Un statut privilégié pour la Tunisie dans l'Union européenne
À l'occasion de la tenue de la conférence des ambassadeurs, qu'il me soit permis d'adresser cet appel à notre diplomatie en ma qualité d'ancien collègue. En effet, même si je reste injustement tenu à l'écart de mon métier, je ne continuerai pas moins de m'y adonner informellement au nom de l'intérêt de notre pays, cause commune de tous les Tunisiens, du plus modeste citoyen au plus éminent des responsables du pays.
Cet appel est aussi un rappel; les diplomates chevronnés pourront témoigner de la véracité des faits qu'il remet en mémoire.
Il s'agit de la promesse ferme des plus hautes autorités européennes, alors que la Tunisie était encore sous le régime de la dictature, de lui octroyer tous les avantages de l'adhésion, à l'exclusion de la participation formelle aux institutions.
Qualifié de privilégié, un tel statut impliquait un saut qualitatif dans les rapports de la Tunisie avec l'union, supposant entre autres la liberté de mouvement des citoyens tunisiens.
Or, depuis la révolution, on ne parle plus d'un tel statut et on revient à la sempiternelle logique de fermeture des frontières aux mouvements humains sous un fallacieux régime de mobilité qui n'est que la consécration de l'immobilité humaine en faveur de la liberté totale pour les marchandises.
Pourquoi nos diplomates ne rappellent-ils pas à l'Europe ses promesses qui étaient fermes, faites au plus haut niveau ? Pourquoi ne pas charger les diplomates ayant obtenu cet engagement de le rappeler au souvenir des instances européennes et agir pour obtenir sa mise en oeuvre, assez avancée déjà sous le régime de Ben Ali?
Lé Tunisie postrévolutionnaire mérite-t-elle moins que du temps de la dictature ?
Il ne s'agit ici que de faits avérés, résultat de ce que pouvait faire notre diplomatie, même sous le régime de la dictature, car les compétences ne manquent pas aux Affaires étrangères quand le service de la patrie était encore la règle d'or avant le service des personnes. Est-ce toujours le cas ? Cette question est l'occasion privilégiée pour le prouver !
C'est qu'il ne faut pas nous leurrer ! Le salut de la Tunisie est dans son arrimage à la démocratie européenne, un système auquel elle est déjà liée économiquement et — qu'on le veuille ou non — idéologiquement, car s'imposant à elle géostratégiquement.
Aujourd'hui, il n'est qu'une parade au terrorisme rampant qui gagne les mentalités, détournant notre jeunesse de ce qu'elle sait faire le mieux : innover pour la vie; aussi s'ingénie-t-elle à inventer et réinventer la mort et les différentes façons de la donner et de se la donner.
Cette parade est la liberté de circulation dans un espace de démocratie en Méditerranée qui n'est qu'une fatalité; qu'il soit donc érigé aujourd'hui à la faveur du statut privilégié de la Tunisie ! Cela permettra pour le moins de faire l'économie de malheurs inévitables.
Mais attention; il ne s'agira pas pour nos diplomates d'une faveur à quémander ! c'est d'un droit qu'il est question, celui qui résulte d'une promesse ferme du statut privilégié précité, et aussi car c'est ce que commande l'intérêt des deux rives de la Méditerranée pour que la paix soit préservée en notre mer commune.
Avis donc à notre diplomatie en sa conférence annuelle. Qu'elle soit enfin celle du réveil de notre politique étrangère encore somnolente aux réalités de ce monde qui a trop changé et qui ne se satisfait plus des catégories de pensée et d'action dépassées d'un paradigme fini.
Vivement le statut privilégié de la Tunisie en Europe, comparable à celui de la Suisse, par exemple. Ainsi sauvegardera-t-on les chances de réussite du modèle tunisien, faisant de notre pays ce qu'il est en puissance, la Suisse du monde arabe musulman.
Farhat Othman