Apres l'agression israélienne sur Gaza : Le monde universitaire Américain et l'école polytechnique…..dans la tourmente
A l’heure où le Secrétaire Général de l’ONU qualifie d’ « indescriptible » les destructions infligées par la soldatesque sioniste à Gaza et sa population cinquante jours durant, en juillet-août derniers, et déclare : « J’ai le cœur brisé. C’est pire que la guerre de 2008-2009. Il faut que la reconstruction démarre sans délai » ; au lendemain de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la Suède et après le vote du Parlement Britannique demandant au gouvernement de reconnaître la Palestine, plus de 500 anthropologues du monde entier appellent au boycott d’Israël et de ses institutions académiques.
Des enseignants et des chercheurs des plus prestigieuses universités américaines – les célèbres universités de l’Ivy League- figurent parmi les signataires : 13 noms de City University of New York, 13 de Columbia University à New York, 9 de Harvard University à Boston et 8 de Yale University à New Heaven dans le Connecticut et d’autres professeurs de Johns Hopkins University à Baltimore, de Georgetown University, l’université catholique jésuite de Washington , de Brown University à Providence…..
Les 500 signataires répondent ainsi à l’appel lancé en février par « The American Studies Association (ASA), la vénérable association qui se consacre à l’étude interdisciplinaire de la culture et de l’histoire américaines ainsi que d’autres associations d’universitaires américains, rappelle Valérie Strauss dans The Washington Post du 5 octobre 2014.
Les signataires affirment s’opposer aux « violations actuelles des droits des Palestiniens, y compris l’occupation militaire israélienne de la Bande de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est » et déclarent boycotter « les institutions académiques israéliennes complices de l’Occupation et de l’oppression du peuple israélien ». Ils ajoutent : « En tant que communauté scientifique qui étudie les questions de pouvoir, d’oppression et d’hégémonie culturelle, nous avons la responsabilité morale de nous élever contre Israël et nos propres gouvernements et d’exiger qu’ils rendent des comptes ».
Pour ces anthropologues, l’opération « Barrière de Protection » « vient rappeler que les gouvernements du monde et les principaux médias ne tiennent pas Israël pour responsable des violations de la loi international qu’il enfreint ». Ils affirment qu’ils agissent « par solidarité avec la société civile palestinienne » et visent à perpétuer « une tradition disciplinaire de soutien aux combats anticolonial et pour les droits de l’homme, loin de la complicité historique de l’anthropologie avec le colonialisme ».
En fait, le monde universitaire américain est en pleine ébullition : Steven Salaita, un professeur d’anglais et d’études américano-indiennes, régulièrement recruté pour enseigner à l’Université d’Etat de l’Illinois (UEI), une université publique, a été brutalement informé, en août dernier, de la rupture de son contrat par Phyllis Wise, la chancelière de l’Université. Le Conseil d’administration de l’Université, sous les huées des enseignants et des étudiants, confirma ce renvoi le 11 septembre 2014 par 8 voix contre 1. Patrick Fitzgerald, un ancien ministre de la Justice des Etats Unis (US Attorney), membre de ce CA, a voté contre Salaita.
Quel crime a donc commis cet universitaire de 38 ans qui enseignait l’anglais auparavant à l’Institut Polytechnique de l’Université d’Etat de Virginie - plus connu sous le nom de Virginia Tech - et dont il avait démissionné pour rejoindre l’UEI comme professeur titulaire?
Toucher à Israël ne pardonne pas aux Etats Unis
Au cours de l’été, le Pr Salaita a tweeté sur l’agression de Gaza. Il a souvent mis l’accent, affirme Jodi S. Cohen dans le Chicago Tribune (11 septembre 2014), sur le nombre d’enfants assassinés lors de cette inhumaine agression et il est opposé aux colons israéliens en Cisjordanie occupée. Le Pr Salaita est un expert du colonialisme et du Moyen Orient. Son dernier livre porte le titre : « L’âme morte d’Israël ». Partisan du départ de tous les colons israéliens de Cisjordanie, il a écrit : « Quand un colon vous invitera à dialoguer, rappelez-lui le nombre d’enfants qu’Israël a assassinés à Gaza». Ces opinions ont été considérées comme « incendiaires » par le CA de l’UEI. Ce vote souleva une vague d’indignation à travers toutes les institutions universitaires américaines dont les membres décidèrent de boycotter le campus de l’Illinois. Des milliers d’universitaires signèrent des pétitions demandant de ne plus répondre aux invitations lancées par cette l’Université tant que l’exclusion du Pr Salaita ne serait pas invalidée. Le Pr David J. Blacker, un philosophe de l’Université du Delaware, a écrit au CA pour l’informer que sa conférence prévue le 29 septembre 2014 au Centre d’Etudes Avancées de l’UEI n’aura pas lieu : « Au lieu de choisir l’éducation et plus de liberté de parole, l’UEI a apparemment opté pour « renforcer le silence ». Elle viole ainsi ce que doit représenter une université. Je rejoins ceux qui ne veulent pas participer à cette violation. A mon avis, on est au cœur de la question non négociable des libertés académiques. Je serais ravi de reprogrammer ma conférence si on renouvelle l’offre faite à M. Salaita ». Quant au Pr Allen F. Isaacman, historien de l’Université du Minnesota, il a annulé, lui aussi, sa conférence prévue le 30 octobre 2014 à l’UEI car, en agissant de la sorte contre le Pr Salaita « l’UEI exprime un flagrant mépris pour la liberté académique ». Il espère toutefois que son CA revienne sur sa décision « avant que des dommages irréparables ne soient portés à cette grande institution ».
