pas celles portées par les jeunes lors de la révolution. Tentons ensemble d’aller de l’avant et de creuser plus finement ces niches porteuses de croissance et d’emplois.