Entre europhobie et euroscepticisme le cœur de l'Europe balance
Les élections du Parlement Européen dans les 28 Etats membres de l’Union Européenne ont été marquées par une forte poussée des anti-européens. Le parti le plus europhobe de France qui prône la préférence nationale et veut sortir l’Hexagone de la monnaie européenne devient le premier parti de France à la faveur de ces élections.
Séisme en France
Avec près du quart des suffrages exprimés, le Front National fondé par Jean-Marie Le Pen qui a passé le relais à sa fille Marine crée un véritable «séisme» dans la classe politique française. Le Président socialiste François Hollande sorti très affaibli suite au revers des élections municipales en mars est complètement à genoux au lendemain de ce scrutin européen. Son parti, le PS réalise son plus mauvais score depuis 1979 c'est-à-dire bien avant qu’il ne devienne un parti de gouvernement avec François Mitterrand en 1981. Après avoir changé de premier ministre et de premier secrétaire du parti et remanié le gouvernement, le Chef de l’Etat français n’a plus quoi offrir pour sauver sa peau. A moins de recourir à la dissolution de l’Assemblée nationale, comme le lui demande le parti vainqueur. Mais il sait que ce sera son suicide politique car il aura à la clé une chambre qui lui échappera complètement et le contraindra soit à partir soit à «cohabiter» avec un gouvernement qui n’est pas de sa couleur politique. Il est obligé à faire le dos rond et à laisser passer l’orage. Avec une popularité au plus bas dans les sondages, le locataire de l’Elysée est acculé à gagner du temps. Mais, il sait que le parti de Marine Le Pen ne lui laissera pas le temps de souffler et fera tout son possible pour le pousser à « tirer les leçons » de ce scrutin. Il trouvera paradoxalement en la droite classique de l’UMP son adversaire le plus redouté, elle aussi désavouée, un allié dans cette épreuve. Le parti de Sarkozy est plus ébranlé que le parti socialiste qui lui s’attendait à cette «déculottée». le secrétaire général de l’UMP a été d’ailleurs poussé à la démission et un triumvirat de trois anciens premiers ministres tiendra la parti jusqu’au prochain congrès.
Une victoire historique du FN
Ce n’est pas la première fois que le parti d’extrême-droite constitue des soucis à la classe politique française. En avril 2002 déjà Jean Marie Le Pen a été qualifié au deuxième tour de l’élection présidentielle avec l’élimination du candidat socialiste Lionel Jospin. Grâce à la coalition de toutes les forces démocratiques, Jacques Chirac a été élu à plus de 80% des voix au terme de ce scrutin.
Mais cette fois-ci, outre le fait que le FN obtient pour la première fois une première place à une élection, le parti des Le Pen fille et père se hisse à cette place au cours d’un scrutin européen. C’est d’ailleurs le paradoxe de cette élection. La formation le plus antieuropéenne engrange le plus grand nombre de votants d’élus devant siéger au Parlement européen. Le paradoxe n’est qu’apparent. Car les frontistes veulent rendre «la France aux français» et mettre fin à la toute puissance de la bureaucratie de Bruxelles. C’est ni plus ni moins qu’une sortie de l’Union Européenne que ce parti appelle de ses voeux, avec en premier une sortie de l’Euro. La devise européenne est d’ailleurs combattue ave férocité par le parti d’extrême droite qui, lui préfère le retour du Franc, symbole, selon lui de la toute puissance de la France.
Rejet de l’Europe en Grande Bretagne
La France n’est pas seule dans cette situation, bien que sa qualité de pays fondateur de la communauté européenne des six (avec l’Italie, l’Allemagne, la Belgique ; les Pays Bas et le Luxembourg) rende son cas plus révélateur du rejet de l’Europe. La Grande Bretagne est pratiquement dans le même état d’esprit. Avec cette observation que l’esprit insulaire des britanniques a toujours fait qu’ils ne sont pas particulièrement enthousiastes d’être au sein de l’ensemble européen.Les eurosceptiques de l'UKIP, un petit « Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni »viennent eux aussi de déclencher un « véritable tremblement de terre » au Royaume uni. En effet ils ont en recueilli un score historique de 27,5%. C’est la première fois depuis 1910, observe-ton que ni les travaillistes, ni les conservateurs ne remportent une élection dans le pays. Le Labour arrive deuxième avec 25% des suffrages juste devant les conservateurs (23,9 %). Les libéraux-démocrates, les plus pro-européens, essuient une défaite catastrophique et sont bons derniers avec moins de 7% derrière les Verts (7,9 %).
En Allemagne, bien que les deux partis de la grande coalition, le CDU-CSU conservateur de la chancelière Angela Merkel et le SPD socialiste avec respectivement 35,3 % et 27,3 % des voix. Là aussi le parti anti-euro AFD (Alternative pour l’Allemagne) créé au printemps 2013 fait une percée et rélise un score honorable de 7% qui lui permet de faire son entrée au Parlement Européen (7 sièges). C'est aussi le cas des néonazis du NPD (Parti national démocrate): 1 % des suffrages, 1 siège.Au Danemark, le Parti populaire danois (Dansk Folkeparti ; DF) arrive; comme le FN en France en tête des élections. DF a, en effet, cinq points d'avance sur les sociaux-démocrates au pouvoir.
Seule bonne surprise en Italie
Quand ils ne sont pas premiers, les partis europhobes obtiennent des scores importants en Autriche, en Hongrie, en Suède et en Grèce. En Italie, cependant, Beppe Grillo, un ancien comique populiste (21 %) est largement distancé par la liste du président du conseil de centre-gauche, Matteo Renzi. Mais l'ancien comique devrait envoyer une petite vingtaine de députés au Parlement européen. Légitimé par les urnes, le jeune chef de gouvernement de la péninsule a obtenu la seule bonne surprise du 25 mai parmi les partis de gauche, faisant de lui le chef naturel de cette gauche européenne. En remportant 40,8 % des voix, Il distance son adversaire europhobe, le « Mouvement 5 étoiles » de l'ancien comique Beppe Grillo, à 21,2 % des suffrages et inflige la plus sévère défaite de son histoire à Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi (16,8 %).
Selon les décomptes, es partis europhobes représenteront plus de 140 députés, près d'un cinquième du Parlement Européen qui en comte 751. Mais ils auront bien du mal à s'entendre à Strasbourg et à Bruxelles. Ils représentent des tribus qui se méfient les unes des autres.
A l'exception de Beppe Grillo, qui est inclassable, ils se rattachent tous à des traditions d'extrême-droite, même s'ils veulent parfois les faire oublier.
Une abstention record
Autre fait remarquable, une abstention massive à ces élections. Les pays de l’UE anciennement sous le joug soviétique ont été ceux où les élécteurs se sont peu déplacés. Le record revient aux Slovaques qui n’ont été que 13% à se rendre aux urnes. Traditionnellement europhile, avec un niveau de confiance à l'égard de l'Union européenne (UE) et de ses institutions largement au-dessus de la moyenne, le pays affiche pourtant le taux de participation aux élections européennes le plus bas d'Europe depuis son adhésion en 2004.
Seule la Belgique, où le vote est obligatoire, fait exception à la règle puique l'abstention n'a été que de 10 %.
Que retenir de ce scrutin sinon que l’Europe ne remporte pas L’enthousiasme des foules et ne fait même plus rêver ceux qui croyaient y trouver l’eldorado espéré. Entre europhobie, le rejet maladif de l’Europe et l’euroscpeticisme , le doute quant à son utilité, le cœur des Européens balance.
R.B.R