Mansour Moalla: Quel gouvernement pour demain ?
Nous avons une constitution, une loi électorale et une Isie, malgré les difficultés rencontrées pour y parvenir et les insuffisances constatées.
La prochaine épreuve réside dans les élections législatives et présidentielles auxquelles il aurait fallu ajouter des élections municipales étant donné la défaillance extrême des «représentations spéciales provisoires devenues des machines électorales au «profit» du parti «majoritaire».
Quel peut être l’objectif de ces élections ?
On est unanime aujourd’hui à dire et à répéter qu’il faut sauver le pays pour qu’il puisse faire face au terrorisme, rétablir la sécurité, l’ordre, la discipline et l’autorité de l’Etat, relancer la croissance économique, développer les investissements, réduire le chômage, créer des emplois, limiter les déficits du budget et de la balance des paiements, réformer le système éducatif ainsi que le domaine financier et bancaire, sans compter les problèmes concernant des secteurs spécifiques comme l’agriculture, l’industrie et le tourisme.
Il ne s’agit donc pas de sauver ou de faire triompher tel ou tel parti politique qui ne pourra pas à lui seul réaliser de tels objectifs, ses adversaires, les «vaincus», ne le laisseront pas faire. Il n’y a pas lieu donc d’aborder les élections en termes de combat, auquel cas on ne pourra qu’aggraver la crise qui dure depuis bientôt quatre ans.
Il faut les aborder, au contraire, en patriotes sincères soucieux de contribuer efficacement au redressement du pays. Pour ce faire, la nécessité s’impose à tous les responsables du domaine politique et de la société civile «d’oublier» les objectifs partisans ainsi que les intérêts particuliers des individus et des groupes et surtout leurs conceptions idéologiques, philosophiques ou religieuses ou autres.
Un grand problème divise le pays depuis des années. Il s’agit de ce qu’on appelle «l’islamisme», de la confusion entre religion et politique et de l’exploitation de l’Islam à des fins politiciennes.
Ce problème a connu un drame qui a duré une dizaine d’années et dont les traces sont encore présentes. La Syrie, elle, vit un drame on ne peut plus violent et le pays est détruit par de nombreuses années de guerre civile. L’Irak vit une confrontation violente entre factions religieuses et se trouve dans un état de décomposition. L’Egypte a décidé d’éradiquer par tous les moyens et dans le drame «l’islamisme» le plus ancien. Le voisin libyen est devenu le refuge du terrorisme islamiste qui est combattu comme tel par une fraction de l’Armée. L’Arabie Saoudite, menacée, accuse les islamistes de «terroristes» qu’il faut combattre. Une crise profonde que ces pays mettront du temps à surmonter, à la grande satisfaction du «gendarme» israélien.
Nous ne pouvons échapper à une pareille évolution catastrophique qu’en décidant une fois pour toutes, et tous ensemble, de respecter notre religion depuis des siècles, l’Islam, et de la protéger contre les débordements des combats politiques qui ne peuvent que dégrader le sentiment religieux et éloigner de l’Islam une population fidèle à ses traditions et naturellement hostile à la terreur des extrémistes violents.
L’un des deux grands partis dominant la scène politique doit devenir un vrai parti démocratique, tolérant, ne se réclamant plus tout seul de l’Islam, laissant ainsi entendre que tous ceux qui ne sont pas «islamistes» sont hostiles à l’Islam, ce qui est un abus devenu intolérable. Pour ce parti, il s’agit d’une vraie reconversion, une évolution inévitable pour éviter la marginalisation et la disparition comme les partis idéologiques, communistes notamment, qui n’existent pratiquement plus. Des signes encourageants sont constatés dans ce sens depuis quelque temps. On espère que ce n’est pas pour «plaire» à l’opinion et préparer les élections. Le double langage ne doit plus exister. La sincérité du propos doit être évidente et totale. J’avais à la veille des élections d’octobre 2011, dans une interview au Journal Le Maghreb du 20 octobre 2011, conseillé au mouvement Ennahdha de «ne pas penser à l’exercice du pouvoir» étant donné leur manque d’expérience et pour éviter l’échec. Aujourd’hui je leur recommande de devenir un vrai parti politique pour éviter le déclin.
Le second parti politique dominant a été considéré dès le départ comme le champion de l’union nationale. Il a joué un rôle important dans la création et le fonctionnement du Front du salut qui a pu regrouper à un moment décisif les partis non islamistes. Ce regroupement a contribué au changement de gouvernement à l’établissement de la constitution, de la loi électorale et à l’ouverture vers des élections présidentielles et législatives. Son chef avait déclaré à plusieurs reprises qu’il plaçait l’intérêt du pays avant l’intérêt du parti. Et maintenant, c’est l’inverse qui se produit : l’intérêt du parti avant tout. Un de ses principaux alliés, le Front populaire, fait de même. «L’Union pour la Tunisie» ne réunit plus que les anciens alliés de Nida Tounès, déçus par ce changement brutal. Et nous voilà revenus à la situation d’avant les élections de 2011 où le camp dit démocratique va se présenter pleinement désuni et tout peut arriver, y compris la défaite.
