Restructurer les rapports de la Tunisie de demain avec ses zones d'appartenance géopolitiques.
Il est, aujourd’hui, communément admis qu’il est nécessaire pour la Tunisie de demain de restructurer ses rapports avec ses zones d’appartenance géopolitiques, à savoir le Maghreb, le monde arabo-musulman, l’Afrique et la Méditerranée.
Cet article traitera du pourquoi, (c’est à dire des raisons) et du comment (c’est à dire des moyens) de cette nécessaire restructuration.Bien que certaines réflexions que j’y avance puissent paraitre peu conformes à l’ordre des choses, je crois qu’elles méritent d’être sérieusement examinées et surtout prises en compte dans toute tentative de redéfinition des nouvelles orientations de notre politique étrangère.
En effet, me basant sur une série de constats faits à partir d’un état des lieux de la situation politique et économique de la Tunisie «post-révolution», je peux résumer les plus importants facteurs qui militent en faveur de la restructuration requise, en ce qui suit:
1/Indépendante depuis bientôt une soixantaine d’années, la Tunisie n’a pas pu, du moins suffisamment, répondre aux aspirations du peuple tunisien au progrès et à la prospérité. La «révolution du 14 Janvier 2011» est venue mettre à nu les nombreuses défaillances et fragilités dont souffre le pays (les inégalités sociales et régionales, le chômage, la pauvreté, le déficit permanent de la balance des paiements, le fort endettement, le népotisme et la mauvaise gouvernance).
Il est donc indéniable, diachroniquement parlant, que la politique économique suivie depuis l’indépendance n’a pas été en mesure de répondre aux attentes du peuple tunisien, et il est impératif pour la Tunisie de demain d’adopter un nouveau modèle de développement.
2/ Durant la soixantaine d’années d’indépendance, l’économie de la Tunisie a été, en permanence, et dans une large proportion, en situation de dépendance vis-à-vis de l’Europe, son principal fournisseur et son principal client. Loin de vouloir minimiser ou de mettre en question les avantages que la Tunisie ait pu tirer de son pari quasi-total sur l’Europe, je crois que désormais, le moment est venu, et qu’il est, en même temps, légitime d’ouvrir un débat sur cette liaison que d’aucuns n’hésitent plus à qualifier de «dangereuse». Aussi, faut-il poser et répondre à la question suivante: l’accord, signé en novembre 2012, sur l’octroi du statut de «partenaire privilégié» à la Tunisie, sera-t-il plus heureux que les accords de coopération puis d’association qui ont, successivement, lié notre pays à l’Europe qui est aujourd’hui en difficulté pour ne pas dire «malade»? Autrement dit, ce nouvel accord sera-t-il capable de mieux aider la Tunisie à accéder au rang des pays avancés ? Et ses impacts seront-ils plus positifs sur notre tissu économique et plus généralement sur le peuple tunisien.
3/ les bouleversements qui ont marqué le début du XXIème siècle, et la crise globale que le monde traverse, depuis des années, ont démontré qu’aucun pays, aucune région ni aucun continent n’est plus à l’abri des dangers qui pèsent sur l’humanité toute entière, et qu’à moins d’une politique d’intégration régionale, il sera difficile, sinon impossible, pour n’importe quel pays, de faire face isolement, à ces dangers.
Tenant compte des défis de taille, que ce soit en termes d’économie, ou en termes de sécurité, qui pèsent aujourd’hui sur les pays du Maghreb, ceux-ci ont besoin de prendre le plutôt possible la voie du rassemblement et de la solidarité au sein d’un espace commun construit sur une base économique efficiente, solide et durable.
4/ enfin et synchroniquement parlant, les incertitudes tant politiques qu’économiques de la pénible étape transitoire que nous vivons depuis plus de trois ans, ont provoqué, d’une part, l’accroissement des difficultés internes, et d’autre part la régression de l’apport des moteurs extérieurs de la croissance à la relance de l’économie. En témoigne, à titre d’exemple, l’investissement étranger qui est aujourd’hui au plus bas.
Sur ce point, Il faut souligner que la croissance économique actuelle est insuffisante pour surmonter les difficultés en présence, et qu’à moins d’un taux de développement de 6% (ce qui suppose 5 milliards de dollars d'investissements annuellement), la Tunisie ne pourra pas se dégager de sa crise. D’ailleurs, rien que pour absorber la demande additionnelle d’emploi, ce taux devra être de 7% au moins.
