Opinions - 22.07.2014

Djerba, une voie de sortie de la crise des déchets

Lettre à mes amis concitoyens de Djerba,

J'ose espérer que vous allez bien malgré la chaleur estivale et les détritus qui vous entourent. C'est déplorable. Bien que l’engagement d’une majorité de citoyens qui sont de bonne foi soit évident, on a quand même l'impression que certains activistes jettent de l'huile sur le feu au lieu de s’associer aux bonnes volontés afin d’aborder la crise de manière raisonnable.

Cette crise peut être le catalyseur de l’émergence d’un nouveau mode de gestion durable des déchets et d‘un nouveau comportement de chacun face au problème des déchets.

«Tout d’abord, c’est à chaque citoyen de gérer ses propres ordures»

Chacun de nous est responsable de la détérioration de la situation, les déchets ne viennent pas d’ailleurs, ce sont les nôtres. Leur gestion est d’abord  notre affaire, celle de l’île de Djerba, de ses habitants, de ses collectivités locales, du secteur privé (en particuliers touristique et para- touristique)  de l’ANGED (Agence Nationale de Gestion des Déchets) et en fin de parcours de l’Etat.

«Mettre  l’état en première ligne, c’est inverser les rôles»

Dans la gestion des déchets, l’expérience et les études montrent que sans  la participation active des citoyens, la gestion des déchets devient compliquée et très coûteuse (mécanisation et consommation d’énergie à outrance) et ne profite qu’aux intermédiaires parasites. Les réussites connues, dans des pays comparables à la Tunisie, s’inspirent du principe des 3 R (Réduire, Réutiliser, Recycler) (1)

Tri sélectif à la source et communication participative

À la base du recyclage, il y a le tri sélectif à la source (maison, café, restaurant, hôtel…) qui nécessite la participation active de tous, à commencer par les ménages dont le rôle est primordial dans la chaîne de valorisation des déchets. Leur adhésion, indispensable à la réussite du projet, pourrait être soutenue par un plan de communication participative. Ce plan, à moyen et à long terme,  comprend un ensemble d’actions à élaborer en commun, au niveau des  quartiers d’habitation et des écoles, par les acteurs concernés.

Réduction du volume des déchets et limitation des nuisances

Après valorisation par recyclage de la fraction récupérable (plastiques, verres, papiers/cartons, métaux/canettes) et par compostage des déchets organiques (restes alimentaires et déchets végétaux) il devient possible de réduire le volume des déchets de moitié, dans à une première étape, puis de 2/3dans une étape ultérieure. A long terme, il ne resterait par conséquent qu’un tiers de déchets restants à enfouir dans la décharge.
Les nuisances d’une décharge proviennent, hormis la mauvaise gestion, des lixiviats (liquides  issus des ordures humides) et des gaz (liés aussi au degré d’humidité  des déchets). En stabilisant les déchets ultimes (le dernier tiers), par séchage, il devient alors possible d’agir sur l’origine des nuisances et de les limiter considérablement.

Localisation des installations

Quel que soit le choix  effectué, il aura des impacts sur l’environnement, qu’il s’agit de maîtriser et de minimiser  au maximum. Le transfert de nos déchets en dehors de l’île n’est pas une solution, car il est :

  • non durable et risqué
  • injuste vis à vis d’autres compatriotes, riverains d’autres décharges.
  • économiquement insoutenable

Du point de vue géologique et foncier, la décharge de Guellala présente de nombreux avantages mais également un inconvénient majeur, à savoir la proximité de l’habitat  qui exige de prendre de  sérieuses mesures préventives pour la limitation des émissions notamment olfactives (mauvaises odeurs).
La réhabilitation de cette décharge doit être envisagée dans une optique de développement insulaire durable et solidaire, tenant compte de l’intérêt général de Djerba et en particulier,  celui  des riverains directement concernés. Sur le plan administratif, l’île devrait évoluer vers un statut d’une seule collectivité territoriale et fiscale(2), de manière à pouvoir distribuer les charges et les profits de façon équitable pour tous les habitants.

