Béji Caïd Essebsi, l'homme de la seconde chance
Lorsque le 8 septembre dernier, nous avons signé avec un groupe d’intellectuels une déclaration de soutien à la candidature de Béji Caid Essebsi à la magistrature suprême, une tempête de critiques s’est abattue sur nous ; venant pour la plupart certes d’adversaires politiques ou idéologiques, chose normale, mais aussi d’amis et même d’intellectuels avertis, chose moins normale.
Nous sommes en mesure aujourd’hui d’expliciter plus le sens de l’initiative et ses raisons profondes à la veille d’une campagne présidentielle inédite en Tunisie.
Un vent de panique semble souffler sur la plupart des candidats «consensuels» à la présidence. Déchus par le verdict populaire; n’ayant plus de partis ou de représentation dans la future Assemblée; les girouettes tournent en rond pour trouver refuge dans un front chimérique dont l’unique raison apparente est la peur de Béji Caïd Essebsi.
Qui a peur de Béji Caïd Essebsi?
Tout d’abord le parti Ennahdha, grand perdant de ces élections et qui après avoir échoué à diaboliser l’homme, cherche aujourd’hui à le contourner en inventant cette fausse alternative qu’est «Le président consensuel». Mais aussi toute cette nébuleuse qui ne pèse plus lourd mais qui s’acharne désespérément à le discréditer. La campagne actuelle sera pour beaucoup parmi ces candidats celle de la dernière chance, parce que le discrédit des urnes risque fort de les mettre définitivement en dehors du champ politique. Le mandat de Marzouki, laissera certainement quelques mauvais souvenirs, mais qui seront vite oubliés et déclinés en notes d’humour par l’imaginaire tunisien.
Que reproche-t-on à Béji Caïd Essebsi?
La vraie question est là. Il nous suffit de réactiver la mémoire récente.
On lui reproche simplement tout ce qu’il a fait depuis plus de trois ans: la première transition réussie, il a su combler l’énorme vide politique au lendemain des élections de 2011 lorsque toutes les oppositions réunies observaient impuissantes le projet dévastateur de la troïka à l’œuvre.
On lui reproche d’avoir trouvé les mots qu’il faut pour éveiller les consciences et alerter les tunisiens sur les menaces; avec des mots simples et pertinents, dans un langage savant et populaire que ne peut inventer aucun bureau de communication aussi sophistiqué soit-il.
On lui reproche d’avoir désigné clairement les limites de leurs excès et abus à ceux qui ont cru que leur projet n’avait plus de limite, et d’avoir annoncé l’échec imminent de la conspiration contre l’état et la société.
On lui reproche la vivacité de la mémoire qui remonte facilement aux profondeurs de l’Etat national dont il était un des bâtisseurs et dont il garde le sens profond et les secrets de ses succès et échecs.
On lui reproche de réactiver l’affect du tunisien fier de sa «tunisianité» telle qu’elle a été façonnée par une longue histoire gravée dans un territoire ouvert aux apports du monde mais jaloux de sa singularité.
On lui reproche d’être le porteur et vulgarisateur infatigable d’un projet qui prolonge notre histoire dans tout ce qu’elle a de plus lumineux en transcendant les misères du moment par l’affirmation d’une citoyenneté libérée, portée vers l’avenir.
On lui reproche d’être aimé et respecté parce devenu l’icône et le chantre de la civilité et de la non violence.
On lui reproche tout simplement l’intelligence, la détermination et le charisme
Ce qu’on lui reproche c’est tout ce qui fait de lui un vrai bon président pour la Tunisie.
La Tunisie contemporaine a eu deux chances avec son destin politique: la première, fut le leadership bourguibien qui fait école aujourd’hui, devenu objet d’histoire et de mémoire; La seconde chance se joue devant nos yeux : le pacte historique qui se tisse en toute complicité entre Béji Caïd Essebsi et son peuple.
Ne ratons pas cette chance, c’est le moment des choix décisifs, le temps de la critique viendra après.
Abdelhamid Larguèche