News - 20.05.2014

Ou l'on reparle d'un Sommet de l'UMA

La crise libyenne qui menace d'embraser toute la région va-t-elle précipiter la tenue d'un Sommet maghrébin prévu en octobre à Tunis ? Le secrétaire général de l'UMA a proposé la tenue d'une réunion des ministres des affaires étrangères qui pourrait le cas échéant, convenir d'avancer la date de cette conférence. Au cas où elle se tiendrait,  elle serait la 7e du nom et la première depuis...1994.

Feu Habib Boularès qui fut Secrétaire général de l'UMA au début des années 2000 avait connu des déconvenues dans sa longue carrière politique en raison d’un patriotisme chevillé au corps, mais c’était son incapacité à réunir le sommet maghrébin qui l’avait le plus marqué. On le sentait plus que vexé, carrément floué. Lorsqu’on lui demandait comment se portait le Maghreb, quand il était toujours à la tête de son secrétariat général, il répondait invariablement : Si vous parlez du Maghreb des peuples, des banques, des ingénieurs, des hommes d’affaires etc…il est vivant plus que jamais. Si vous parlez du Maghreb des Etats, lui il est en panne et le restera tant que les frontières entre l’Algérie et le Maroc resteront fermées. Leur réouverture était pour lui le déclic. Malheureusement, il ne verra pas ces frontières rouvertes de son vivant.

Report à la dernière minute

Par deux fois, en 2002 et 2003, ce 7e Sommet  était fin prêt pour sa tenue à Alger, quand à la dernière minute il avait été décidé de l’ajourner. La première fois c’était le 21 juin 2002, la seconde, en décembre 2003 (le sommet était fixé au 23-24), rappelait M. Boularés. C’était la veille de l’arrivée prévue des chefs d’Etat, il était lui-même et les cinq ministres des affaires étrangères qui avaient achevé leur réunion préparatoire,  les hôtes à dîner de leur homologue algérien quand, soudain, on avait senti que quelque chose d’anormal se passait. Le ministre algérien était convoqué par son président, Abdelaziz Bouteflika. Dans le même temps,  le ministre libyen était suspendu au téléphone en communication animée avec sa capitale. Les deux étaient revenus à table pour annoncer que suite à «l’accord» entre leurs deux chefs d’Etat, le Sommet était reporté. En fait, c’était Kadhafi qui avait imposé son diktat. Ce fut la réponse du berger à la bergère. Vexé d’avoir été un an auparavant mis devant le fait accompli par la décision de Bouteflika d’ajourner le sommet de juin 2002, Kadhafi attendit la toute dernière minute pour annoncer qu’il ne viendrait pas. Ce qui devait remettre tout en cause car le chef de l’Etat libyen devait se voir confier la présidence de l’ensemble maghrébin. D’ailleurs, l’Algérie n’attendit pas le prochain sommet ( ?!)  pour passer le flambeau. Elle le fit séance tenante. Le communiqué final de cette réunion ministérielle avait précisé  que ''l'Algérie a exprimé sa décision de renoncer à la présidence de l'Union suite à la demande de la Libye de reporter le sommet et conformément aux dispositions de l'article quatre (4) de l'accord de création de l'UMA, la présidence est transférée à la Libye en vue de garantir la poursuite de l'action maghrébine''.

Le conflit sur le Sahara encore et toujours

Fixé ensuite pour fin mai 2005, ce même Sommet  devait être reporté cette fois-ci « sine die » en raison de divergences entre l'Algérie et le Maroc. Les divergences entre Alger et Rabat portaient sur la question du Sahara occidental, avaient indiqué ces sources.

"Le sommet a été reporté en attendant que les idées mûrissent et qu'une réunion sans problèmes puisse se tenir", avait déclaré le ministre des affaires étrangères mauritanien de l’époque, Mohamed Vall Ould Bellal. Le ministre marocain d’alors, Mohammed Benaïssa, avait annoncé le 23 mai 2005, la décision du Roi du Maroc, Mohamed VI de boycotter ce sommet, rejetant sur l'Algérie la "responsabilité de compromettre l'opportunité de relance, au plus haut niveau, de l'édification maghrébine".

Deux jours auparavant, le  21 mai le président algérien avait réaffirmé, son appui au Front Polisario et s'était engagé à tenir ses "promesses" de soutien au mouvement  sahraoui.

Il avait indiqué qu'il se rendrait au Sommet de Tripoli "fidèle à ses promesses envers le peuple sahraoui", ajoutant que son pays soutenait cette cause en vue d'aider" le peuple sahraoui ainsi que tous les peuples à recouvrer leur liberté et leur indépendance". Piqué au vif, le chef de la diplomatie marocaine avait dénoncé ces déclarations, estimant qu'"elles n'aidaient pas à relancer l'UMA". "Les déclarations de l'Algérie sur le Sahara ne sont pas compatibles avec l'esprit du sommet", avait-il dit.

Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir

Vexé, ulcéré, se sentant impuissant à changer les choses, Habib Boularès devait rendre son tablier en 2006 au terme d’un seul et unique mandat. M. Habib Ben Yahia lui a succédé. Réaliste et éclairé par les trois échecs successifs de tenir le sommet, lui n’a jamais cherché à forcer le destin. D’ailleurs aucune autre date ne devrait être suggérée par le secrétariat général de l’UMA pour ce désormais fameux «7ème prochain Sommet ».
Arrivé à la présidence après la révolution de janvier 2011, le président provisoire Moncef  Marzouki avait cru qu’il suffisait de vouloir organiser un sommet pour pouvoir le réunir. Tout juste investi, il annonça en février 2012, sans consulter ses pairs que le Sommet maghrébin aura lieu en avril ou en mai suivants «probablement à Tunis». Ce sommet avait-t-on dit dans son entourage devait «concrétiser la création d’une zone de libre-échange maghrébine, la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux, des services, mais aussi de la main d’œuvre». Mieux, il était aussi prévu que «les Maghrébins installés dans les autres pays de l’UMA seraient autorisés à voter lors des élections locales, municipales et régionales». Les cinq pays devraient aussi convenir de prendre communément en charge les questions sécuritaires dans la région du Sahara.

Cela restera comme des vœux pieux. On n’assistera à aucun commencement de début de la préparation du sommet maghrébin dès lors renvoyé aux calendes grecques. Entre temps, le mandat de M. Ben Yahia était arrivé à son terme et faute de lui avoir trouvé un successeur, il est gardé en fonction.

R.B.R.

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