L'énigme Mourou: colombe ou faucon ?
«L’islam est un slogan creux dont les militants d’Ennahdha se gargarisent machinalement et sans qu’ils sachent de quoi il retourne». Ce n’est pas un adversaire invétéré de ce parti qui le dit, mais Cheikh Abdelfattah Mourou qui est l'un des fondateurs de ce parti et son premier vice-président dans une interview à la revue qatarie, «El Arabi El jadid». Enfonçant le clou, il ajoute : «les islamistes quitteront le pouvoir de la même façon qu’ils y sont entrés : par les urnes. Les islamistes ont commis une erreur en croyant qu’ils pouvaient constituer une alternative et n’ont pas essayé de faire de la dynamique révolutionnaire, une alternative à la dictature». Il fallait, selon lui, qu’Ennahdha fasse une pause de réflexion et écoute un autre son de cloche.
"Elle a choisi la pensée unique au point de foncer droit dans le mur et n’a dû son salut qu’à un sursaut de dernière minute, en revenant sur ses choix antérieurs». Conclusion de Mourou : «Ennahdha n’a pas réussi à rassurer la société tunisienne. Et elle ne trouvera que ses militants et leurs familles pour voter en sa faveur». Il a enfin rappelé qu’il avait déjà déclaré et alors que la révolution en était à ses premiers pas que «les islamistes ne devaient pas remporter plus que le tiers des sièges du parlement et qu’ils devaient faire en sorte que le président de la République ne soit l'un des leurs».
Une fois de plus, Cheikh Abdelfattah Mourou justifie sa réputation d'enfant terrible d'Ennahdha. On a cherché à «l'apprivoiser» en le nommant vice-président après l'avoir marginalisé pendant 4 ans. Peine perdue. Ce n'est pas à son âge qu'il va changer. Le problème c'est qu'il ne se contente pas de donner du fil à retordre à la direction de son parti. Il intrigue ses adversaires et les commentateurs qui ont du mal à situer le personnage. Tantôt faucon, tantôt colombe. Double langage ? On est tenté de parler carrément de schizophrénie au sens clinique du terme.