Le Port Financier: Le mauvais projet par excellence
On pensait avoir tourné la page de ces mégaprojets pharaoniques, source d’hyper spéculation et de corruption. Etonnement, ce projet enterré après le départ du régime déchu ressort des tiroirs. Mieux un protocole d’accord a été trouvé avec les autorités publiques (mais lesquelles?) pour le démarrage initial de la première phase, impliquant donc cadre réglementaire, autorisations et feux verts multiples. Plus étonnant encore, aucune voix ne semble s’élever contre cette folie de grandeurs absurde et éminemment irresponsable à plus d’un titre. La presse papier comme audio-visuelle, reproduit les propos de dirigeants de la Gulf Financial House sans aucune espèce de regard critique (au sens noble) ni aucune réserve déontologique qui nécessiterait a minima une investigation sur les tenants et les aboutissants de ce projet.
Force est tout de même de relever des faits troublants.
Dixit: «Avec une enveloppe de 3 milliards de dollars, ce mégaprojet vise à mettre en place le premier centre financier pour les institutions bancaires off-shore, en Afrique du Nord. Le port financier est destiné, également, à abriter un ensemble de centres de commerce et d'espaces résidentiels et de loisirs: port de plaisance, terrains de golf»
Nul besoin d’avoir fait une grande école pour imaginer que les ressorts de ce projet vilipendé et jeté aux oubliettes, hier, sont reconduits à l’identique aujourd’hui. Médias complaisants ou aveugles qui sans sourciller ce qu’ils avaient dénoncé auparavant se font complice d’une vaste opération de concussion, source de nouveaux trafics d’influence avec la kyrielle de conséquences en cascade que l’on connaît que trop bien.
Dixit encore: «Ce projet d’envergure dont les travaux serait consacré, durant la première phase, à l’aménagement d’une zone de 217 hectares sachant que la zone globale du projet est estimée à 523 hectares.
Il semble avoir échappé au bon sens de tout un chacun que ce projet représente une surface équivalente à 10 fois celle de la City de Londres… Qu’à cela ne tienne, elle créera selon les sources de cette presse «porte voix» entre 6.000 et 16.000 emplois.
Un peu de retenue…Que Diable ! Notre bon peuple ne veut plus de ces projets. Car de facto il s’agit bien d’abord et avant tout d’une vaste opération immobilière et par là même d’extrême sélectivité par l’argent. Mais au fait à quel prix l’Etat cède-t-il les emprises publiques et domaniales? En clair, le prix du terrain ? Le dinar symbolique. Quel est la contribution de l’Etat à l’aménagement des premiers 217 ha? Une viabilisation (routes, eau, électricité) à fonds perdus ! Quid du financement de la rocade de la route X30 débouchant sur Kalâat Landalous (zone d’El Hassiene aménagée pour le port financier). Qui sont les «joyeux élus », bénéficiaires, adjudicataires locaux et étrangers (le turc Demtas?) des juteux marchés de cet aménagement? …. Un coût global de cette première phase estimé à 400 MDT dont la moitié serait pris en charge par l’Etat…
Une dévalorisation du capital public au service d’une survalorisation du capital privé
Pas un mot, vous pensez bien ! Et nous qui pensions en avoir fini avec ces «techniques».
Quel sera le prix de revente du mètre carré ? Une vraie culbute, disent les spécialistes dans leur jargon : En clair un promoteur qui retrouvera 5 à 10 fois sa mise initiale.
Selon des sources bien informés ce prix de revente pourrait atteindre 4000 US$ le mètre carré…On croit rêver !
Il ne tient qu’aux dirigeants de la Gulf Financial House, mais aussi aux grands commis de l’Etat et hauts fonctionnaires (Ministères concernés et tutelles au premier rang desquelles les Finances et la direction des grands projets) de démentir ce qui précède et d’apporter toutes les clarifications sur les dispositions concrètes retenues par cet accord cadre dont les principales n’ont toujours pas été divulguées au grand public…
Business as usual !!! Un financier avisé du Golfe m’a même susurré «I smell dollars»
Mais ce n’est pas fini et allons au bout des choses puisque ce projet est ressorti des cartons sous le premier gouvernement élu de la transition. Où est passée la «Tunis Bay Project Company» dûment enregistrée? Son capital entièrement souscrit de près de 30 millions de dollars ? Un special purpose vehicule (SPV) censé lever les financements dont on ignore tout du tour de table !!! De quels avantages et Tax Holidays le groupe GFH a-t-il bénéficié?
Last but not least ! Qui, a pris le temps de s’intéresser à la qualité de la signature du sponsor du projet: la Golf Financial House est une société côtée sur pas moins de 4 places financières (dont Londres) qui publie des comptes en US$ non-conformes aux normes US GAAP ni encore moins en IFRS. Une société financière disposant d’un actif de 907 M US$ de fonds propres de 524 M$, d’un profit net ne dépassant pas 6 M$ et d’une trésorerie famélique d’à peine 14 M$. Mais aussi de pertes considérables de 600 M$ (crash immobilier de Dubaï) et encours de remboursement de dettes de 300 M$ payable en 2014. Pas de quoi donc, confier les yeux fermés, le destin d’un projet de 3 milliards de US$. D’autant que pour l’essentiel, aussi, ses activités transitent par les iles Caïmans et les iles Vierges britanniques, paradis fiscaux, s’il en est.
Messieurs les ministres et haut fonctionnaires nous vous demandons une attitude responsable et conséquente, de faire votre travail, tout votre travail, rien que votre travail. C’est d’évidence loin d’être le cas ! Que de laxisme. Que de risques pris !
Les agences de rating dont Standard & Poor’s ont abaissé la note de GFH de B+ à CC.
Pour le plaisir de la rigueur je ne résiste pas à reproduire le jugement (souligné par nous): the ratings agency said it had lowered the Bahraini Islamic investment bank's long-term credit rating six notches, to "CC" from "B+" and said it was under immediate and severe stress. The downgrade was the third in as many months and meant the stock retained its junk status with S&P. Je suis sûr que les responsables du Trésor Public comme de la BCT (junk status) apprécieront à sa juste valeur la défiance de l’agence, ainsi que nos observations et décideront de revisiter de fond en comble le contenu de cet accord bâclé qui lèse les intérêts majeurs du pays. Nous vous en serions gré ! Avant que cette opération ne tourne au fiasco, au scandale, et n’entache la notoriété, la réputation en construction d’un tout jeune gouvernement plein de talents et de vaillance…….A bons entendeurs, salut
Hédi Sraieb,
Docteur d’Etat en économie du développement.