Recommandations

  • S’éloigner au préalable des «apprentis sorciers», politiciens de tout bords, activistes  et autres prophètes «détenteurs de  solutions miracles», cherchant à instrumentaliser cette affaire.
  • Confier  la direction du projet à un comité de pilotage (avec appui international si nécessaire), assisté par un comité de sages, composé pour moitié par des représentants  de Guellala et pour l’autre moitié, des représentants du reste de l’île.
  • Mettre à pied d’œuvre  un comité d’éthique composé de notoriétés médicales pour définir les préjudices sanitaires éventuels subis par les riverains ainsi que pour mettre sur pied un programme de soins médicaux et de prise en charge si besoin.
  •   Pour l’enfouissement provisoire: utiliser les décharges temporaires  d’Aghir pour la partie Est de l’île et  d’Ajim pour la partie Ouest.
  • En parallèle, rouvrir la décharge de Guellala pour engager les travaux préparatoires à  l’enfouissement des déchets, qui doivent être stabilisés  le plus rapidement possible.
  • Cela nécessite  la construction des unités nécessaires à cet effet :installation(s) de tri, de compostage, de stabilisation. Le programme précis des travaux à entreprendre est du ressort du comité de pilotage.
  • Les problèmes engendrés par l’emploi inconsidéré de la force contre les manifestants doivent être traités séparément. Reconnaître les erreurs passées, réparer les fautes commises sont indispensables pour apaiser les tensions, engager un dialogue et surmonter ainsi les blocages actuels. Les riverains directement affectés par les éventuelles nuisances, qui demeureront après strictes réductions, doivent être  intégrés dans un  plan de compensation/indemnisation.

Fondamentalement, les différends sont à traiter par le dialogue, la gestion de crise doit être «professionnalisée» et déléguée à des gestionnaires spécialisés, sous le contrôle du comité de pilotage

Abdelhamid Ghribi, Urbaniste 
Directeur technique retraité,
de la commune de Djerba/Houmt-Souk.

(1) Selon wikipedia :
Réduire, regroupe les actions au niveau de la production pour réduire les tonnages d'objets (par exemple les emballages) susceptibles de finir en déchet.
Réutiliser, regroupe les actions permettant de réemployer un produit usagé pour lui donner une deuxième vie, pour un usage identique ou différent.
Recycler, désigne l'ensemble des opérations de collecte et traitement des déchets permettant de réintroduire dans un cycle de fabrication les matériaux qui constituaient le déchet.

(2) Actuellement, il y a trois collectivités locales : Houmt-Souk, Midoun et Ajim aux ressources fiscales très déséquilibrées.

 

Tags : ANGED   Djerba  
Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
3 Commentaires
Les Commentaires
yahiaouio - 22-07-2014 14:04

ce qui serait bien c'est de voir comment produire de l'energie avec tous ces dechets comme on fait en france , l'investissement est certainement cher mais peut etre rentable !!!bonne chance , vous avez du travail

LABIEDH - 23-07-2014 15:29

M. Ghribi, de quelle planète débarquez vous ? Vous osez dire clairement et sans détours à des tunisiens qu'ils sont responsables, qu'ils doivent s'impliquer et faire un effort est bien la preuve que vous venez de.... de je ne sais où.

AMBO37 - 23-07-2014 19:03

Je suis natif de Djerba : j'aimerais savoir ce que les urbanistes , les ingénieurs , les responsables du Gouvernorat , les maires ,les fonctionnaires de notre ile ont fait ou pas fait pour que notre ile soit devenue aussi impersonnelles et aussi moches.Il n'y a pas que les déchets : il y'a aussi toutes ces constructions sans autorisation qui me font mal au coeur car c'est fait dans une totale anarchie. Et les hotels : ont-ils une ame ?

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.