Eu égard à l’ensemble de ces constats, et convaincu que la «révolution du 14 Janvier 201» a été, non seulement l’expression de la lutte contre la dictature mais aussi celle de l’aspiration à un avenir économique et social meilleur, j’estime que la Tunisie «post-révolution» a besoin de prendre conscience des nouvelles réalités nationale, régionale et internationale, et d’en tirer les conséquences qui s’imposent, afin de pouvoir mieux définir ses choix, de mieux défendre ses intérêts et de mieux venir à bout des obstacles de toute nature qui s’opposent à la réalisation de son développement et de son progrès.
Pour ce faire, je pense que le temps est venu pour réfléchir à une nouvelle politique économique tunisienne, et qu’il est indispensable pour la Tunisie «post-révolution» d’accompagner sa marche vers la démocratie, par un changement profond de sa politique de développement et en même temps de son approche de ses relations extérieures, avec le monde entier et en particulier avec ses zones d’appartenance géopolitiques.
S’agissant maintenant du comment de la nécessaire restructuration requise, je crois que de vrais changements structurels sont à opérer notamment, au niveau des rapports de la Tunisie avec son environnement régional immédiat.
Dans cette perspective, et à un moment où il est indiqué de ventiler au maximum les risques auxquels elle pourrait être exposée, il sera nécessaire pour la Tunisie d'engager une stratégie de déconcentration graduelle afin de diversifier ses partenaires, et ce en accordant une importance accrue à ses dimensions Maghrébine, Arabo-musulmane, et Africaine.
Toutefois et avant de m’étaler sur ces trois dimensions, je voudrais noter, en passant, qu’il serait, peut-être, opportun, comme le proposent certains experts, d’avoir pour cible de ramener le plafond de concentration avec l'UE à 50%, durant une période de 10 à 15 ans.
Parallèlement, il sera indispensable que les relations de la Tunisie avec l’Europe soient redéfinies dans le sens d’une meilleure complémentarité et sur des bases plus équitables et plus équilibrées pour les deux parties, afin de bâtir un «partenariat» digne de ce nom, qui a des chances d’être durable et de remplir sa mission essentielle, celle de contribuer à l’émergence de la nouvelle Tunisie que nous voulons solidement attachée à sa dimension méditerranéenne, sans toutefois négliger ses autres dimensions.
1/ Avec le Maghreb:
Au-delà des habituels discours idéalistes qui s’apparentent beaucoup plus à la littérature qu’à la politique, et sans entrer dans les détails de ce qui est appelé le coût du non-Maghreb (au plus bas mot 1% de croissance supplémentaire chaque année), je crois sincèrement que les pays maghrébins doivent prendre conscience que leur destin, leur prospérité et leur sécurité se détermineront, en grande partie, à l’échelle régionale, et par conséquent ils doivent, obligatoirement conjuguer leurs efforts en vue de réaliser leur intégration.
En outre, le nouveau climat géopolitique au Maghreb impose à l’ensemble de ses pays de restructurer leurs priorités.
La construction d'un «maghreb des libertés» ou la libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services soit garantie, peut, à mon sens, constituer, en même temps, un objectif et un cadre idéal pour la réalisation de cette intégration.
Cependant, et afin d’éviter de rééditer les fâcheuses expériences du CPCM, puis de l’UMA et pour la pérennisation du processus de la concrétisation de ce projet, il est nécessaire pour les pays maghrébins:
1/ de se poser, en premier lieu, la question suivante: est-il préférable d’essayer de ressusciter l'Union du Maghreb Arabe (UMA), cette structure en panne depuis vingt ans, et dont les pères fondateurs, qui en 1989 l’ont conçue à leur mesure, ont tous disparu ou bien physiquement, ou bien politiquement, ou par contre de concevoir et de créer un nouvel ordre maghrébin qui tienne compte des changements intervenus en ses différents pays, et qui soit plus à même de répondre aux exigences de la conjoncture régionale et mondiale actuelle?
