Blogs - 31.03.2014

Qui veut jouer la carte du séparatisme ?

Les Tunisiens et notamment ceux des gouvernorats du Sud vivraient-ils, sans le savoir, sur une mer de pétrole? C’est du moins l’idée que certains sites sur la Toile, proches d’Ennahdha, cherchent inlassablement à accréditer depuis le départ de ce parti du gouvernement. Citant des «experts» dont on n’avait jamais entendu parler  jusque-là, ils nous révèlent que ces régions détiendraient des réserves équivalant à celles des pays du Golfe réunis. On nous parle d'un milliard de tonnes de pétrole. Converties en dollars, cela nous donnerait, toujours selon ces experts, cent milliards, soit cinq fois notre dette extérieures et trois fois notre PIB. De quoi faire de ces régions un eldorado, et de la Tunisie un pays de cocagne, un nouveau Dubaï, et non une nouvelle Grèce, comme les prophètes du malheur ne cessent de  nous le prédire. De quoi en finir, aussi, avec  le FMI, ses prêts à taux d’usurier, ses oukases qui nous empoisonnent la vie depuis des décennies, ces visites humiliantes de nos dirigeants à l’étranger pour quémander leur aide, et ces redevances (itawat) suspendues au-dessus de nos têtes, comme une épée de Damoclès.

Les quatre ou cinq gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution, y compris ceux de la Troika seraient-ils à ce point incompétents et de surcroît masochistes pour avoir  négligé cette manne tombée du ciel au bon moment et accepté les contrats léonins qui leur ont été imposés par les compagnies pétrolières?

Interpellé à l’Assemblée, au début du mois de mars, le ministre de l’Industrie n’a pas jugé bon de répondre à ces balivernes, mais a tenu à faire justice des accusations lancées par les mêmes sources selon lesquelles l'octroi de concessions aux compagnies pétrolières a été mal négocié. Sur cent barils de pétrole, 75 reviennent à l’Etat, ce qui constitue l’un des taux les plus élevés du monde.

Pourtant, les manifestations se sont multipliées ces dernières semaines dans le sud-est du pays, fief d'Ennahdha  réclamant que ces richesses réelles ou supposées profitent en priorité à ces régions. Etonnée par cette combativité retrouvée après deux ans de calme malgré un taux de chômage record (75%), la veuve du dirigeant de Nidaa Tounès dans la région de Tataouine, Lotfi Nagdh rappelle sur sa page facebook que pendant toute cette période, l'UGTT a vu ses locaux attaqués et parfois incendiés à chaque fois où le syndicat essayait d'attirer l'attention sur les problèmes sociaux de la région. Ce qui ne fait que confirmer la connivence entre les protestataires et le parti islamiste..

On serait malvenu de reprocher à des populations frustrées pour avoir ajouté foi si facilement, tel un noyé qui s’accrocherait à un fétu de paille, à ces  miroirs aux alouettes. Par contre, ce qui est condamnable, c’est le manque de scrupules de certains politiciens qui, par opportunisme, n’ont pas hésité à tremper dans cette vaste entreprise de mystification, d'autant plus que l’affaire a pris une autre tournure: on n'hésite plus à jouer la carte du séparatisme, comme hier au Soudan et comme on essaie de le faire, aujourd’hui, en Libye et en Syrie, en mettant à profit la faiblesse de l’Etat. Faute de clivages linguistiques ou religieux, on se rabat sur les conditions sociales des habitants de ces régions qui contrastent avec les richesses de leur sous sol. Au fait, cela ne vous rappelle-t-il pas le projet d’Ansar Echaria de diviser le pays en trois émirats qui a été dévoilé par le ministre de l'Intérieur ?

C’est d'ailleurs, ce à quoi s’emploient des sites dont on connaît la proximité idéologique avec les amis d’Abou Iyadh. Ils sont relayés par une chaîne proche d’Ennahdha qui parle d’une «deuxième révolution» et d’une  «intifadha», appelant les habitants à sortir dans la rue pour faire prévaloir leurs droits et au besoin brandir la menace d'une sécession. Malheureusement, cela se passe dans l'indifférence générale, sans que les médias et a fortiori la population qui a d'autres chats à fouetter ne s'en inquiètent outre mesure. 0n comprend qu'Ennahdha  fasse feu de tout bois en cette période préélectorale, n'hésitant pas au besoin à vendre des chimères. Après tout, cela lui avait réussi lors des élections avec ses 365 propositions et leur promesse de créer 400.000 emplois. Mais il est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir : l’unité du pays.

Hédi Béhi
 

 

 

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