News - 10.08.2014
Ce qui manquera à la conférence des ambassadeurs cette année
Ambassadeurs et Consuls généraux de Tunisie seront dès ce lundi 11 août en conclave pour deux jours. Leur conférence annuelle, la première qui se tient sous le gouvernement Mehdi Jomaa, est placée sous le signe de la sécurité et du redressement, contexte oblige. Après une cérémonie d’ouverture au palais de Carthage, les travaux, présidés par le ministre des Affaires étrangères, au siège du département, entreront dans le vif du sujet. Tout y passera, sauf la communication. Dommage.
Plusieurs membres du gouvernement ainsi que la présidente de l’UTICA et les PDG du CEPEX et de la FIPA plancheront devant les chefs de postes diplomatiques et consulaires. Après l’exposé général de Mongi Hamdi, le ministre de l’intérieur, Lotfi Ben Jeddou traitera de la sécurité. Tawfik Jelassi, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Tics parlera des étudiants tunisiens à l’étranger, mais aussi des opportunités de coopération scientifique et technologique. Noureddine Ben Zekri, secrétaire d’Etat du Développement et de la Coopération internationale évoquera la conférence de Tunis pour l’investissement extérieur, prévue en septembre prochain. Jalloul Ayed, candidat de la Tunisie à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD), expliquera sa vision pour la BAD, sans oublier nombre d’autres communications et ateliers thématisés.
Mais...
Un programme soigneusement concocté sous la supervision directe du ministre Hamdi qui a voulu redonner à cette conférence annuelle tout son intérêt pour chacun des participants qu’ils soient membres du gouvernement, hauts fonctionnaires dans les ministères concernés ou diplomates en poste à l’étranger. Un seul regret, cependant, l’absence de la thématique communication du programme. Pourtant, Mongi Hamdi qui est acquis à cette cause, fort de sa longue expérience au sein du système des Nations Unies, et a multiplié les initiatives pour renforcer le dispositif de communication du ministère (une bonne direction de l’information, un porte-parole, des briefings réguliers, etc.), n’est pas parvenu à lui consacrer une partie des travaux.
Alors que tous les clignotants sont au rouge et tous les fronts en alerte, nos diplomates se trouvent en première ligner pour livrer dans les capitales de leur accréditation cette décisive bataille de l’image et de la communication. Relayer auprès des médias les messages de Tunis et donner une image véridique de la Tunisie en guerre contre le terrorisme, déterminée à réussir les élections et relancer l’économie, montrer les potentialités de la Tunisie nouvelle et rallier le soutien en sa faveur exigent un travail soutenu de communication intelligente et harmonieuse.
En l’absence de structures dédiées à l’instar de l’ex-ATCE et de documentation fournie et à jour, que peuvent faire nos diplomates ? Mais, d’abord, y ont-ils été bien formés et constamment perfectionnés surtout en médiatraining? De quels moyens humains, matériels et financiers disposent-ils pour accomplir convenablement cette tâche essentielle? Charger un attaché de presse de lire les journaux, de découper les articles, de les traduire, de rédiger quelques notes et de les envoyer à la fin de la semaine par la valise diplomatique au Département est-il encore le plus approprié à l’ère de l’internet ? Demander à un ambassadeur s’il dispose d’une présentation actualisée du paysage médiatique riche de détails utiles sur les acteurs-clefs, d’une base de données à jour, textes et photos sur la Tunisie, de dossiers de presse institutionnels et thématiques et autres outils de base ? Demander lui, aussi, combien de journalistes a-t-il rencontré « longuement », d’interviews accordées, de participations effectuées dans des plateaux significatifs Radio et TV ? Il n’en a eu ni le temps, ni les moyens.
« C’est vrai, concèderont-ils. On doit s’en occuper sérieusement ». Quand ? Qui ? Et de quelle manière ? En livrant son « message », mardi en fin d’après-midi, juste avant la clôture des travaux par Mongi Hamdi, le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa ne pourra pas esquiver cette grande question.
La diplomatie tunisienne attend sa mue
Pour avoir visité cette année, nombre de capitales arabes et occidentales et vu de près nos diplomates à l’œuvre, Jomaa a certainement compris les modes opératoires et relevé les dysfonctionnements de l’ensemble du dispositif diplomatique. Ayant en plus résidé une vingtaine d’années à l’étranger, il a été certainement confronté à la réalité du Consulaire. Si les Affaires étrangères relèvent en termes d’attributions, selon l’article 11 de la petite constitution, de la cotutelle entre Carthage et la Kasbah (le Président nomme et limoge mais en accord avec le Chef du gouvernement), le travail (technique) au quotidien du Département est du ressort du ministre qui agit en étroite concertation avec le chef du gouvernement.
Tiraillé sous la Troïka, par des positions et décisions partisanes, le ministère, qui amorce à peine sa re-stabilisation et le retour du professionnalisme, attend impatiemment sa restructuration profonde, son renforcement substantiel et son redéploiement. Les quelques mois qui restent au gouvernement Jomaa doivent y être investis, pour ancrer de nouvelles traditions..
Taoufik Habaieb