Les tribus indiennes seraient-elles plus civilisées que les Tunisiens?
A la mémoire de l’écrivain et réalisatrice de films égyptienne: ‘Nadine Shams’
"Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrètes. Demande la force et la sagesse pour les exprimer".Gabriel Garcia Marquez.
Dans l’histoire ancienne, avant de prendre n’importe quelle décision,les tribus indiennes avaient l’habitude d’explorer l’impact de cette décision sur la septième génération et si elles voyaient le moindre impact néfaste, elles ne prenaient pas ladite décision. Serions-nous devenus moins responsables que ces tribus? Qui aujourd’hui parmi les dirigeants de la région Arabe penseà la 7ème, 3ème ou même prochaine génération avant de décider quoi que ce soit? Chaque fois qu’un dirigeant arabe a emprunté de l’argent, a privatisé ou nationalisé une quelconque compagnie, a-t-il sérieusement réfléchi aux conséquences? Les dirigeants qui consomment à outrance les réserves naturelles de pétrole, gaz…etc.de leur pays, ont-ils pensé aux générations futures?
La manière classique et désuète que nous avons toujours utilisée pour planifier: c’est de partir du passé en faisant une analyse de la situation, explorer les écarts ou manquements et proposer des projets à implémenter dans le futur. Or c’est tout à fait la démarche opposée qu’il faut adopter. Il faut visualiser notre vision du futur et construire nos projets basés sur ce futur que nous voulons voir pour nous même et pour les nouvelles générations.
Quand j’avais commencé cette série d’articles, que Leaders a la gentillesse de publier, j’avais commencé par une question: «Et si la solution exigeait qu’on change notre modèle de développement»?http://www.leaders.com.tn/article/et-si-la-solution-exigeait-qu-on-invente-un-nouveau-modele-de-developpent?id=13127. Puis ma pensée s’est acheminée vers la priorité qui devrait être la première priorité est qui est l’emploi et je croisSi Amamou quand il dit dans son commentaire: http://www.leaders.com.tn/article/5-projets-pour-garantir-500-000-nouveaux-emplois-en-tunisie-a-la-fin-de-2015?id=13396 qu’une stratégie pour l’emploi existe mais qu’elle n’a pas été appliquée. Je suis persuadéeaussi que si nous ouvrons le débat sur la santé ou l’éducation, quelqu’un nous informera que les tiroirs de nos ministères regorgent de stratégies et d’idées plus intéressantes les unes que les autres, alors où est le problème?
Qu’est ce qui a changé dans la personnalité des Tunisiens? Avons-nous changé durant ces derniers 23 ou 3 ans ? Est-ce que la femme tunisienne est encore aussi déterminée qu’auparavant ? Avons-nous une jeunesse sur laquelle nous pouvons compter? Y-a-t-il encore des politiciens qui aiment ce pays? L’élite va-t-elle enfin assumer ses responsabilités ? Pourquoi ce degré alarmant de pessimisme? Qui nous a insufflé la peur du lendemain et depuis quand ce sentiment d’insécurité nous habite? Aurions-nous perdu notre foi dans notre génie collectif, notre courage et notre solidarité? Comment redresser la barre?
Après mon dernier article sur une stratégie pour l’emploi, plusieurs personnes ont partagé avec moi des idées extraordinaires qui méritent d’être développées dans des articles. Mais quand je leur demandais de partager ces idées en ligne afin d’en faire bénéficier le plus de Tunisiens,les réponses étaient presque les mêmes: A quoi bon? Personne n’écoute plus personne! Cette démission presque collective m’a beaucoup perturbée et depuis, une question m’obsède et me hante: Comment réinsuffler l’espoir en un avenir meilleur?
Durant ces dernières 20 années, j’ai rencontré deux catégories d’êtres humains: ceux qui croient en ‘l’encens’ et ceux qui croient en la ‘science’. Ces deux mots ont les mêmes lettres mais un écart de plusieurs siècles les sépare. L’impératif immédiat c’est de faire passer la Tunisie de l’âge de l’encens à l’âge de la science.L’exigence est de donner naissance à une société sans ces écarts inacceptables et où la valeur universelle serait celle de la solidarité entre tous et à toutes les échelles.
Je suis consciente que je pose plus de questions que je ne donne de réponses. Mais cette semaine j’ai vécu deux expériences diamétralement opposées qui m’ont rendue perplexe, mais néanmoins déterminée àcontribuer à trouver des solutions pour nous en sortir collectivement.
La première expérience était une rencontre pendant deux jours avec 110 élèves de différentes nationalités pour apprendre ensemble les droits humains en utilisant la méthode du leadership. Moi qui, durant ces 10 dernières années, n’avais assuré de formations que pour des adultes, j’ai été impressionnée par cet échangeréellement d’une qualité rare venant d’enfants, car ils n’avaient que 15-16 ans. Et je me suis rappelée une idée originale suggérée par un «optimiste incorrigible» qui avait commenté mon article (http://www.leaders.com.tn/article/urgent-une-strategie-pour-l-emploi maintenant?id=13500) en proposant un service civil mixte et obligatoire pour tous nos jeunes afin de leur donner un bagage qu’ils ne reçoivent ni dans le lycée ni à l’université. Pour ma part, je propose de donner cette formation à tous ceux et celles qui sont à recherche d’un emploi car c’est un plus qui peut les aider dans cette recherche.
La deuxième expérience tragique que j’ai vécue à mon retour au Caire, est la perte d’une amie égyptienne. La réalisatrice de film et écrivain: ‘Nadine Shams’ nous a quitté à la fleur de l’âge, à la suite d’une erreur médicale. Au-delà de la douleur insupportable qui a déchiré les entrailles de tous ses amis, moicompris, je retiendrai le courage de son mari, de ses parents et de ses amis qui ont tenu à poursuivre en justice l’hôpital qui a permis qu’une telle bavure se passe. Pour ma part, j’étais partagée entre la douleur de perdre aussi soudainement une amie qui aimait tellement la vie, et une envie de continuer à écrire et dédier cet article à sa mémoire.
Et je me suis souvenue de la citation de Roosevelt: “Do what you can, where you are, with what you have”. “Fais ce que tu peux, là où tu es et avec ce que tu as”. De là où je suis, j’ai décidé de faire ce que je pouvais avec ce que j’ai.
Vu à travers le prisme de la «spirale dynamique», la majorité des peuples arabes est encore au stade de l’appartenance à «la tribu, aux groupes religieux» alors que l’élite vit aux stades de «l’Etat moderne»; «Humanité» et certains même au stage du «Cosmos». Pour moi, le salut viendra quand nous réussirons à assurer que nous vivions collectivement et harmonieusement au même niveau de développement. Quand nous réussirons à avoir la population vivant au même niveau que l’élite au stade de l’Etat moderne embrassant l’humanité et le cosmos.
En 2001, j’ai eu la chance de rencontrer une femme admirable de l’Inde qui m’a ouvert a un monde nouveau de découverte de soi, de l’intelligence émotionnelle et de 40 autres cadres de compréhension, toutes des clefs pour mieux pouvoir comprendre des milliers de choses que toutes mes années à l’université ne m’ont pas permis d’apprendre. Les multinationales utilisent pareille méthodologie pour avoir du profit mais si nous utilisons cette méthodologie, pour le développement et en accompagnement de notre system éducatif, nous avons des chances de faire un changement de 180 degrés permettant à nos jeunes de trouver un emploi et d’assurer la prospérité pour tous.
Khadija T. Moalla, PhD