Une Iranienne, lauréate du Nobel des maths : les secrets de la réussite de l'école iranienne
La médaille Fields, le plus prestigieux prix en mathématiques souvent présenté comme le Nobel des maths, a été décernée le 13 aout dernier pour la première fois à une femme, lors du congrès international des mathématiques tenu à Seoul. Maryam Mirzakhani, iranienne naturalisée américaine, est l'heureuse lauréate de cette distinction. Elle partage ce prix avec trois autres mathématiciens qui sont Artur Avila, brésilien naturalisé Français; Manjul Bhargava, Canadien, d’origine Indienne et Martin Hairer, un Autrichien.
Née en 1977 à Téhéran (Iran), Maryam Mirzakhani entre dans l’histoire par la grande porte, celle de ses prédécesseurs persans El-Khawarizmi (l'inventeur de l'algèbre), Omar Khayyâm (résolution des équations du 3ème degré par la méthode graphique), Biruni, Toussi ou encore Kashani (son théorème en trigonométrie est étudié en classe de première sous le nom de théorème d'Al Kashi). Elle est actuellement professeure à la prestigieuse université de Stanford en Californie et a obtenu son doctorat à Harvard en 2004. Ses travaux se situent aux croisements de la géométrie hyperbolique, des systèmes dynamiques et de la topologie.
Mirzakhani est un pur produit du système éducatif iranien. Le destin a voulu qu’en Février 1998, juste avant les fêtes du nouvel an iranien, au mois de mars, les meilleurs étudiants en mathématiques de la prestigieuse université Sharif rentrent en bus d’une compétition inter-universitaire de mathématiques, organisée à Ahvaz, à 800 km au sud-ouest de Téhéran. Au milieu du trajet, le chauffeur perd soudainement le contrôle du bus et le véhicule s’écrase dans un ravin. Six étudiants périssent dans l'accident et parmi les survivants, grièvement blessée à la jambe, se trouvait Maryam Mirzakhani. Une chance pour les mathématiques.
La Médaille Fields
La médaille Fields est attribuée durant le «International Congress of Mathematicians» (ICM) qui se tient une fois tous les quatre ans sous les auspices de «l’International Mathematical Union» (IMU). La première médaille fut décernée au congrès d’Oslo en 1936.
Instituée sous l’initiative de John Fields, mathématicien Canadien, la médaille avait pour but non seulement de réparer l'oubli d'Alfred Nobel mais également de chercher à réunir la communauté mathématique, divisée par la première guerre mondiale, avec un prix qui ne tienne pas compte des nationalités. En 1920, lors de sa création, l'UMI avait en effet refusé d'accueillir des chercheurs des pays des Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, Bulgarie).
Les conditions d'attribution de la médaille Fields sont assez particulières. Elle n'est remise que tous les quatre ans, à quatre lauréats au maximum. Surtout, il faut avoir moins de 40 ans pour prétendre à cette prestigieuse récompense.
Figurant parmi les autres lauréats du prix Fields cette année, Artur Avila offre également au Brésil sa première médaille. « J’espère que mon parcours va donner aux jeunes l’envie de faire des maths » déclare Avila. « Quand j’étais étudiant à Rio, c’était l’une des filières les plus accessibles car peu demandée. Ce n’était pas une vraie carrière dans les esprits, tout le monde voulait être ingénieur, médecin ou avocat. En fait, je crois que la plupart des gens là-bas pensent que les mathématiques sont une discipline où tout est déjà achevé, défini et connu ». Loin de là bien sûr ! Avila est aujourd’hui directeur de recherche du CNRS à Paris.
Martin Hairer est, quant à lui, le premier Autrichien à recevoir ce prix. Ses travaux sont à la frontière entre les mathématiques et la physique théorique. Le père du lauréat, Ernst Hairer, professeur de mathématiques à l’Université de Genève ne cache pas sa fierté. Son fils s’est intéressé très jeune au domaine déjà exploré par son père. «Il me regardait, me demandait de lui expliquer ce que je faisais. Lorsque je lui répondais que c’était trop compliqué, il insistait !»
Détection et formation des élites
Les deux pays les plus récompensés par la médaille Fields sont la France avec onze médailles et les Etats-Unis avec douze. Plusieurs se sont penchés sur la réussite française. Certains évoquent les liens étroits entre recherche et enseignement, ainsi qu'un système de recrutement et d'évaluation vertueux dans les départements de mathématiques des universités. D’autres rappellent que les mécanismes de sélection des élites en France accordent aux mathématiques une place privilégiée. La multiplicité des compétitions mathématiques à tous les niveaux du primaire et du secondaire contribue également à déclencher les talents. Il est à signaler que la vaste majorité des lauréats Français sont issus du système des grandes écoles.
