Élections européennes : Réclamons le visa biométrique de circulation pour aider à contrer la xénophobie
Les élections européennes viennent de confirmer l’enlisement de l’Europe dans ses contradictions avec, en prime, un glissement irrésistible vers l'innommable, signe avant-coureur d'un déclin inévitable.
En s’enfermant derrière des frontières qui ne sauraient jamais être hermétiquement fermées, elle ne fait qu’attiser la haine de l’étranger en bouc émissaire, encourageant un «nazisme rampant» dans les mentalités tout en reproduisant en Méditerranée un «holocauste moderne», selon l'expression de la voix terrible, mais trop juste, de la maire de Lampedusa.
L'Europe a plus que jamais besoin de notre aide!
Les résultats du scrutin européen mettent aussi l’accent sur le fait que l’Europe ne sortira pas de la crise morale et de la confusion des valeurs dont elle souffre cruellement sans l’aide extérieure de ses partenaires. Or, la Tunisie, dont le peuple a fait preuve d’une maturité politique exceptionnelle, est en mesure d’apporter cette aide. C’est même son devoir!
Au nom de sa révolution, la Tunisie doit dénoncer fermement la politique migratoire actuelle de l’Europe et refuser enfin sans ambiguïté d’y coopérer. Il est honteux que l’on continue d’aider à la mise en place, de plus en plus terrifiante, d’une politique exclusivement sécuritaire pour l’érection illusoire d’un mur sur la Méditerranée afin de contrer l’immigration clandestine.
Celle-ci est un mythe, et il importe de le dénoncer au plus tôt, sans plus de drames; car c’est la frontière fermée qui crée le clandestin, excitant les flux et soutenant les menées maffieuses. Elle multiple aussi les drames aussi inutiles que non punissables; qui doit donc en répondre? Peut-on avoir la conscience tranquille avec ce qu’on voit en Méditerranée?
La Tunisie — dont la communauté en Europe est assez réduite pour servir de laboratoire — doit proposer la transformation du visa actuel en visa biométrique de circulation. Elle a l'obligation de le faire officiellement et solennellement aux instances européennes au plus tôt. C’est le peuple qui le mande, ses enfants continuant de risquer leurs vies pour un droit à circuler librement qui n’est nullement une faveur, mais bien une garantie internationale en acquis éminent des droits de l’Homme.
Alors, M. le ministre des Affaires étrangères, qu’attendez-vous? C’est une exigence que non seulement commande le sens de l’histoire, mais aussi la morale et l’efficience diplomatique ! Il ne s’agit plus d’oser aller contre la bienpensance mortifère de la diplomatie de l’Europe et de ses clones chez nous et dans le monde! Il s’agit tout simplement de faire montre de compétence en diplomatie innovante, de son époque et en congruence avec les impératifs catégoriques de l’esprit du temps.
Celui-ci est à la libre circulation en Méditerranée qui soit respectueuse des réquisits sécuritaires. Or, le système que je propose est le mécanisme idéal pour concilier entre les exigences — loin d’être inconciliables comme on le suppose à tort — d’une circulation sans entraves et les mesures incontournables de la sécurité.
La seule différence de ma solution avec le système actuel est la garantie d’une circulation libre sur une période de temps plus ou moins long, mais se faisant exactement dans les conditions présentes de sécurité présidant à la délivrance du visa actuel, sans toutefois les exactions et les abus qui accompagnent de nos jours la délivrance du visa.
Nous sommes en mesure d'aider à réinventer l'art politique
En quoi la solution que je propose serait-elle donc utopique? Qu'elle contrecarre les intérêts de milieux ne se souciant guère que de leurs privilèges, cela n'est pas à exclure; mais y a-t-il le moindre doute qu'elle sert les intérêts de la paix et ceux bien compris des États et des peuples?
Est-ce le fait que c’est la délivrance devenant de droit aux Tunisiens qui pose problème? Ou que le bénéficiaire est libre de faire un certain nombre d’entrées et de sorties? En quoi cela gênerait-il les mesures de sécurité présidant actuellement à la délivrance du visa qui demeureront les mêmes, toujours en application?
Grâce à nos valeurs ancestrales et au fond spirituel marquant notre culture, rétive à toute marchandisation de la vie, nous sommes en mesure, aujourd'hui que l'Europe est en crise, d'aider à la transfiguration de la pratique politique devenue un art mineur, politicien, au lieu d'être le grand art que l'on a connu quand il était pratiqué par des virtuoses. La politique nécessite la réinvention de son art; et nous en sommes capables, pour peu que l'on croie à nos capacités, que l'on ose aller contre le dogmatisme logique des soi-disant bien-pensants.
Il nous faut, pour cela, commencer par retrouver notre confiance en nos capacités propres à influer sur le cours des événements sur lequel, aujourd'hui, toute volonté bien arrêtée peut agir, sans distinction de force ou de grandeur. Il serait erroné et criminel de croire le monde uniquement régi par les grandes puissances; car leur force est de tirer avantage de l'inertie des supposés faibles. Or, plus que jamais, l'inertie a de la force; et le plus fort est souvent le plus fou.
Soyons donc forts sans être inertes et agissons sans folie pour contre celle des autres, surtout nos plus proches amis, en leur démontrant que leur crise est dans leur tête, qu'elle se nourrit des prétendues solutions qu'ils croient lui trouver avec une politique de gribouille. Il y va du sort commun de l'humanité et de la paix en notre mer commune.
Monsieur le ministre des Affaires étrangères, il est temps d’en finir avec l’hypocrisie actuelle des slogans vidés de sens d’amitié privilégiée, de statut associé avancé et d’un partenariat supposé de mobilité et qui ne favorise que l’immobilité!
C’est le temps de l'innovation nécessaire en une diplomatie devant être enfin celle du troisième millénaire. Et c’est aussi votre statut de compétence avérée qui vous le commande.
Farhat Othman