Une alliance tuniso-française pour le Numérique est-elle envisageable ?
Lundi 16 juin dernier se tenait au ministère de l’Économie et des Finances, une conférence importante sur l’état des lieux et les perspectives de l’alliance franco-tunisienne pour le numérique (AFTN). Une occasion de découvrir l’essor du numérique en Tunisie, les possibilités de collaborations entre opérateurs français et tunisiens et les synergies potentielles dans un contexte d’expansion internationale sur les régions d’Afrique et du Moyen-Orient.
Cette manifestation était placée sous la présidence des ministres tunisien et français chargés du numérique, et a été organisée conjointement par l’ambassade de Tunisie en France et le ministère français de l’Économie, du redressement productif et du numérique, avec le concours d’un certain nombre de partenaires, dont l’APII, CEPEX, CONECT France, FIPA, la DiMeD, Get’IT, UbiFrance, UTICA… dans le cadre de la 2ème semaine tunisienne en France (www.semaine-tunisienne.fr).
Madame Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat chargée du Numérique auprès du Ministre de l’Economie, du Redressement Productif et du Numérique, a présenté dans son allocution d’ouverture l’importance du numérique pour la France et son attachement à faire de ce secteur un axe de coopération entre la France et la Tunisie, dans la droite ligne des engagements de la Présidence de la République depuis 1 an. C’est dans ce contexte que la France participe en septembre prochain à la 9ème édition de l’ICT4all, en sa qualité d’invité d’honneur de la Tunisie, et Mme Lemaire a assuré qu’elle ferait personnellement le déplacement à Hammamet pour encourager l’AFTN.
La France sera également présente en octobre à la prochaine édition du GITEX à Dubai, conjointement et pour la première fois, avec la Tunisie. Il est annoncé que 6 alliances franco-tunisiennes devraient être représentées. Par ailleurs, une conférence internationale, ayant pour thème : «Investir en Tunisie: la Start-up pour la démocratie», coordonnée du côté français par M. Pierre Dusquesne, est prévue en septembre 2014, le numérique sera inclus dans l’Agenda. De nombreux acteurs publics et privée internationaux seront conviés à cet événement.
M. Jelassi, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Technologies de l’information et de la communication (TIC) s’est exprimé sur le devenir des relations franco-tunisiennes après le nouveau cap engagé par le président M. François Hollande lors de sa visite officielle à Tunis en juillet dernier.
L’enjeu actuel est de créer une véritable culture numérique dans la région méditerranéenne ainsi qu’avec la zone MENA et l’Afrique subsaharienne. C’est aussi de créer un levier de valeur pour la création d’emploi. Dans le cadre de cette alliance, une trentaine de contrats ont déjà été signés et on en attend une vingtaine d’autre d’ici à la fin de l’année. M. Jelassi s’est aussi dit conscient des fractures et des carences de l’économie numérique, des 214 000 chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur et des 10 700 sans emploi dans la seule filière numérique. Il a rappelé que si 85% du territoire tunisien était déjà couvert par un réseau, 15% restait encore soumis à des difficultés géographiques et techniques d’ampleur.
Mustapha Mezghani, chargé de mission auprès du ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et des TIC a partagé ensuite la vision Tunisie Digitale 2018, dans la continuité du discours engagé par M. Jelassi. L’enjeu était de rendre compréhensif et transparent les méthodes utilisées pour faire de la Tunisie une référence numérique internationale. Tunisie digitale ? Ce sont 4 axes de coopération avec la France qui concernent aussi bien les infrastructures et les usages, que l’e-business et le secteur public. De la mise en œuvre du très haut débit jusqu’à l’e-éducation et l’e-culture, sans épargner le tourisme, la santé, le gouvernement et les collectivités, une véritable assise numérique est en train de se mettre en page et de s’adapter aux nouvelles formes de communication.
