Un grand patron nous a quittés : A l'école de «Si Amor»…
Amor Belkheria fait partie de cette génération de pionniers de la Tunisie indépendante , qui ont posé les premiers jalons sur la voie du progrès.
Pour lui , le destin avait choisi un journal. Pas n’importe lequel…. «La Presse de Tunisie», une vénérable institution de presse, en perdition . Il en avait fait le premier journal moderne de Tunisie , y a créé une pépinière de journalistes de talent et a laissé, dans ses mûrs et chez ses hommes, des traces indélébiles .
Si Amor fut un patron, un journaliste et un homme d’une trempe exceptionnelle…. Un «Kmach» de la grande et belle époque de la Tunisie bourguibienne.
Le patron qu’il était, avait une autorité naturelle, un sens de l’écoute, une proximité des hommes et une bienveillance imperturbable ….Grâce à ces qualités humaines indéniables il a su sauver «la Presse» du gouffre au bord duquel l’avait placé son fondateur Henri Smadja, avant de l’abandonner, à la fin des années soixante. Il l’a reconstruite , refaçonnée pour en faire en quelques mois le premier journal moderne du pays….Il a créé la «société nouvelle d’impression et de presse et d’édition» (SNIPE) et en a fait la première institution de presse en Tunisie où le journaliste et l’employé sont actionnaires.
Le Journaliste qu’il était , s’apparentait plus à l’artisan qu’au technocrate high tech. Le destin l’avait conduit au métier du journalisme, après un début de carrière diplomatique prometteur, Il en avait fait un sacerdoce et une activité passionnante exaltante et attractive.
Chasseur de jeunes compétences, jusque sur les bancs de l’université, il s’était acharné de prendre la relève des hommes de Smadja , partis avec lui… Il avait réussi à créer une pépinière de jeunes talents, à y insuffler ferveur et passion.
C’était lui le fondateur de «l’école de La Presse», lui «l’homme du parti unique» qui avait su adopter l’esprit du journalisme moderne, fait de rigueur , de diversité et de tolérance… Il encourageait l’innovation, déléguait, faisait confiance et cultivait l’esprit de contradiction . Quand son rédacteur en chef prenait la défense de Sadate après la visite historique d’Elqods sous le titre «réponse à ceux qui disent non» et que son adjoint à côté, à la Une, pourfendait «Le traitre de la nation arabe», Si Amor savourait la plume des «contradicteurs en chef», dans un journal, pourtant censé être le «porte parole du gouvernement»!
Il fut un patron de presse protecteur pour ses poulains face à l’ire du pouvoir …. Elizabeth Badi, s’en était souvenue jusqu'à sa mort , quand le pouvoir exigeait «sa tête» après la publication d’un document «top secret» (en manchette et à la une , SVP) sur le litige du plateau continental avec la Libye. «Je partirais avant elle » fut la réponse dissuasive de Si Amor.
Chez l’homme, la rondeur et la bonhommie cachaient une quête implacable de la rigueur et du travail bien fait. Avec le sens du partage et du don de soi.
Il ne ratait pas une occasion pour mettre un de ses journalistes en contact avec le grand Bourguiba «afin d’apprendre…. et de saisir le sens de l’histoire» Il savait écouter, conseiller, répondre et rassurer…. Il avait formé une génération de journalistes, en esprit d’équipe ; en avait fait des noms brillants, des plumes talentueuses et une famille à toutes épreuves .
La bonne nature et le bon sens se rejoignaient bien dans sa singulière démarche patronale.
Si Amor fut mon premier et dernier patron: un vrai, celui qui te prend par la main, qui te montre le chemin, et qui ne te veux que du bien ... Je lui dois reconnaissance et gratitude.
Paix à son âme.
Slah Maaoui
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