Investiture de Sissi : Marzouki insulte l'avenir!
Les Relations extérieures sont parmi les rares prérogativesdu Président provisoire de la République,Prérogatives d’ailleurs réduites à une peau de chagrin par la volonté du puissant allié qui l’a installé au Palais de Carthage, Ennahdha. A ce titre,en Chef d’Etat responsable et soucieux de l’intérêt du Pays, il se doit de faire preuve de diplomatie, de pragmatisme voire de Realpolitik, sans pour autant sacrifier les principes et les valeurs.
Or Depuis qu’il est l’hôte de Carthage, Monsieur Marzouki a pris des initiatives et fait des déclarationsdont certaines ont été contestées par ses adversaires,d’autres par l’ensemble de la classe politique et d’autres encore par la société civile car elles mettaient en péril les intérêts du Pays,la sécurité des citoyens ou constituaient un reniement flagrant de son passé de militant des droits de l’homme.
La destitution de Morsi, la répression de la contestation islamiste, les procès intentés aux Frères musulmans et les condamnations sévères qui les ont frappés ont donné lieu de la part de M. Marzouki à des attitudes qui ont été considérées par les Egyptiens comme ingérences dans leurs affaires intérieures. Son hostilité à l’élection de Sissi à la Présidence de la République égyptienne est de nouveau l’occasion de polémiques.
Certes l'ex-chef de l'armée Abdel Fattah Al-Sissi a été élu avec un score soviétique (96,9 % des suffrages) mais ce plébiscite se trouve quelque peu nuancé par le taux de participation qui ne s'élèvequ’à 47,45 %.Certes les droits de l’homme ne sont pas respectés, mais après un temps de flottement et après le rappel des principes démocratiques, tout ce qui compte dans la communauté internationale semble se faire à l'idée d'un Sissi président. En effet, le sens politique et le pragmatisme incitent les puissants de ce monde à renouer le dialogue au nom d’intérêts bien compris et pour ne pas insulter l’avenir. Que l’on en juge:
Realpolitik
Les États-Unis ont fait part de leur impatience à travailler avec le nouveau gouvernement du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi «pour faire avancer notre partenariat stratégique et les nombreux intérêts communs aux États-Unis et à l'Égypte», a annoncé la Maison-Blanche dans un communiqué.
L’Union européenne par la voix de sa chef de la diplomatie, Catherine Ashton, félicite dans un communiqué «Abdel Fattah El-Sissi comme nouveau président de l’Égypte» et «espère qu’il relèvera les défis importants auxquels fait face le pays, dont la difficile situation économique, les profondes divisions au sein de la société, le contexte sécuritaire et le respect des droits de l’Homme»
Le président russe Vladimir Poutine a félicité l'ex-ministre égyptien de la Défense Abdel Fattah al-Sissi pour sa victoire à l'élection présidentielle, rapporte le service de presse du Kremlin.
Quant à Abdallah, le roi d’Arabie saoudite,non seulement, il a salué la victoire «historique» de Abdel Fattah al-Sissi, mais il a proposé la tenue d’une conférence des donateurs pour aider l’économie égyptienne.
Pour compléter cette unanimité, mentionnons surle plan national, la double félicitation de NidaaTounes et de son leader, Béji Caïd Essebsi. Le parti a présenté: «ses félicitations les plus vives au nouveau président, Abdelfattah Al Sissi pour la confiance que les Egyptiens lui ont accordée» quant à BCE, il a félicité Al Sissi pour sa «grande victoire» lors de ces élections «libres et transparentes».
L’Intransigeance et ses raisons
Peu rancunières, les autorités égyptiennes n’ont pas pris ombrage de n’avoir pas été invitées pour la célébration de l’adoption de la constitution tunisienne. Passant outre, elles ont invité le Président de la République pour la cérémonie d’investiture du 8 juin, mais M. Marzouki a décliné l’invitation et c’est le ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi qui représentera la Tunisie lors de cette cérémonie.
Il s’impose donc de se demander «Qu’est-ce qui peut justifier une telle intransigeance ? »
Bien sûr, étant donné le passé militant du Président provisoire, la première réponse qui surgit spontanément, c’est la préoccupation de M. Marzouki par les droits de l’homme. Mais alors pourquoi a-t-il attendu la pression pour gracier Mejri? Pourquoi n’a-t-il rien fait auprès de l’Emir du Qatar pour le poète Mohammed Al-Ajami, alias Ibn Al-Dhib condamné d’abord à perpétuité puis à 15 ans pour un poème à la gloire de la Révolution tunisienne? Pourquoi la rétention arbitraire depuis deux ans et demi du journaliste tunisien, Mahmoud Bouneb, ne l’a pas empêché de rencontrer l’Emir du Qatar? Pourquoi L’esclavage pratiqué par l’Emirat à l’égard des immigrés qui construisent ses stades pour la Coupe du Monde n’a pas empêché le Président-philosophe de disserter sur la liberté sur le site d’Al Jazeera?
Enfin les journalistes, les activistes et les militants détenus dans les prisons marocaines auraient dû dissuader le Président droit-l’hommiste de recevoir en grande pompe Mohammed VI comme il l’a fait la semaine dernière.
Si les droits de l’homme ne sont qu’un alibi dont l’usage est à géométrie variable, quelles sont alors les véritables raisons du boycott de l’investiture de Sissi?
On ne peut pas ne pas penser à la pression ou du moins l’alignement sur son mentor, Ennahdha. En effet, par solidarité frériste, le parti de Ghannouchi condamne la destitution de Morsi, la répression des Frères et l’élection de Sissi. Dans la perspective électorale qui se profile, Marzouki et ce qui reste de son éthique CPR ont intérêt à s’aligner sur les positions du «Grand Frère».
Cette option est d’ailleurs confirmée par la décision de M. Marzouki de voler la vedette à Sissi, puisque le 8 juin, le jour même de l’investiture de ce dernier, l’émission de Samir-El-Wafi ‘‘Liman Yajro’ Faqat’’ sur Ettounsia Tv devait être consacrée au Président-provisoire-futur-candidat.
Après moi le déluge
Agissant de la sorte, M. Marzouki fait preuve à la fois, d’amateurisme et de cynisme. En effet, les alliances qu’il tente d’établir d’une part avec le Maroc au dépend de l’Algérie ; d’une part avec le Qatar au dépend de l’Arabie Saoudite, des Emirats et de l’Egypte, révèlent une méconnaissance des rapports de forces qui risque de porter préjudice à la Tunisie et la fragiliser face à tous les dangers qui la menacent.
A moins que ce ne soit une réaction lucide et cynique à la défaite qui se profile aux prochaines élections. Dans un élan désespéré et par un égoïsme exacerbé,il pratique la terre brûlée au lieu de préserver l’avenir et de penser à l’intérêt du pays. Il semble dire après moi le déluge ! S’il croyait un seul instant à son succès comment pourrait-il envisager un seul instant réparer les relations aussi dégradées par son geste avec l’Egypte?
En tout cas, quelles que soient les raisons, la diplomatie ne consiste pas à pratiquer la politique de la chaise vide, ni à rompre les ponts d’autant que les absents ont toujours tort. La diplomatie suppose le débat, le dialogue et s’il en est besoin d’une leçon, Hollande l’a administrée cette semaine avec Poutine et Obama.