Politique-fiction
Un scénario politique relevant encore de la science-fiction hante des têtes ces jours-ci en Tunisie. On en fait le cauchemar de la Révolution. On en fait aussi l'issue unique pour sauvegarder ses acquis, la recette techniquement possible pour se sortir de la situation actuelle de banqueroute de l'État.
On l'examine, en ausculte les détails, tenants et aboutissants sous toutes les coutures. Mais on se refuse encore à se prendre au sérieux de l'analyste, au mieux concède-t-on s'adonner à la fantaisie de la politique-fiction.
Les élections ne sont plus une priorité
En voici grossièrement l'apparence: la Tunisie est trop mal en point pour supporter de nouvelles dépenses que des élections occasionneront. Elle supportera encore moins la moindre division qui précède déjà et qui accompagnera la préparation des élections nationales prévues. Il s'agit donc de savoir si l'intérêt du pays doit primer toute autre considération, juridique comme politique.
La légitimité consensuelle a su faire réalité de la formule riche en promesses de compétences à la tête du gouvernement; c'est la voie royale pour sortir le pays du chaos actuel tout en sauvegardant ses acquis révolutionnaires. Seules des compétences au-dessus de tout esprit partisan, servant l'ensemble du pays, sont appelées à garder et protéger la Tunisie jusqu'à une convalescence espérée rapide.
Aussi, outre le gouvernement, le principe de recours aux compétences est à étendre aux autres têtes de l'État. On verrait alors avantageusement un militant aussi respecté que M. Ahmed Mestiri à la tête de l'État et un parlementaire aussi chevronné que M. Mustapha Filali présider l'Assemblée nationale!
S'agissant des élus actuels du peuple, ils resteront en place pour se charger de réformer le droit positif actuel qui est encore celui du régime déchu. Ils conformeront la législation nationale aux droits et libertés consacrés par la nouvelle constitution.
Une vision politique partagée
Ce scénario ne relevant encore que de la fiction nécessite, pour passer à l'étape de la réalisation, l'entente cordiale des forces les plus représentatives de la société. Or, elle semble acquise au nom d'une nécessaire pause politique afin de favoriser le retour à la santé du pays.
Du moins, les deux plus grands partis de MM Caïd Essebsi et Ghannouchi montrent la voie de la responsabilité politique en s'entendant moins sur le partage d'un quelconque pouvoir que sur une vision partagée de la politique. Celle qu'il faut en Tunisie, quitte à forcer les récalcitrants à s'y plier,est une démocratie n'excluant personne, où le jeu est ouvert pour tous selon les meilleures règles de l'art.
Ce scénario que commandent la sérénité politique et la sagesse démocratique aura bien plus de chances de séduire les plus larges couches de la population et de réussir immanquablement si l'on y ajoute l'incontournable participation du peuple à la gestion de ses affaires.
Et cela pourra se faire par la réunion immédiate dans tous les gouvernorats d'assises nationales de la société civile avec la mission d'aménager une nouvelle gestion des affaires régionales et locales en concertation étroite avec les acteurs les plus impliqués dans les réalités du pays, la Tunisie de l'intérieur notamment. Ce qui doit déboucher sur le renouvellement des responsables locaux, une sorte d'élections citoyennes municipales et régionales en quelque sorte et à moindres frais, se substituant aux élections nationales reportées.
Ainsi la Tunisie continuera-t-elle à innover sur le plan de la démocratie qui appelle à être refondée, chez nous comme dans le monde entier. Cela se ferait sur la terre de Carthage qui confirmerait sa réputation de terre de créativité.
Farhat Othman