Si le parti «islamiste» doit aujourd’hui avoir le courage de se reconvertir en parti conservateur démocratique et ne plus mélanger religion et politique, les partis non islamistes doivent se regrouper et s’entendre et ne plus tout faire dépendre de ce malheureux fauteuil de «président». Ils sont capables de le faire et ils doivent le faire, sinon ils risquent de décevoir tous ceux qui comptaient sur eux pour équilibrer la scène politique et éviter les hostilités et les confrontations dans la conjoncture actuelle. Ils ont le devoir de contribuer à cette vraie union nationale, la seule susceptible de sauver le pays.
Et en effet, le gouvernement de demain ne peut être qu’un gouvernement d’union nationale avec un programme définissant les objectifs essentiels à atteindre, objectifs d’ordre économique et social principalement et unanimement reconnus et acceptés. Tout gouvernement partisan ne peut qu’échouer à l’heure actuelle et exposer le pays à tous les dangers. C’est ce que nombre de pays parmi les plus imposants ont décidé après des évènements exceptionnels (guerre ou révolution) ou simplement pour améliorer les performances du pays comme aujourd’hui en Allemagne, pays devenu la principale puissance de l’Union européenne grâce à une discipline nationale exemplaire.
Puissent les personnalités responsables aujourd’hui de l’avenir du pays s’inspirer de cet exemple et être à la hauteur de la situation.
Je viens de prendre connaissance de l’initiative du mouvement islamiste proposant une entente sur un candidat commun à l’élection présidentielle. On attendra d’avoir plus d’informations à ce sujet avant de se prononcer. Il est cependant évident que c’est un pas – pas encore très clair – en vue de l’adoption de la formule de l’union nationale. Mais, car il y a un mais important, il faut au préalable résoudre le problème de l’islamisme et de la confusion entre religion et politique, comme indiqué dans les développements qui précèdent. Ce problème constitue un obstacle majeur à toute entente qui risque dans ce cas de n’être qu’une simple manœuvre politicienne. Il faut donc avoir le courage d’aborder ce problème, d’en finir avec la confusion qui nous a conduits à la situation actuelle, pour pouvoir envisager l’avenir et constituer une union nationale solide, à l’abri des controverses et des pièges et œuvrer à la sauvegarde du pays, à la prospérité de son économie et au bonheur de ses habitants.
Mansour Moalla
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Candidat commun aux présidentielles signifie le peuple continue à subir au lieu d'exercer son droit au vote. Donc pas de consensus, le peuple choisira par le vote.
Pourquoi M. Moalla propose cette union nationale sachant que ces islamistes n’abandonneront jamais leur idéologie du califat et la mort de l’Etat-Nation.
mr Moalla recommande un gouvernement d union nationale.Ne vous faites pas d illusions,tant qu il y aura un seul ministre nahdhaoui dans le gouvernement la tunisie n aura aucune aide de l etranger.ce message est clair de la part des occidentaux comme des emirats ou de l arabie saoudite.je ne parle pas des cacahuettes qu on nous a donne jusque la.
Merci Si Mansour pour vos analyses et espérons que nos hommes politiques se raisonnent et écoutent leur conscience pour éviter à notre pays le désordre et l'anarchie
Recommandations et conseils intéressants et sages. Ce serait intéressant de savoir si et comment les partis cités vont y réagir.
Merci si Mansour,depuis longtemps vous aviez réclamé un Gouvernement d'union Nationale; si nous n'avons pas encore avancé dans tous les domaines, c'est parceque personne des responsables dans le Gouvernement n'a pris l'initiative pour évoquer cette proposirion; pourtant c'est l'idéal pour réunir toute la classe politique afin de penser sérieusement à l'avenir de la Tunisie tout en respectant l'avis des citoyens et d'approcher les idées qui rassemblent le peuple avec toutes sincérités. Hélas, si la majorité des individus ont les memes pensées; celà prendra beaucoup de temps car, il faudrait changer les esprits qui ne sont pas encore prets pour accepter le changement dans le bon sens.
Et si on laissait les ideologies de cotés, Monsieur Moalla, on verrait que la Tunisie depuis l´Antiquité, le temps des peuples est trés long, ressemble á la Grèce ou l´Italie(Rome) ou le liban, les trois pays lequels depuis l´Antiqité ont gardés un certain "regionalisme", cela existe encore comme on le voit dans les autres pays, et la Tuniusie ne fait pas d´exception.Alors un gouvernement d´Union national ca demande un esprit bien creatif. Je pense qu´il faut quitter ses pièges douteuses et affronter la realité comme elle est. La haine est mauvaise conseillère, si on aime pas Ennahda, faites comme les labanais qui disent(Iasbuallah) est tout de même fait de libanais. Máis le liban est réellement divisé en region. exactement comme pendant l´ Antiquité ou Presque. Peut être faudrait-il un gouvernement d´Union nationale special, avec un (nationalisme faible)régionales.