Une formation des élites explique également le succès foudroyant des mathématiques en Iran. Maryam Mirzakhani fut élève au Lycée Farzanegan de Téhéran, un pôle d’excellence dans un système dont le but est de repérer les élèves doués à travers des concours nationaux, au collège et au lycée. Les lauréats font alors leurs études dans des établissements spécifiques avec un programme beaucoup plus poussé que dans la filière classique. D’autre part, la concurrence est rude entre les écoles qui vantent leur nombre d’admis aux concours d’entrée aux universités, un concours ultra-sélectif. Pour étudier à l'université Sharif de Téhéran, il faut ainsi finir parmi les cent premiers sur environ un million de participants. Le système éducatif iranien est donc devenu au fil du temps très élitiste, basé sur une compétition incessante organisée depuis le collège et jusqu'à l'université.
Il n’est donc pas étonnant, que l’Iran se classe invariablement tous les ans parmi les toutes premières nations dans le monde lors des Olympiades internationales de mathématiques (IMO) qui permettent aux lycéens du monde entier de se mesurer à travers une série de problèmes de haut niveau. Déjà en 1994, Maryam Mirzakani fut la première fille iranienne médaillée d’or aux IMO. L’année suivante, elle obtient la note parfaite : 42 sur 42, et fini numéro un mondial. Les Olympiades avaient été créées en 1959 par les pays du bloc de l’Est dans le contexte de la guerre froide, les pays de l'Ouest avaient rejoint la compétition dès les années 70. La Tunisie participe aux olympiades internationales et remporte des médailles de façon épisodique depuis 1985.
Les mathématiques tunisiennes aujourd’hui sont en pente ascendante et peuvent grâce à un travail de sélection plus poussé et structuré, et une préparation plus soutenue, prétendre aux plus hautes distinctions. L’école mathématique tunisienne peut mieux faire dans le dépistage des jeunes talents, leur encadrement et leur ancrage dans la recherche. C’est d’ailleurs l’un des rôles de l’Institut Méditerranéen des sciences mathématiques (MIMS) d’oeuvrer dans cette direction. D’autre part, nos universités gagneraient beaucoup à avoir une formation tournée vers l’excellence. On a tout à fait le droit d’espérer que la Tunisie soit en mesure, un jour, de recevoir la médaille Fields, consécration de tout un système éducatif.
Sadok Kallel (Directeur du MIMS)
Le MIMS est l’Institut Méditerranéen des sciences mathématiques établi à Tunis depuis 2012. MIMS est un institut multidisciplinaire qui rassemble mathématiciens Tunisiens et maghrébins et dont l’objectif premier est de promouvoir la recherche mathématiques sous tous ses aspects et de vulgariser les mathématiques auprès des jeunes générations.
Les activités et objectifs du MIMS sont étayés sur son site : www.mims.tn
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il fallait tout de meme preciser que cette medaille est accordee a des chercheurs de moins 40 ands.
Bonjour, Le système des grandes écoles Française a échoué dans tous les classements internationaux, et principalement le classement de Shangai. Merci de ne pas faire de la réussite individuelle de l'Ecole Normale Sup (10 medal fields)une généralité des Grandes écoles françaises, qui elles ont lamentablement échouée dans toutes disciplines confondues. Si le système de sélection des grandes écoles serait la cause de sa réussite alors où sont les 10 aines de nobels par "grande" école ? ben y'en a pas... Par contre regardez du côté des vrais grandes écoles tels que Berkeley, MIT, Harvard, et vous trouverez peut être un système plus apte à développer une élite scientifique. La France est une puissance de 5ème zone, arrêtez de copier son système archaïque. Cordialement, Diplômé d'une pseudo "grande école" française.
Se pencher sur l'expérience Iranienne en matière d'enseignement est une piste intéressante et mérite d'être un modèle, car ce pays a fait plusieurs percées scientifiques par ces propres ressources.
Le système éducatif français est merdique du début à la fin (voir les résultats de PISA et du classement de shanghai). Il faut développer de grandes univerités avec de nombreux centres de recherches comme aux Etats-unis. Mais il faut surtout généraliser l'apprentissage de l'anglais à la place du français car 90% des publications mondiales en science sont écrites en anglais. Cordialement, Un étudiant qui a pu apprécier de ses propres yeux la différence entre l'ESSEC et la London School of Economics.
La république islamique d'Iran a fait plusieurs percées scientifiques par ces propres ressource il faut appliquer les protocoles Tuniso Iranien prochainement