Des votes de défiance contre la chancelière Wise eurent même lieu dans plusieurs départements de l’Université car, pour le corps enseignant, elle avait fait fi « des principes de base d’une gouvernance partagée……Par ce vote de défiance… le personnel s’associe aux milliers d’universitaires et d’organisations aux Etats Unis et à travers le monde qui jugent que l’action de la chancelière est une violation non seulement de la liberté académique mais aussi de la liberté d’expression ». (The New York Times, 31 août 2014).
Comme on le voit, les principes démocratiques et les libertés académiques sont foulés au pied chez l’Oncle Sam dès qu’il s’agit de défendre Israël. Les directions des Universités américaines ne forment pas cet idéal inatteignable que certains responsables nous dépeignent avec insistance.
A noter que la mairie de Chicago, la plus grande ville de l’Etat de l’Illinois, est tenue par M. Rahm Emanuel, ancien conseiller du Président Obama, et qui a fait son service militaire dans l’armée israélienne, cette armée « la plus morale » du monde qui tire sur les ambulances, les écoles, les hôpitaux, les mosquées et les enfants jouant sur la plage.
Pétition contre l’accord école polytechnique et le technion de Haifa
Un texte collectif circule actuellement en France contre le double accord de coopération signé en 2013 entre l’Ecole Polytechnique (Palaiseau) et l’Institut Technologique d’Israël (Technion de Haïfa) (L’Humanité, 23 septembre 2014, p. 13). Cet institut – comme nombre d’universités israéliennes- pratique la discrimination envers les Palestiniens, citoyens d’Israël, tout en soutenant l’armée sioniste par la mise en place de cursus adaptés et des mesures favorables aux militaires, qu’ils soient actifs, conscrits ou réservistes. Le Technion met également ses compétences scientifiques au service du complexe militaro-industriel israélien, en entretenant, par exemple, des liens très étroits avec les sociétés Elbit Systems et Rafael Advanced Defense Systems Ltd. Ces liens pervers et incestueux entre les universités israéliennes et l’armée ont été dévoilées par le film « The Lab »(Le laboratoire) de l’Israélien Yotam Feldman, projeté la semaine dernière à Paris.
Parmi les premiers signataires, on relève les noms du philosophe Etienne Balibar, du Dr Rony Brauman connu pour son action humanitaire, celui de Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite de droit et ceux des mathématiciens, anciens élèves de l’ENS, MM. Ivar Ekeland et Jean-Pierre Kahane. D’ores et déjà, plusieurs centaines de scientifiques l’ont signé tant en France qu’à l’étranger. A l’heure actuelle, 600 universitaires français ont signé cette pétition- restée sans réponse de la part du Directeur Général de l’Ecole Polytechnique. Cette dernière dépend du Ministre de la Défense.
D’après ce texte, le premier accord prévoit l’accueil de professeurs, d’étudiants et le développement de la recherche en partenariat entre les deux institutions. Mais comme le Technion soutient l’armée israélienne et qu’ « il est une pièce importante du dispositif israélien d’occupation des territoires palestiniens et son cortège d’actes illégaux….[cet accord] expose en conséquence les élèves, chercheurs, professeurs de l’Ecole Polytechnique à un risque de complicité de crimes de guerre….
Le second accord ouvre la voie à un double diplôme…En théorie, des élèves polytechniciens peuvent, dans ce cadre, suivre des études au Technion et y effectuer leur stage….Ce partenariat est particulièrement choquant, car il met à mal le principe républicain de l’égalité de tous dans l’accès à l’éducation, indépendamment de l’origine, la race et de la religion. En 1960, l’Ecole Polytechnique, unanime, faisait corps avec le Pr Laurent Schwartz, destitué par le ministre des Armées pour s’être opposé à la torture en Algérie. Aujourd’hui, on acceptera sans mot dire qu’un Palestinien se voie interdire un cursus ouvert à ses camarades ? Et que dire des nombreux étudiants de l’Ecole, français ou étrangers, dont le nom a une consonance arabe ou musulmane ? Tel un stigmate, leur identité leur interdira de s’inscrire à ce double diplôme, pour ne pas être exposés aux brimades et vexations que la police des frontières israélienne fait régulièrement subir à leurs congénères. Est-il digne de l’Ecole Polytechnique de devoir conseiller à une proportion non négligeable de ses élèves de ne pas candidater à une offre de formation maison, en leur bredouillant, au détour d’un couloir, qu’ « avec leur nom, il ne faut pas faire de vagues ? »
L’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (AURDIP), qui regroupe plusieurs centaines d’universitaires français, demande à l‘Ecole polytechnique de cesser toute forme de soutien ou de collaboration avec le Technion. Le sens de l’éthique, le refus des pratiques discriminatoires comme le respect du droit international l’impose. Le souci de ne pas impliquer les élèves, les chercheurs et les enseignants de l’Ecole polytechnique dans la commission de crimes de guerre l’exige ».
Notre pays compte un certain nombre d’anciens élèves de l’Ecole Polytechnique (les anciens X) et des Grandes Ecoles. On espère qu’ils appuieront la démarche initiée par ces universitaires, démarche boudée par la plupart des médias français, en dépit du nombre et du prestige des signataires.
De leur côté, tous les collègues universitaires et intellectuels tunisiens sont des défenseurs résolus des libertés académiques et de la liberté d’expression. Puissent-ils soutenir le Pr Steven G. Salaita et signer aussi cette pétition contre la banalisation de la coopération des institutions académiques israéliennes alliées de l’armée israélienne qui contribuent aussi bien à l’assassinat des Palestiniens qu’à faire perdurer l’occupation illégale de leur territoire.
Mohamed Larbi Bouguerra