Le savoir: ciment de notre société d'hier et de demain
C’est facile de prétendre avoir toutes les réponses lorsqu’on n’a aucune responsabilité réelle où qu’à aucun moment on ne risque de rendre des comptes sur les promesses faites et les engagements pris.
Et pourtant, c’est là l’essence même de la démocratie. Chacun porte, durant la campagne, sa vision, son diagnostic et ses priorités. Les idées se bousculent, s’entrechoquent et donnent enfin naissance aux solutions
sculent, s’entrechoquent et donnent enfin naissance aux solutions.
Je vois trois priorités fondamentales, trois chantiers à mettre en place pour bousculer l’état d’’immobilisme dans lesquels nous nous sommes enfermés et que nous devons refuser. Le premier des chantiers concerne la place du savoir et de la connaissance dans notre société.
Que nous est-il arrivé ? Qu’est-ce qui nous a fait perdre ce regard serein que portaient nos anciens ? Pourquoi sommes-nous devenus incapables de sourire, de s’unir et d’aimer? Qu’est ce qui dans notre histoire, récente ou ancienne, a constitué le ciment qui nous a toujours regroupé et fait affronter les pires des situations. Retournons nous un instant et observons notre passé : «On ne s’affranchit jamais de ses ancêtres pas plus qu’on ne se débarrasse de son ombre».
Notre terre a toujours été une terre de savoir. Le savoir en tant qu’objectif, pas en tant que moyen nécessaire à la réussite. Le savant, le lettré, l’instituteur, l’inspecteur, le directeur d’école, l’homme de culture vivaient considérés et bénéficiaient d’une place de choix dans la société. A l’indépendance, alors que la famine déchirait bon nombre de villages et régions, Habib Bourguiba appelle son ministre de l’éducation Mahmoud Messaadi et lui fixe ses prérogatives: construire une classe d’école par jour. Votre mission lui dit-il est de réaliser 365 classes durant l’année à venir.
Et Bourguiba n’a fait que perpétrer une tradition. Bien avant l’indépendance, les enseignements de Zitouna étaient consacrés dans le monde musulman, et bien avant Zitouna, les savants du monde arabe se dirigeaient vers Kairouan pour parfaire leur éducation, et bien avant Kairouan, Saint Augustin venait à Carthage pour apprendre et comprendre.
La Tunisie est une terre de savoir et de connaissance qui constituent à eux deux la base et le ciment de notre société (??? ????). Si nous vivons une crise de direction, incapable de nous orienter collectivement, c’est aussi parce que nous avons du mal à nous orienter individuellement. Notre société a longtemps négligé l’être et valorisé l’avoir. Les repères et les modèles que notre société a mis en avant nous ont poussés vers une course effrénée et sans retenue vers la consommation. L’art, la culture, le savoir ont cessé d’attirer nos jeunes dès lors que la société les a ignorés ou négligés.
Le savoir ne paie plus. Bien au contraire. Plus on étudie, plus nos chances de devenir chômeur augmentent, fragilisant jour après jour ce ciment qui nous a soudé durant des siècles. Comment alors s’étonner lorsque l’ignorance pénètre nos mosquées, parfois nos administrations, par moment nos écoles et nos universités et bientôt si ce n’est déjà fait nos assemblées.
Nous devons inverser cette tendance et faire que cette terre redevienne un havre de réflexion et de production intellectuelle et artistique. La promotion sociale décidée, celle des nominations et des rétributions, doit être basée sur le savoir et le mérite. Nous devons réintégrer le savoir dans les mosquées, dans les associations, dans les écoles, partout là où elle a disparu. Une place unique doit être réservée à nos hommes de lettre, nos scientifiques, nos jeunes chercheurs, nos artistes. L’état a un rôle primordial à jouer dans ce domaine.
Les enseignants ne sont pas des fonctionnaires ordinaires. Ils et elles doivent avoir un statut différent qui privilégie l’amélioration continue, la formation et consacre le mérite et le résultat.
Carthage doit rassembler les experts dans tous les domaines et devenir un centre d’excellence avec pour vocation de produire des propositions de réformes destinées aux gouvernements et aux partis politiques. Urbanisme, Arts, Religion, Economie, technologies, .. Dans toutes les disciplines Carthage doit faire briller les talents tunisiens.
Carthage doit consacrer les meilleurs et les honorer. Des liens et partenariats avec les universités, les centres de recherches nationaux et internationaux doivent être établis et des programmes d’échange développés pour nos jeunes talents.
Nous devons restaurer le savoir comme ciment de notre société et bâtir notre Tunisie sur ces fondations qui nous ont permis de devenir grands.
Fares Mabrouk