2/ d’être, ensuite, plus pragmatique et de faire face aux obstacles qui ont empêché et qui continuent à entraver la construction du Maghreb, et surtout au problème du sahara occidental qu’il ne faut plus contourner ou ignorer comme ce fut le cas en 1989, mais le résoudre car il risque de resurgir à n’importe quel moment et de bloquer le processus de nouveau.
De même, Il est impératif de dépasser la dialectique national/maghrébin, de régler les problèmes de frontières, et d’assainir le climat politique en favorisant les points de convergence sur ceux de divergence.
3/ une focalisation, de la part des Maghrébins et de leurs partenaires surtout Européens, sur l’intégration maghrébine est nécessaire, et les efforts doivent se concentrer sur toute action susceptible de la faciliter, et non de la détourner par des initiatives, parfois sans lendemain à l’instar de l’accord d’Agadir de libre-échange qui selon certains experts a à peine suscité un friselis dans le mouvement des échanges entre les quatre pays signataires (à savoir la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et la Jordanie).
Sans nul doute, le partenaire européen a toujours et encore besoin de comprendre qu’il a intérêt à encourager la construction du Maghreb car une intégration économique maghrébine renforcée ne manquera pas entre autres, de faire baisser le chômage et de contribuer ainsi, à résoudre le problème qui ne cesse de l’inquiéter, à savoir celui des migrations des populations du Maghreb vers l’Europe.
4/ il faut, enfin, souligner que la réalisation du projet maghrébin ne doit plus être l’apanage des seuls gouvernements. La société civile doit y prendre part pleinement en adoptant une attitude de maghrébinistaion des divers aspects de la vie quotidienne des sociétés maghrébines.
L’espoir est grand dans le dynamisme de cette société qui a pu refaire surface avec les «révolutions du printemps arabe» et les transformations qu’elles ont engendrées dans la région. En effet elle a la responsabilité de pousser et de soutenir la réalisation de ce projet par tous les moyens, et elle est appelée à agir comme le garant de sa continuité contre les atermoiements de toutes sortes et d’où qu’ils viennent.
2/ Avec le monde Arabo-musulman:
Bien qu’incontestablement les notions de solidarité, de complémentarité et d’intégration arabes demeurent ballottées entre le mythe et la réalité depuis plusieurs décennies, il faut reconnaitre que le monde arabe a pu, surtout ces cinq dernières années créer une série de mécanismes qui peuvent contribuer au développement de la coopération interarabe.
La Tunisie qui accueillera en Janvier 2015 le quatrième sommet économique et social arabe, en même temps qu’elle commémorera le quatrième anniversaire de sa «révolution», doit tirer profit de ces mécanismes, pour développer sa coopération restée jusqu’ici limitée avec les pays et les institutions arabes.
A cet effet, elle devrait et pourrait tirer avantage:
- de la zone de libre-échange dite la Grande Zone Franche Arabe mise en place à la fin de 2012 entre les pays membres de la Ligue des Etats Arabes, ce qui représentera un marché d’environ 370 millions de personnes.
- Il est à noter que pour l’instant les échanges interarabes représentent à peine 10% du volume total du commerce extérieur des pays arabes.
- des mesures prises en vue d’encourager les investissements interarabes afin de lutter contre le chômage et la pauvreté qui, faut-il le rappeler, ont été, du moins en partie, à l'origine des «révolutions arabes».
Il est à noter, dans ce contexte, que les investissements interarabes n’ont pas, selon un rapport du Conseil économique et social arabe, dépassé la barre des 25 milliards de dollars en 2011 et que le sommet de Ryad a approuvé un amendement à la Convention Unifiée sur les Investissements Arabes dans les pays arabes, approuvée en 1980, invitant les pays membres à réviser leurs législations pour encourager l'investissement et créer de l'emploi afin de juguler le chômage dont le taux s'est élevé à 16% dans le monde arabe en 2011.
Relevons à ce propos que les 25 milliards d’investissements en 2011, ne représentent qu’une goutte dans un océan comparé à l’importance des fonds souverains notamment des Emirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite, et aux réserves de change comme ceux de l’Algérie, placées en majorité, en Occident et non au sein des pays arabes.
Relevons aussi qu’au total, les fonds souverains dont les importants fonds norvégien et chinois gèrent plus de 5.000 milliards de dollars d'actifs dans le monde. Pour les pays arabes, le total des actifs, selon certaines estimations de 2010 dépasse les 1.800 milliards de dollars (soit 36% du total mondial).
