Hommage Amor Belkhiria ou La Presse au temps de sa splendeur
Est-ce être triomphaliste que d’affirmer que sous la férule d’Amor Belkhiria qui vient de nous quitter pour un monde meilleur, la Presse de Tunisie atteignit son apogée.
Entouré d’une pléiade de chevaliers et de chevalières de la plume, Si Amor mena sa barque, treize ans durant, à bon port. J’ai eu l’honneur de faire partie de cet équipage tout au long des mille jours que j’avais égrenés dans ce cocon douillet de la rue Bach- Hamba.
En ce temps là, c'est-à-dire il ya quarante ans, on embrassait la profession de journaliste par vocation. On naît journaliste, avais-je écrit dans un livre dédié à mon journal culte, on ne le devient pas.
C’est à mon humble avis, la raison pour laquelle la rédaction de la Presse compta parmi ses rangs de très belles plumes. Oyez donc : Youssef Essedik, Hédi Grioui, Mohamed Mahfoudh, Meriem Badri, Alia Bouhdiba, Abdelaziz Dahmeni…
Le mérite de Si Amor était justement d’avoir regroupé autour de lui de telles individualités aussi brillantes les unes que les autres et d’avoir créé entre elles un faisceau de liens solides.
A la maison de la Presse, il y avait bien un esprit de famille. Appartenir à la Presse à cette époque s’apparentait à un sacerdoce. On ne badinait pas, Monsieur, avec les règles du métier, forgées par nos ainés, les Sadok Zmerli, Mahmoud Aslan, Chedly Ben Abdallah et les autres.
Amor Belkhiria, homme de lettres et ancien professeur à Sadiki, avait à cœur à perpétuer les valeurs du labeur, de la droiture et surtout du respect du lectorat.
La-dessus, il était ferme et n’autorisait aucune entorse. En même temps, il était fort respectueux de l’espace de liberté dont nous bénéficions. Je n’ai pas souvenir qu’il ait retiré un seul mot de l’un de mes articles. J’étais à l’époque chef du service économique et je traitais en priorité des problèmes internationaux : monnaie, pétrole, matières premières, commerce international, etc.
Il m’invita souvent à me pencher aussi sur des sujets nationaux. Je lui indiquais que j’allais probablement effaroucher certains en parlant de choses qui fâchent.
Après tout, le journal est, de jure, un organe du gouvernement. Il balayait d’un geste ces réserves. Je me suis donc mis à l’ouvrage et aussitôt, ce que je pressentais arriva : des remontrances de la part de ceux qui se sentaient morveux. Mais Si Amor, tel un bon père de famille, me mettait à l’abri des empêcheurs de clamer la vérité et m’exhortait à persévérer dans une œuvre qu’il considérait comme étant exaltante.
Lui, qui m’avait précédé sur le chemin du militantisme au sein de l’UGET- il était chargé précisément des affaires syndicales dans le sixième bureau exécutif (1958-1959)- était foncièrement un patriote pour qui le sens de l’intérêt général et de la défense du citoyen avait la primauté sur toute autre considération.
Ci-gît le profil d’un patron de presse en Tunisie de 1968 à 1981, né en 1936 et décédé en 2014.
Paix à son âme
Aïssa Baccouche (Ibn Hichem)
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