Les autorités religieuses face aux questions de genre
C’est l’intitulé du colloque organisé les 22 et 23 mai à Paris par l’EPHE-CNRS dans le cadre du programme Genre religions sécularisations au sein du Groupe Sociétés Religions Laïcités.
Une thématique d'actualité
Il faut dire que la thématique du genre — terme générique pour désigner les spécificités psychologiques, mentales, sociales, économiques, démographiques ou politiques, donc non biologiques, qui distinguent les sexes — est de plus en plus d’actualité. Chez nous, dans le monde arabe et en Tunisie plus particulièrement, malgré le retard de nos législations en la matière, la question pourrait paradoxalement connaître une évolution déterminante dont on serait à l’origine grâce aux trésors méconnus ou ignorés de notre spiritualité islamique.
En effet, contrairement à ce que l’on colporte — en étendant à notre religion des catégories de pensée toutes faites et toutes prêtes de l’Occident judéo-chrétien —, l’islam bien compris n’est ni contre la sécularisation ni contre les différents aspects majeurs posés par la thématique du genre, comme l’homosexualité, ainsi que le démontrent amplement les plus récentes recherches scientifiques.
Pour peu qu’on observe le monde au-delà des apparences, on réalise que l’intégrisme n’est pas qu’islamique, celui-ci tant même alimenté par un esprit cryptique issu des autres religions de Livre, agissant directement et indirectement au sein même de l’islam, en altérant la raison pure.
Comme le notent les organisateurs, «le renforcement de l’engagement des acteurs religieux dans le débat public autour des questions de genre est une tendance particulièrement marquante de l’actualité nationale..., l’Église catholique est toujours en première ligne contre l’introduction de la notion de genre dans les programmes scolaires ou le Mariage pour Tous».
Ils relèvent aussi que cette Église «n’est plus la seule voix religieuse à se faire entendre sur ce qu’il est convenu d’appeler, dans les médias, la "controverse du genre", définie ici comme l’ensemble des questions ayant trait à l’identité sexuelle, aux sexualités et aux rôles de sexe.»
Un Printemps islamique
Or, sur ces questions et d’autres, l’islam dans son texte originel — en dehors de la lecture réductrice qu’on en fait des jurisconsultes influencés par la tradition judéo-chrétienne — fut très en avance sur son temps et est en parfaite congruence aujourd’hui avec les tendances les plus novatrices.
Aussi, il est dommage qu’il n’y ait pas dans le colloque des voix en mesure de porter témoignage sur ces potentialités révolutionnaires de l’islam, puisque les intervenants lors des six panels prévus ne traiteront que d’aspects folkloriques de notre religion d’après le prisme occidental déformant ou l’expérience française forcément limitée.
Les organisateurs évoquent, à juste titre, l’extension de la notion «strictement institutionnelle» des «autorités religieuses» qui désignent désormais «plus largement tous les acteurs du monde religieux qui exercent une autorité». Or, c’est justement le cas de l’islam où il n’est point d’autorité religieuse à proprement parler, tout un chacun ayant matière à dire en sa religion, son rapport avec Dieu étant direct; c’est d’ailleurs l’une des spécificités éminentes oubliées par les musulmans.
Il n’y a donc pas en terre d’islam de «disparition de "l’autorité" dans sa forme traditionnelle», comme on le voit en Occident, mais bel et bien des retrouvailles avec ces autorités que l’on redécouvre en Occident «dans un contexte où les discours religieux sont désormais mis en concurrence, sur un plan horizontal, avec d’autres discours religieux ou séculiers, et où la référence à la transcendance ne constitue plus un argument recevable dans la délibération démocratique.»
C'est dire le travail de redécouverte de leur religion qui s'impose aux musulmans et qui serait l'acquis principal de ce qu'on a appelé Printemps arabe et qu'il faudrait qualifié dorénavant de printemps islamique.
Farhat Othman