- de l'augmentation décidée au sommet de Riad de 5O% des fonds alloués aux organismes financiers arabes communs, ce qui est de nature à «mobiliser plus de 10 milliards de dollars pour ces organismes (...) pour qu'ils augmentent leur contribution au financement de projets de développement dans le monde arabe».
- de la mise en application des mesures prises par le sommet du Koweït notamment en ce qui concerne la création du fonds spécial qui vise à soutenir et financer les petits et moyens projets du secteur privé dans le monde arabe… ainsi qu’en ce qui concerne la poursuite du soutien des institutions financières et bancaires nationales des pays membres pour assurer la stabilité financière, le développement des législations et l’assurance d’une meilleure coopération entre les secteurs banquiers et financiers des pays arabes et les autorités de contrôle et de surveillance, et enfin le renforcement du rôle des institutions financières arabes dans la coordination des politiques financières des pays membres.
Toutefois, et pour tirer la meilleure partie de l’ensemble de ces mécanismes, la Tunisie aura besoin:
1/ de créer et de pérenniser un climat des affaires de classe internationale garantissant une plus grande attractivité des Investissements Directs Etrangers et surtout Arabes et ce par l’adoption des réformes adéquates des législations nationales.
Il s’agit entre autres d’élaborer un programme cohérent de réformes et de prendre des mesures pour la promotion de l'investissement, pour le renforcement des institutions et des marchés financiers de façon à créer beaucoup plus d'opportunités.
Il s’agit également de l’élaboration de la loi-cadre de partenariat public-privé et du décret relatif à l’identification des programmes du fonds de l’emploi, de la facilitation des procédures administratives et l’amélioration du climat d’affaires, la consolidation des fondements du contrôle administratif et financier et le renforcement des procédures ayant trait à la couverture des risques et au suivi des engagements bancaires.
2/ de veiller à ce que le nouveau Code des investissements, toujours en cours d’élaboration, puisse offrir aux investisseurs de meilleures conditions de travail, afin de provoquer un afflux des investissements étrangers et arabes, et de favoriser le développement de partenariats entre les secteurs public et privé.
3/ de renforcer la coopération, d’une part, avec le FADES, qui depuis l'année 1974, a mobilisé des financements d'environ 3,5 milliards de dinars qui ont ciblé différents secteurs vitaux (agriculture, barrages, infrastructure, autoroutes, pistes rurales, industrie, énergie…), et d’autre part, avec le groupe de la Banque Islamique du Développement (la BID) qui faut-il le rappeler est le responsable de la coordination entre les institutions financières internationales dans le cadre du Partenariat de Deauville annoncé en mai 2011 en France, et qui regroupe les pays membres du G8 et des partenaires régionaux (le Koweït, le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et la Turquie) ainsi que dix institutions financières internationales dont la BID, et vise à soutenir les pays arabes en transition à savoir l’Egypte, la Jordanie, la Libye, le Maroc, la Tunisie et le Yémen.
Notons, en passant que la BID n’a cessé d’être l’un des principaux partenaires de la Tunisie en matière de développement économique avec des financements fournis de l’ordre de 1,5 milliard de dollars US au profit de projets et à titre d’assistance technique, outre 1,3 milliard de dollars US pour le financement d’opérations de commerce extérieur venant de sa filiale la Société Internationale Islamique pour le Financement du Commerce, et des engagements à hauteur de 755 millions de dollars d’une autre filiale spécialisée dans l’assurance à l’investissement et la garantie des exportations.
Le mémorandum d'entente portant sur le partenariat stratégique entre la Tunisie et le groupe de la BID, signé en juin 2013 et s'étalant sur la période 2013-2015, pour une valeur dépassant 1200 millions de dollars (400 millions de dollars par an) constitue un modèle de la coopération possible avec le monde arabo-musulman.
4/ d’explorer les possibilités de tirer avantage de la finance islamique qui selon certaines estimations représente mille milliards de dollars sur le marché financier international, d’autant plus que certains pays arabo-musulmans dont les Emirats, le Qatar, le Koweït et l’Arabie Saoudite auraient exprimé leur intérêt pour y investir. Le projet consistant à faire de la Tunisie un centre régional de la finance islamique pour l’ensemble de l’Afrique du Nord devrait être sérieusement étudié car il pourrait permettre à la Tunisie de tirer profit de sa position stratégique au sein de la Méditerranée et de devenir de ce fait un pont entre l’Union Européenne et les économies de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne.
