Quand la Tunisie aura fini par basculer totalement
Entre crise mondiale économique sévère qui a frappé de plein fouet son modèle exportateur en direction de la zone la plus affectée, celle de l’Europe ; entre crise mondiale exacerbée des relations internationales, à la recherche désespérément de nouveaux équilibres suite à l’option ouverte de l’Amérique de redessiner carrément la carte du monde conformément à ses intérêts, en effaçant s’il le faut à la gomme des Etats entiers ; entre crise de déstabilisation généralisée prônée par le déchainement d’un ultra-islamisme violent appuyé par les fonds illimités de pays arabes pétroliers, et partant à l’assaut de ce qui reste de pouvoirs nationaux hyper ballotés par les tsunamis d’une mondialisation en pleine débâcle sur plus d’un plan ; entre ces écueils d’une extrême gravité, la petite et vaillante Tunisie tente de se frayer un chemin de vie, pouvant lui permettre au moins de rester entière et de penser envisager, au-delà du tumulte, un certain avenir pour ses enfants, faute d’avenir certain.
Toutefois, elle part handicapée par le cocon dans lequel elle a le plus souvent vécu, protégée par on ne sait quelle divinité des soubresauts dévastateurs qui ont emporté quelques pays de la Région ou en ont méthodiquement rectifiés quelques autres. Elle tente désespérément de s’accrocher à des certitudes quotidiennement soumises à un travail de sape savamment orchestré par des forces occultes qui en veulent à mort à son modèle, dont la simple existence représente une insulte à leur manière d’être et de penser.
Aussi, pour cette Tunisie, si frêle mais si obstinée, s’agit-il, le long de tout ce processus dit de transition, d’un chemin de vérité. Tant il et vrai qu’à l’exception exceptionnelle d’une personnalité ou deux, dont et de très loin l’inoxydable Béji Caïed Essebsi, nous n’avons pas eu grand-chose à nous mettre sous la dent. Globalement, plusieurs marionnettistes et autant de marionnettes nous ont gavés d’un spectacle devenu à la longue lassant sinon affligeant. Le tout nous obligeant résolument à continuer à racler dans les tréfonds de nous-mêmes à la recherche de ce qui reste en nous de vrai et d’essentiel pouvant nous permettre de rester debout.
Nous ne l’avons pas encore trouvé, mais la démarche reste non seulement exaltante mais incontournable. C’est pour cela que la meilleure posture reste celle de l’option pour la refondation intégrale. Nos valeurs et nos acquis, notre drapeau et notre hymne national, les aspects lumineux de notre histoire, constituent de précieux points d’appui lorsque tout semble vaciller autour de nous. Mais ne nous endormons pas dessus. Si les anciens nous ont légué un capital de continuité existentielle, il ne s’agit pas de le grignoter jusqu’à épuisement sans une farouche volonté de renouvellement complet. Il faudrait que nous nous disions que nous avons besoin à la fois de la même, mais également d’une autre, Tunisie.
Il ne faudrait pas que quand la Tunisie aura fini d’entièrement basculer, nous nous retrouvions avec une pâle copie d’elle ou, plus grave, une fausse-copie. Le risque qui nous guette c’est que chacun de nous s’auto-administre une illusion de changement, alors qu’il reproduit les mêmes stigmates. La remise en question profonde de notre manière de penser, de travailler, de produire, d’échanger, de consommer, de nous organiser, de communiquer, de nous positionner dans le monde, d’envisager l’avenir, de comprendre la société, de faire de la politique, de nous comporter, de nous instruire, de nous cultiver et de communiquer, doit être complète, parce que ce qui vient n’aura absolument rien à voir avec ce qui a été. C’est de cette façon que nous pourrions valider notre révolution et lui rendre hommage, en lui prêtant serment que nous ne serions plus comme avant, car meilleurs que ce que nous avions été.
Boujemaa Remili