Elections à l'Université: le débat évité
Les élections des instances dirigeantes universitaires qui ont lieu ce mois-ci auraient dû être une occasion pour débattre de l’état actuel de notre Université, son avenir, ses indispensables mutations, … Or comme au niveau des partis politiques, à l’approche des élections tout semble être fait pour éviter les débats de fond. L’attention est souvent détournée comme par prestidigitation loin de l’essentiel. Des escarmouches juridiques, des plaintes pour vices de forme, des évènements anecdotiques, des luttes de clans voire d’égos, sont souvent les prétextes pour éviter les débats de fond. Surtout maintenir le statuquo et ne pas ouvrir la boîte de Pandore.
Les universitaires, composante encore marginalisée de l’intelligentsia nationale, n’arrivent toujours pas à assumer leur rôle d’intellectuels visionnaires, crédibles et pragmatiques. Les élections à l’Université auraient dû être l’occasion de débats d’idées où des projets, des visions et des stratégies sont confrontés permettant l’émergence d’instances dirigeantes compétentes, légitimes, indépendantes et responsables. Ceci aurait été de bon augure pour le niveau intellectuel et la profondeur des idées et des projets qui seront débattus lors des prochaines élections législatives et présidentielles de la fin de l’année.
Les manipulations claniques et les luttes d’influence ont existé de tout temps, mais elles ne doivent plus empêcher le débat. Seul par le débat constructif la communauté universitaire pourrait initier un processus la réconciliant avec son rôle stratégique dans l’élaboration d’une réflexion menant à l’émergence d’une élite citoyenne portant un projet ambitieux de développement national global, pragmatique et durable.
Est-il logique que, trois ans après que le joug expliquant son désengagement ait été supprimé, la communauté universitaire n’ait toujours pas organisé des assises nationales permettant d’initier une réflexion critique sur l’état actuel de l’Université tunisienne et son devenir? Quid de son mode de gouvernance? Quid de la gestion de ses ressources humaines combien précieuses ? Quid de la fuite des compétences? Quid de l’autonomie des universités? de la cohérence de la carte universitaire ? de la mobilisation autour de projets scientifiques et technologiques nationaux? de la bureaucratie entravant les initiatives scientifiques? de la qualité des formations? de la démobilisation d’une bonne partie des universitaires? de l’ouverture sur l’environnement ? des valeurs transmises aux étudiants …
Il est vrai qu’on est encore dans une phase de transition rendant difficile toute réforme de fond. Mais, est-il logique que des candidats aux hautes instances dirigeantes (directeurs d’instituts, doyens de facultés, présidents d’universités) n’aient pas à présenter et discuter, devant des conseils d’administration compétents, leurs visions stratégiques, leurs projets scientifique, pédagogique, économique, financier, leurs diagnostics de l’existant, leurs plans d’action et de développement, etc.
L’exercice de la démocratie se limite t-il à des élections sans débat, sans idées, sans discussions? Chaque étape électorale n’est elle pas l’occasion de faire le point, de décrire l’évolution passée, d’évaluer l’actuel, de cerner le possible, d’identifier les stratégies de développement, d’essayer de garantir un avenir meilleur …
M. Aroui.