5/ de faire tous ses efforts pour attirer une part des 1500 milliards de dollars de richesse privée qui sont à capter dans les pays du Golfe, ce qui pourrait pallier au déficit des investissements étrangers directs dans les pays arabes qui ont chuté de 37% en 2011.
6/ d’élaborer enfin un plan d’action, assorti d’un mécanisme de mise en œuvre et de suivi pour la réalisation de l’ensemble de ces objectifs.
3/ Avec l’Afrique:
Bien qu’historiquement elle ait octroyé son nom au continent africain, la Tunisie indépendante a, en portant continuellement, son regard sur la Méditerranée, tourné presque totalement le dos à l’Afrique, aussi bien politiquement qu’économiquement.
Pourtant, sa situation géographique privilégiée au nord de ce continent qui à l’horizon 2030/2040 sera l’un des principaux moteurs de la croissance du monde, la place au cœur de trois importantes régions qui partagent le même intérêt à coopérer les unes avec les autres.
Ayant, par le passé, constitué un pont entre l’Afrique, le Monde Arabe et l’Europe, ce sera une vraie chance pour la Tunisie de renouer avec ce rôle, et de devenir un véritable centre d’activités pour ces trois régions.
Parallèlement, et à un moment où l’Afrique cherche, elle aussi, la diversification de ses partenaires, la Tunisie doit tirer profit des opportunités d’échanges bien réelles que le continent offre tant pour son commerce extérieur, que pour son expertise et son savoir-faire.
Les industries de transformation, l’infrastructure, l’immobilier, l’agriculture, le tourisme, la santé et l’éducation sont, entre autres, autant de secteurs où les besoins africains sont grands, et l’expérience tunisienne est précieuse et appréciée.
- Toutefois et à l’atout des services à moindre coût que les entreprises tunisiennes peuvent offrir aux pays africains, la Tunisie aura besoin:
- tout d’abord d’être convaincue que son destin est lié à celui de son continent, et d’avoir la volonté politique de s’arrimer à l’Afrique.
- de remédier au manque de visibilité des perspectives prometteuses d’une relation de coopération Tuniso-africaine, dû à sa méconnaissance chronique du continent, de ses ressources, de ses besoins et des opportunités qu’il recèle.
- de prendre les mesures nécessaires pour renforcer sa présence en Afrique tant sur le plan bilatéral que multilatéral (institutions africaines).
- de développer ses rapports de coopération avec les pays africains, à travers deux canaux : tout d’abord le canal des relations bilatérales. Ensuite, par le canal de la coopération tripartite et / ou multilatérale, et ce à travers les organisations régionales et sous régionales africaines.
- de même, il faut que l’Etat montre la voie et accompagne les entreprises tunisiennes pour aller en Afrique.
- enfin et plus généralement, d’avoir une politique africaine cohérente, durable, globale, et fondée sur les valeurs de la complémentarité et du développement solidaire.
En conclusion, je dirai que tout en poursuivant de cultiver ses liens solides et particuliers d’amitié et de coopération avec la Méditerranée et l’union Européenne, la Tunisie de demain a besoin d’un triple couplage avec ses zones d’appartenance Maghrébine, Arabo-musulmane et Africaine.
Cette question doit être l’un des principaux thèmes d’un débat national qui doit nécessairement s’ouvrir avec la participation de l’ensemble des forces vives de la Tunisie (partis politiques et surtout société civile), en vue de mettre en place un nouveau projet de société porteur d’espoir et à travers duquel les aspirations portées par la «révolution du 14 Janvier 2011» pourraient être concrétisées.
Ce débat est d’autant plus urgent que les attitudes de perplexité, d’hésitation et d’attentisme commencent à peser lourdement sur le devenir de la «révolution» et risquent de compromettre les espoirs si grands et si nobles mis en elle.
Un tel aboutissement ne sera pas digne de la Tunisie qui a beaucoup de potentiel, et des tunisiens qui savent être ambitieux, courageux, créatifs et proactifs.
Mohamed Ibrahim Hsairi
Ancien Ambassadeur