Turkish Airlines: Les secrets d'une fulgurante réussite
Istanbul – De notre envoyé spécial - «Soyez en compétition avec vous-même, me répétait ma grand-mère. J’en ai fait ma devise». C’est ce qu’affirme à Leaders Temel Kotil, 54 ans, président de Turkish Airlines, pour expliquer le succès fulgurant réalisé en quelques années seulement. De simple compagnie nationale, Turkish Airlines s’impose aujourd’hui avec 60 millions de passagers transportés en 2013, vers 246 destinations dont 202 aéroports dans 105 pays sur les quatre continents, la quatrième à avoir le réseau le plus vaste au monde. Un vrai cas d’école.
Kotil préfère recevoir dans une salle de réunion jouxtant son bureau au 1er étage du siège de la compagnie, à quelques encablures de l’aéroport d’Istanbul. En bras de chemise, pointeur lumineux en main, il déroule devant ses visiteurs une présentation d’aplomb : des chiffres qui font pâlir les champions de l’industrie. Le secret est simple: une grande vision d’avenir, soutenue par une mise en œuvre rigoureuse.
Titulaire d’un PhD en aéronautique de l’Université du Michigan, Ann Arbor aux Etats-Unis, en 1991, il créera le laboratoire Aviation and Advanced Composite, à l’Université technique d’Istanbul (ITU) et sera vice-doyen de la Faculty of Aeronautics and Astronautics Engineering. Sa carrière prendra une dimension particulière au moment où il rejoindra Recep Tayyip Erdogan lorsqu’il avait pris la présidence de la municipalité d’Istanbul. Nommé chef de la planification et de la coordination, il contribuera activement à la grande transformation de la ville et sa conversion en véritable hub pour toute la région, privilégiant le tourisme et ses industries annexes. Soucieux de prendre de l’air et d’enrichir davantage son expérience, il reviendra aux Etats-Unis en 2001 en tant que professeur invité à l’Université de l’Illinois, puis poursuivra ses travaux au sein de Research Engineer in Advanced Innovative Technologies Inc, à Troy, New York, entre 2002 et 2003. Ce parcours est intéressant à citer pour montrer l’importance d’une formation spécialisée, élargie aux nouvelles technologies et pratiques performantes de management, lorsqu’on se prépare à gérer une grande compagnie.
De retour en Turquie en 2003, Temel Kotil rejoindra Turkish Arilines en qualité de DGA en charge de la Technique avant de devenir président en 2005. Ultime consécration, il sera membre du conseil d’administration de l’IATA (en 2006). Quand il vous parle, il vous tient un langage d’investisseur se souciant surtout de réaliser des profits et de les pérenniser. A lui, en tant que PDG, de soumettre à ses actionnaires les stratégies et à lui d’oeuvrer à leur excéution. Pendant plus d’une heure d’interview, personne ne viendra perturber l’entretien, aucun coup de fil, une disponibilité totale, le sens de la concentration et de la bonne organisation. En fait, Turkish Airlines s’appuie sur deux grandes armes secrètes: la formation des équipages et le catering. «Avant tout, nous déclare Kotil, une compagnie aérienne, c’est la performance de ses équipes, de l’hôtesse au commandant de bord, du mécanicien à l’ingénieur de maintenance. Mais, ce n’est pas tout, une fois que c’est réglé, il faut que le vol soit le plus agréable possible. Les repas et boissons sont essentiels». Allons donc voir cette base arrière.
L’Académie de l’air: l’art de recevoir et de protéger
Dans la même zone aéroportuaire d’Istanbul, le centre de formation de Turkish Airlines vaut une grande académie de l’air. Pas moins de six simulateurs complets de dernière génération pour divers types d’appareils sont à l’oeuvre, en plus de nombreuses salles d’études, d’avions réels dont certains plongeant dans une grande piscine pour simuler un amerrissage et les opérations de secours. Deux fois par an, chacun des employés navigants doit suivre des sessions intensives de formation. L’expérience du simulateur est impressionnante. Entré dans cette grande capsule sur pilier, vous êtes dans un vrai cockpit. On vous installe dans le siège du copilote et vous suivez les instructions du commandant de bord. L’exercice commence: vous êtes en décollage à partir d’un des 246 aéroports que dessert Turkish Airlines dans 105 pays. Devant vous sur l’écran qui fait office de vitre, vous vivrez l’action en temps réel. Frissons et émotions compris. L’atterrissage, lui aussi, ne manque pas de surprises.
Hôtesses et stewarts y apprennent tout ce qui concerne leurs tâches: les aspects de sécurité et de secours, l’accueil des passagers et les différentes prestations en leur faveur. «En fait, résume l’un des instructeurs, ils s’imprègnent de l’art de recevoir et de la responsabilité de protégér. Avec une idée forte: le client, c’est notre invité».
Saveurs internationales
N’en soyez pas surpris! Lorsque vous êtes invité à déjeuner chez Do&Co, la filiale de Turkish Airlines spécialisée en catering, vous ne trouverez point de restaurant, comme vous vous y attendiez. On vous introduit en effet dans une salle aménagée en première classe d’un avion de la compagnie et on vous sert le repas. Divin! Tout est raffiné comme si vous étiez chez une grande toque parmi les meilleurs chefs étoilés du Michelin. La carte est très fournie: selon tous les goûts culinaires. Fraîcheur et saveurs sont garanties. Vous voulez en découvir le secret? On vous invite à aller visiter les cuisines à l’étage. Ici on prépare pas moins de 900 000 repas et collations par jour non seulement pour la Turkish Airlines mais aussi d’autres prestigieuses compagnies aériennes qui desservent Istanbul. Chacune emmène sa propre vaisselle, choisit ses menus et précise ses recettes. Tout se prépare élément par élément puis un assemblage final. Un sandwich passe par ceux qui préparent le pain, mettent une feuille de salade, une tranche de tomate, une lamelle de fromage, etc. Le sandwich est emballé. Il ira rejoindre un plateau où se trouvent déjà le couvert, le godet de jus, etc. Une fois complet et vérifié, le plateau est mis dans un chariot approprié. Grâce à un système informatisé, chaque chariot sera envoyé vers l’appareil et le vol spécifiques.
Confortablement assis sur votre siège en plein ciel, savourant votre repas, vous n’imaginez pas toute l’attention qui avait été portée au sol à sa préparation et toute la rigueur de contrôle diététique et hygiénique exercée.
Teme Kotil le sait bien. «Pour choisir une compagnie aérienne, un passager pense essentiellement à trois critères: le prix, la connexion avec sa destination et les services à bord. Les maîtriser, c’est réussir. Les coûts, on doit comprimer tout ce qu’on peut comprimer, jamais au détriment de l’essentiel. Les connexions, nous avons l’un des réseaux les plus vastes au monde. Quant aux services à bord, nous n’avons pas le droit à l’erreur! Nous chouchoutons notre passager».