Les axes de coopération évoqués par la partie tunisienne sont à ce stade des têtes de chapitres. En effet, il reste à cadrer les besoins, identifier les maîtrises d’ouvrages, trouver les financements des projets, réaliser les cahiers des charges et lancer les appels d’offres, avant de sélectionner les maîtrises d’œuvres. Un vaste chantier, que le prochain gouvernement tunisien devra continuer de bâtir, en gardant les mêmes priorités, sauf celles qui pourraient faire l’objet d’un traitement de gré à gré avant même la fin de l’année, dans le cadre d’un PPP (Partenariat Public Privé).
Tunisie Digitale ne fut pas la seule annonce de la matinée. Elodie Servent, adjointe en charge du Numérique à la DiMed – Délégation Interministérielle à la Méditerranée – a présenté le site internet www.alliance-numerique.org de l’AFTN, et a procédé à son lancement devant l’assemblée.
Dans le cadre d’une table ronde animée par Mounir Beltaifa Président de CONECT France et Président de Bridgers One, des professionnels français des TICs ont partagé leur vision des meilleures pratiques de gestion relatives à des chantiers structurants pour le redressement de la Tunisie. Ainsi :
- Eric Bignand – Associé Secteur Public – Atos – a commenté la révolution qu’a connu la gestion des finances publiques en France et a insisté sur le fait qu’il s’agit bien plus d’un programme de transformation porté par une loi (LOLF) que d’un projet informatique. A l’image de ce qu’a vécu la France depuis une décade, en Tunisie aussi, la maîtrise des recettes et des dépenses de l’état passerait nécessairement par une gestion harmonisée, intégrée et partagée par les acteurs de la fonction publique et ce avec une exigence d’efficacité et en toute transparence.
- Claude Baradat – Directeur Secteur Public – CGI – a évoqué la réforme territoriale en France et a partagé les meilleures pratiques de gestion dans les collectivités territoriales tout en insistant sur le fait que la configuration des collectivités en Tunisie est plus simple et donc plus facile à organiser sur une période qui irait progressivement de 5 à 10 ans au gré de la maturité du projet tunisien de décentralisation.
- Alain Ducass – Directeur Economie Numérique – ADETEF – a posé les fondements d’une gestion intégrée des Citoyens autour de l’identité numérique.
- Emmanuel Michaud – Directeur des Services de Confiance à l’Imprimerie Nationale a évoqué les meilleures pratiques et les démarches et outils permettant une gestion sécurisée des documents officiels dans le cadre de l’approche de gestion de l’identité numérique.
- Christian Jean – Directeur Recherche & Innovation – Oxia – a pour ce qui concerne les challenges numériques du secteur privé présenté la situation des PMEs tunisiennes (majoritairement des TPE) dont seulement 2/1000 sont gérées grâce à un ERP (entreprise ressource planning). Les PMEs tunisiennes ont besoin d’être encouragées à adopter les TICs pour leur gestion administrative et financière. Pour certaines, croissance et fusion seront nécessaire afin d’atteindre une masse plus étendue.
- Mongi Zidi – Président – Archimed – a pour sa part expliqué l’importance de la dématérialisation comme réservoir d’efficacité opérationnelle et a focalisé son allocution sur la gestion électronique des correspondances dans le secteur public.
Ces sujets stratégiques pour le redressement économique de la Tunisie, sont non seulement prioritaires mais ils sont aussi rentables. Les opérateurs français étant désormais disposés à coopérer, il n’y a plus qu’à préparer les projets et à trouver les partenaires tunisiens appropriés pour en réussir la réalisation, pour que cette alliance franco-tunisienne pour le numérique soit un succès.
Après les signatures de 5 nouvelles alliances franco-tunisiennes pour le numérique, Raphael Bello – Chef du Service des Affaires Bilatérales et de l’Internationalisation des Entreprises à la Direction Générale du Trésor – et Nathalie Pilhes – Secrétaire Générale de la DiMed – ont dévoilé leurs visions du chemin parcouru par l’AFTN et de ses perspectives d’avenir.
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