A propos de: «La Tunisie, aujourd'hui et demain»
Je voudrais saluer si Mansour pour ses nombreuses contributions dans sa recherche sans relâche des voies et moyens pour sortir la Tunisie de l’abime dans lequel elle s’est engouffrée par la faute de plusieurs acteurs et la conjugaison d’un nombre important de facteurs.
Tout d’abord qu’a proposé si Mansour, ensuite quels éventuels compléments faut-il apporter à ses suggestions, enfin, quel moyen emprunter pour faire aboutir ces propositions à l’oreille des décideurs. Car c’est là que réside le vrai problème : une certaine surdité de la classe dirigeante au sujet des propositions qui fusent de toutes parts.
Qu’a proposé, donc, si Mansour. Un ensemble d’actions urgentes et d’autres à engager dans le cadre d’un plan et d’un programme qui éviteraient la navigation à vue, pratiques que se sont partagées les cinq gouvernements qui se sont succédés depuis la révolution. Le gouvernement actuel qui a bénéficié d’une grande confiance de toutes les franges de la société s’est révélé timide et frileux dans son action, comme s’il jouait les intentions et désirs des mouvements politiques qui très tôt se sont livrés à une bataille électorale, avec le vœu que rien ne change pour construire et édifier leurs rêves de victoire sur l’angoisse et les inquiétudes de la population.
Je voudrais, tout en souscrivant à l’ensemble des propositions, retenir et commenter trois d’entre elles. La première est relative à l’augmentation des impôts de 50% pour les bénéfices des entreprises et de 30% pour les revenus des personnes physiques. S’il est difficile de concevoir dans la pratique une telle mesure et surtout la motiver, il est peut-être plus gérable de la concevoir comme avance d’impôts sur les exercices futurs, amortissable après une période de cinq ans. On peut même imaginer que les personnes physiques ou morales qui s’acquittent à l’avance de l’équivalent de trois années d’impôts pourraient bénéficier d’une exonération au titre de la quatrième année. Dans cette même logique, une possibilité pourrait être offerte aux entreprises de souscrire à des certificats d’endettement du Trésor (C.E.T.) pour une fraction de leurs bénéfices. Ces C.E.T. seraient porteurs d’intérêts, au taux du marché, remboursables sur cinq à dix ans. Les intérêts produits seraient exonérés d’impôts. C’est l’expression d’un certain patriotisme et le prix pour recouvrer la stabilité sociale et la croissance économique sans lesquelles toute entreprise sombrerait.
La deuxième concerne la prime de change à instituer pour le rapatriement des fonds au titre du tourisme et des économies sur salaires des travailleurs tunisiens à l’étranger ; elle peut être étendue aux exportations de biens. C’est l’institution d’un double marché des changes expérimenté par nombre de pays dont la Turquie qui doit en grande partie son élan à cette mesure. Néanmoins, cette mesure ne peut être d’une efficience totale que si l’on stabilise le change normal et que l’on associe la prime à des délais très courts. En effet, afficher une politique de taux de change d’une trajectoire fortement baissière et libérer les délais de rapatriement, entraineraient les opérateurs à différer leurs rapatriements de fonds dont le bénéfice dépasserait le niveau de la prime. D’ailleurs, qu’il soit préciséque la politique du dinar suivie actuellement ne fait qu’amplifier les délais et élargir les déficits courants.
Enfin, la troisième porte sur les réformes à engager. Je retiendrai celle relative au système bancaire. En période de crise comme en période de prospérité, le secteur affiche des excédents élevés. Il n’est pas dans mon intention de condamner le bénéfice. Celui-ci est, néanmoins, soit la conséquence d’une bonne gouvernance soit le résultat d’une situation de monopole. Il faudra creuser profondément la question au niveau des conditions d’éligibilité au crédit, qui devient plus lié aux garanties qu’aux éléments intrinsèques au projet et à la qualité de la gouvernance. Par ailleurs, il est temps que le pays se penche sur les expériences étrangères pour la promotion de la PME et TPE. notamment au niveau de leur régime de financement. J’ai évoqué cette question dans nombre de mes écrits mais, comme à l’accoutumée, ils n’ont eu aucun écho. Il faut admettre que le monopole érigé dans ce secteur, a conduit à un durcissement des conditions sans aucun rapport avec les pratiques bancaires internationales, avec en prime, une universalisation de la banque qui a sacrifié, au passage, les institutions de développement, ne laissant, ainsi, place qu’au profit sans souci majeur pour le développement et l’emploi.
J’aimerai poser une dernière question. A qui serviraient ces propositions. Le gouvernement et les partis politiques semblent être loin d’avoir le recul pour souscrire à ces propositions avant la lettre, avant les campagnes qu’ils ont engagées pour les élections. Quant au forum national pour l’économie, nous n’avons aucun élément pour évaluer le travail de préparation qu’il a engagé ni le sens et la portée des mesures qui seraient proposées. Par ailleurs, comment faire aboutir ces propositions à ce forum. Il aurait été d’un intérêt capital si l’on avait créé des ateliers spécifiques au niveau de la société civile qui apporteraient alors leurs contributions à ce forum. Il n’est jamais trop tard, et les organisateurs de cette manifestation pourraient toujours convier ces experts pour une participation écrite qui devrait enrichir les solutions encore en gestation. Ne pas le faire, c’est rater encore l’occasion de bien servir le pays, c’est aussi commettre alors une «défaillance patriotique impardonnable».
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