News - 29.05.2014

Hamadi Bousbia : "D'éventuelles solutions aux déficits actuels"

Il s’exprime rarement dans les médias, mais cette fois-ci, il estime nécessaire de contribuer, à titre personnel, au débat économique national par des propositions concrètes. Hamadi Bousbia, président du Groupe SFBT, l’un des plus beaux fleurons de l’industrie tunisienne, mais aussi ancien directeur général à la Banque centrale de Tunisie, est bien placé pour ressentir les besoins réels de l’entreprise et les impératifs pour l’économie. La tribune qu’il vient de rédiger, dans un exercice jusque-là inédit est instructive.

La Tunisie vit actuellement une situation difficile, pénible et susceptible d'hypothéquer pour longtemps son avenir. 
 
L'Etat a fortement besoin d'augmenter ses moyens en dinars et de réaliser d'importantes économies en devises. S'il est important que le Gouvernement prenne de nouvelles mesures pour faire face à la dégradation économique que nous traversons, il est tout aussi important que tous les citoyens, dignes de ce nom, réagissent en acceptant de faire des sacrifices à même de sauver notre cher pays.
 
Dans un premier temps, et même à titre provisoire, il conviendrait de sortir des sentiers battus.
 
En effet, et à titre d'exemple, l'ancien gouvernement a alourdi de façon excessive la taxe sur la bière (70%), ce qui a abouti à une baisse des ventes de bouteilles de plus de 30%. Il en est de même pour les produits fortement alcoolisés : la taxe est tellement élevée qu'elle a tari la vente sur le marché officiel et développé la vente des produits importés frauduleusement.
 
Cette politique a fait perdre à l'Etat des montants importants de taxes.
 
Il faudrait recourir à de nouvelles solutions de circonstance, à savoir :
  • L'instauration d'une taxe de 1 à 1,5% sur les paiements en devises (achats et ventes) pourrait rapporter plus de 1 milliard de dinars. Si on veut exonérer les exportations, partiellement ou totalement, on pourrait augmenter les taux sur les achats de devises.
  • Ajouter un droit de consommation de 10% à 15% sur les communications téléphoniques ne serait pas insupportable (les boissons gazeuses sont déjà soumises à un droit de consommation de 25%) : cette taxe rapporterait plus de quatre cent millions de dinars.
  • Hormis les matières premières, les biens d'équipement, les céréales, les huiles, les médicaments, etc., le Gouvernement pourrait établir une liste des produits importés non essentiels, qui ne bénéficieraient d'aucun crédit bancaire, et obliger leurs importateurs à bloquer un montant équivalent pour six mois au Trésor. Le montant de cette liste, qui pourrait atteindre les 8 à 10 milliards de dinars, ferait diminuer les importations de 2 à 3 milliards, d'où gain de devises, et permettrait au Trésor de disposer d'un fonds de roulement de 3 à 5 milliards de dinars (50% du montant de la liste pour les six mois de blocage).
Par ailleurs, l'assainissement des banques pourrait donner lieu à la souscription d'obligations convertibles en actions : il faudrait dépasser la hantise de l'ancien régime qui avait toujours peur de l'augmentation de la participation des privés dans le capital. En effet, il croyait que celui qui détenait les pouvoirs dans une banque deviendrait incontournable en politique. Or, à mon avis, les banques privées sont plus à la merci de l'Etat que les banques publiques, eu égard aux pouvoirs énormes détenus par la Banque Centrale.
 
En outre, et afin d'éviter pendant une période les grèves et les arrêts de travail, il pourrait être créé une Commission, présidée par Monsieur le Ministre des Affaires Sociales, qui réunirait l'U.G.T.T. et l'UTICA, laquelle Commission interviendrait et prendrait les décisions adéquates lors des conflits d'entreprise non résolus entre les patrons et les syndicats.
 
Cela n'empêcherait pas les autorités, avec l'aide de tout le monde (partis, syndicats et représentants de la société civile), de supprimer les subventions, sur une période de trois ou quatre ans, et d'en faire bénéficier les gens sans ressources, de revenus faibles et même moyens, sous forme de compensations directes.
 
Les mesures proposées pourraient éviter de prendre des décisions dans la précipitation.
 
Toutes ces mesures, parmi tant d'autres, pourraient contribuer à recouvrer une meilleure stabilité dans le pays, à rétablir la confiance, nationale et internationale, et à encourager tous les intervenants susceptibles de participer à un effort citoyen.
 
Mohamed BOUSBIA