Pour l'autodissolution de l'Assemblée nationale
Quand on a raté l'occasion d'honorer une noble mission, la seule noblesse qui reste est de reconnaître ses erreurs et de les réparer en se déchargeant dignement de la charge qu'on n'a pu honorer. C'est ce que doivent faire les députés s'ils veulent sauver leur honneur et respecter leurs électeurs.
Une Assemblée qui a épuisé sa légitimité
L'Assemblée nationale constituante a été élue pour rédiger une constitution dans le délai d'une année. Or, elle s'est maintenue en fonction au-delà de l'année pour terminer la Constitution. Et bien évidemment avec les émoluments, primes et avantages servis aux députés.
Aujourd'hui, la constitution est rédigée; que reste faire l'Assemblée? Certes, on invoque le code électoral et le contrôle de constitutionnalité des lois. Bien sûr, on ne dit rien sur les avantages financiers qui n'ont même pas été suspendus, continuant à être servis.
Les deux dernières raisons invoquées sont sur le point d'être satisfaites; aussi, cela doit déboucher sur l'autodissolution de l'Assemblée, son mandat initial ayant été rempli et son maintien actuel se faisant en dehors de toute légitimité. D'autant plus que nombre de députés s'adonnent à cœur joie à semer la zizanie dans le pays en perturbant le travail des technocrates en place pour le redresser.
Qu'est-ce à dire? Que le gouvernement de compétences doit recevoir délégation expresse de l'Assemblée pour gouverner en étroite coopération avec les instances du Dialogue national. Il doit avoir une délégation sans restriction pour réussir sa mission de remettre sur pieds le pays, non pas limitée à organiser des élections qui sont de la responsabilité de l'ISIE.
D'ailleurs, l'intérêt du pays commande que des élections nationales ne doivent être tenues que lorsque le pays aura retrouvé la santé et que les conditions suffisantes pour leur transparence auront été réunies; ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Une démocratie consensuelle
Afin de ne pas engager dans une impasse la souveraineté du peuple, il est préférable qu'on reste dans le provisoire. La source du pouvoir étant le peuple,il peut bien se passer d'une assemblée qui a multiplié les preuves de son incompétence et être dignement représenté par le Dialogue national, où les forces politiques qui comptent sont réunies. Au moins, on ne prétextera pas d'une légitimité renouvelée pour lui imposer un État qui ne soit pas de droit, articulé sur l'arsenal juridique répressif de la dictature toujours en vigueur.
Avant des élections nationales, l'État doit être doté d'un nouveau système de lois, en conformité avec les acquis de la constitution,ses libertés et droits nouveaux. Ce n'est qu'après avoir érigé un tel État de droit qu'on sera en mesure de réussir des élections nationales exemplaires et non précipitées, taillées sur mesure sur les ambitions partisanes.
En attendant, et si on veut vraiment la démocratie, l'on organisera des élections municipales et régionales, impliquant même l'élection des gouverneurs. Voici une bonne façon de servir l'idéal démocratique concrètement.
Avant son autodissolution, l'Assemblée doit relever le président de la République de ses fonctions, sa mission étant liée à celle de l'Assemblée qui l'a élu. Elle aura à mettre à sa place une personnalité indépendante parmi les patriotes faisant consensus dans le pays. Ainsi, on n'aura plus dans les rouages de l'État que des compétences apolitiques.
Ce faisant, il n'y aura plus de tiraillements politiciens et nul vide juridique, le pays ayant au reste déjà connu une période similaire au sortir de la Révolution avec cette différence capitale de l'existence aujourd'hui du Dialogue national représentant les partis. Certes, ils n'y sont pas tous, mais ceux qui ont refusé d'y participer n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes et à leur ineptie politique.
S'agissant du respect de la Constitutionnalité des mesures que le gouvernement serait amené à prendre, le Dialogue national, mais aussi la Commission provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, seraient en mesure de veiller au respect de l'État de droit bien mieux que ne l'a fait à ce jour l'Assemblée gouvernée par des intérêts mesquins pas à la hauteur des défis de la situation.
C'est la seule sortie digne de l'impasse dans laquelle l'Assemblée s'est engagée. Elle a intérêt à y recourir sans plus aggraver ses fautes par des initiatives qui terniront davantage son image depuis longtemps écornée. Or, une occasion de sortie par le haut de la grave crise comme qui se profile risque de ne pas se représenter de sitôt. Avis à nos députés.
Farhat Othman