Inflation de candidatures à la présidence de la république et devoir de voter
Beaucoup de mes concitoyens sont dans le doute absolu quant au choix du candidat pour qui ils iront voter le 26 novembre et se posent la question: comment choisir? S’exposer sans mesure aux campagnes électorales des candidats pour se faire un choix au risque de céder à l’effet des impressions éphémères? Se laisser guider par les faiseurs d’opinion dans les mass media? Procéder par élimination? Sinon réfléchir sur ses propres attentes par rapport à ceux qui gouverneront le pays durant les cinq prochaines années? Personnellement, je me suis adonnée à cet exercice au risque d’échouer dans le dépassement du paradoxe inhérent à toute épreuve de choix libre, celui qui oppose le réalisme à l’idéalisme.
Partons d’un principe fondamental: le pays confronté à une situation économiquement difficile et une crise sécuritaire menaçante a besoin de relations harmonieuses entre les diverses instances qui le gouverneront. Cela ne veut pas dire chercher l’harmonie par le biais de l’appartenance de toutes les instances à un seul parti dominant mais plutôt par celui de la présence d’un acteur qui joue le rôle de médiateur capable de gérer les différences, les oppositions et les conflictualités de manière à épargner au pays les gaspillages de temps, de ressources et d’opportunités pour sortir de crise et renouer avec le développement. Cet acteur bien placé sera le président de la république. C’est pourquoi je porterai mon attention sur son profil, son expérience dans la gestion des affaires publiques, ses capacités de communiquer et de convaincre.
Au-delà de son profil je m’intéresserai à sa vision de la gouvernance du pays et dans quelle mesure je m’y retrouve. Mais je dois d’abord me donner une vision personnelle pour que l’exercice de comparer avant de choisir soit possible. Je vais tenter de dresser les contours de ma vision tout en gardant à l’esprit que je me dois d’éviter l’écueil de l’idéalisme. Il s’agit de me construire une sorte de grille où je peux positionner les candidats et finalement choisir celui dont la posture converge avec le plus grand nombre de cases. Voici ma grille, voici ce sur quoi je pense qu’un président de la république doit veiller :
- Faire de la sécurité et de l’image du pays une priorité de tout gouvernement,
- Veiller à la protection de la nature et la santé de l’environnement qu’il soit urbain ou rural,
- Adopter une approche des équilibres financiers qui évite autant que faire se peut la politique de « l’austérité qui tue » (voir le monde diplomatique du mois d’octobre 2014)
- Avoir une vision du développement économique tournée autant vers l’intérieur que vers l’extérieur.
- Une vision qui, d’une part, cherche à attirer les investissements directs étrangers bien placés sur la chaîne de valeur des produits et des services, capables d’employer des diplômés de l’enseignement supérieur et disposés à réaliser un transfert technologique et qui,
- d’autre part, est orientée vers le développement, la modernisation et le rajeunissement des métiers qui occupent des centaines de milliers de travailleurs et de petits entrepreneurs sans générer, dans tous les cas, suffisamment de valeur pour un revenu décent. Il s’agit de l’agriculture, l’artisanat, le petit commerce de détail des produits alimentaires et tant d’autres petits métiers divers.
- Adopter deux règles immuables de la gouvernance : la participation dans la prise de décision et la rigueur dans l’application de la loi à tous sans exception
- sorte qu’elle soit efficiente, réactive et protégée contre le mal endémique de la corruption
- Faire du mérite le pivot de la gestion des ressources humaines dans l’administration publique, qu’il s’agisse du recrutement, de la rémunération ou de l’évolution dans la carrière.
- Reconnaître la diversité de la société tunisienne et gérer les affaires publiques sans discrimination de genre, de croyance ou d’appartenance partisane ou régionale
- Associer la pédagogie à la politique : Faire de la communication récurrente, dans un langage accessible à tous, un instrument pédagogique pour aider les masses à saisir la finalité des projets de réforme, s’approprier ces projets et se considérer en partie responsables de leur aboutissement (Bourguiba faisait un discours par semaine pour changer les mentalités et secouer les habitudes désuètes)
- Fonder toutes les politiques sur ce principe central comme le fait l’entreprise sur son cœur de métier : la principale richesse du pays est celle de ses ressources humaines pour laquelle il faudra investir sans relâche car c’est elle qui fonde et fondera l’avantage compétitif de la nation
- S’attaquer aux dysfonctionnements du système éducatif et de formation professionnelle et élaborer un plan précis pour leur mise à niveau dans le cadre d’un partenariat public-privé-société civile.
- Mettre à niveau le système d’enseignement supérieur, en corriger les dysfonctionnements et rationaliser la gestion des budgets qui lui sont alloués
- Renforcer le système national de recherche scientifique, mettre en valeur les pôles d’excellence existants et stimuler les transferts technologiques des laboratoires et centres de recherche scientifique vers le secteur productif.
- Stimuler le développement de l’économie solidaire en soutenant la constitution de coopératives, de groupements d’intérêt économique de manière à permettre plus de création de richesse dans les secteurs agricoles et des petits métiers.
- Veiller à offrir les mêmes opportunités dans les différentes régions du pays en matière d’infrastructures, de services et d’accès au marché international de manière à aider les talents entrepreneuriaux des citoyens locaux à éclore et alimenter ainsi une dynamique entrepreneuriale locale génératrice de richesse et de création d’emploi.
En plus du profil du candidat et plus particulièrement son expérience dans la gestion des affaires publiques et son style de communication, cette grille sera les lunettes à travers lesquelles je lirai sa vision et ses projets avant de rejoindre le bureau de vote.
Riadh Zghal