Elections: Le débat est biaisé
Alors que nous pensions que la question relative à notre système politique, passé de système présidentiel à un système parlementaire était une affaire réglée par le consensus dégagé à l’ANC, voilà que l’engouement de ces derniers jours autour de l’élection présidentielle vient remettre en question ce choix qui est pourtant inscrit dans notre Constitution.
C’est en tout cas ce qui ressort des flots d’informations dont nous sommes noyés ces derniers temps, ainsi que des querelles intestines que cette élection provoque. Du coup les législatives sont reléguées au second plan, on ne parle presque pas, sinon, pour évoquer les heureux élus têtes de liste ou ceux qui n'ont pas connu la même fortune et ont préféré l'esclandre, dévoilant ainsi leurs prétentions souvent déplacées.
Si l'atmosphère politique se trouve aujourd'hui polluée par tant de quiproquos, la responsabilité en incombe aux politiques, lesquels manquant de clairvoyance, n’ont pas cru bon de faire œuvre de pédagogie, laissant les Tunisiens désemparés face une offre politique illisible.
Il est à craindre que la surabondance d’infos et commentaires sur les réseaux sociaux que suscite la course à la présidentielle ne provoque davantage de confusion et ne rende encore plus vacillante la marche vers la démocratie que nous voulons construire.
A l’évidence, le choix du système parlementaire est loin de faire l’unanimité dans l’opinion, qui demeure perplexe, craignant les effets pernicieux d’un tel système qui ne peut que favoriser l’hégémonie des partis, ce dont elle ne veut pas. Et puis 55 années de personnalisation du pouvoir ne s’effacent pas par la promulgation d’un texte, fut-il inscrit dans la Constitution. Pour le Tunisien la représentation du pouvoir est liée à une personnalité forte. C’est une question de mœurs politiques instaurées par ces années dont les traces sont encore indélébiles. La référence à Bourguiba n’est-t-elle pas une spécificité tunisienne, celle d’en appeler de façon systématique à la figure du sauveur quand le pays va mal? N’a-t-on pas dans le passé pardonné au Combattant suprême les errements de son pouvoir quand il a su retourner les situations pour incarner le sauveur ?
Seulement, les Tunisiens savent que la plupart des prétendants sauveurs d’aujourd’hui ne sont pas à la mesure du portrait qu’ils se font du chef, meneur, rassembleur et fédérateur dont leur pays a cruellement besoin. Ils se demandent d’ailleurs s’il existe vraiment un personnage politique à la hauteur des circonstances et des défis à relever. De plus, la frénésie électorale actuelle ne contribuera pas à faire émerger durablement une telle personnalité même si un, voire, deux candidats d'une certaine envergure commencent à se constituer une certaine crédibilité.
Seifallah Blili