Opinions - 04.11.2014
Hamadi Redissi : Bye Bye Nidaa, Bienvenu Beji
A l’aimable demande de Leaders, je reprends en version française l’article publié au Maghreb (O4/11/2014) dans lequel j’ai présenté ma démission de Nidaa et réitéré mon appui à Beji Caïd Essebsi. Un double geste qui semble apparemment contradictoire, mais qui est en réalité dans le droit fil de mon engagement – Un contrat moral, un rapport de « soi-à-soi », comme quand quelqu’un parle à lui-même. Sauf que son extériorisation a un caractère public.
Et pour dire ceci : j’ai rejoint Nidaa par un article de presse paru dans le Maghreb le 25 septembre 2012, quatre mois après la création du parti, et dans lequel j’ai expliqué les raisons de mon affiliation, à savoir « écarter le danger que court le pays et le libérer des griffes d’Ennahdha et de ses acolytes ». J’ai dit textuellement que « ce contrat est un CDD, le temps de les chasser du pouvoir ». C’est fait ! J’ai adhéré par un article de presse, je démissionne par le même procédé. L’engagement avec Nidaa prend fin, à moins qu’on le prenne pour un contrat perpétuel jusqu’à faire disparaître les « troïkistes » de la surface de la terre !
Nidaa a connu bien des épreuves. Il en est sorti à chaque fois fortifié. Grâce justement à l’esprit de compromis de son fondateur et sa capacité de synthèse qui nous a manqué à nous tous, les nidaaistes. Certains ont quitté le mouvement, parfois pour des raisons légitimes. Finalement, Nidaa sort des élections tonifié et plus uni que jamais. Il a gagné et nous avons gagné. Je quitte un mouvement avec lequel je n’ai aucun différend. Non sans tristesse, mais enfin libre. On s’est interrogé à raison sur le timing. En guise de réponse je paraphraserai Lénine : « Hier, c’était très tôt, demain, il sera trop tard. Aujourd’hui ou jamais ».
En rapport avec l’élection présidentielle, mon engagement reste entier. Il n’est pas requis d’être nidaaiste pour soutenir Beji Caïd Essebsi. Il sollicite intuitu personae le suffrage populaire au nom de « Vive la Tunisie », un Appel, qui va au-delà de l’appel Nidaa. Et il faudra que ce parti se fasse enfin à l’idée qu’on peut aimer Beji Caïd Essebsi sans être nidaaiste, voire en ayant voté contre Nidaa. Beji Caïd Essebsi a besoin de toutes nos voix. Il affronte 26 candidats pour la plupart non crédibles ligués contre lui dans le vain espoir de le voir à terre. Certains ont déjà perdu, d’autres apparentés « indépendants » sont en fait les nounours d’Ennahdha, et fort nombreux, indignes de la fonction présidentielle.
Certes il y a parmi eux des candidats sérieux, mais nettement en deçà de Beji Caïd Essebsi fait tout simplement pour le métier. Dans cette partie à plusieurs, Ennahdha est encore animé par l’esprit d’aventure. Après la rengaine du « candidat consensuel », le parti de Ghannouchi guette un « accident » de parcours. Il cherche désespérément un candidat choc à même sinon de vaincre Essebsi de guerre lasse, du moins de l’affaiblir aux prolongations jusqu’à épuisement.
C’est mal connaître l’homme. On aura tout essayé pour le disqualifier. L’âge ! Il n’a pas vieilli, il a, comme disait St Augustin, « plusieurs jeunesses successives », la dernière celle par laquelle il renouvelle le pacte républicain. Un «cacique» de l’ancien régime ! On l’aura vu s’opposer au grand Bourguiba sur la question de la démocratie et il a mené en tant que premier ministre en 2011 impeccablement à terme une première transition démocratique. On sort maintenant l’argument fallacieux selon lequel attribuer la présidence de la république à Beji Caïd Essebsi porte le danger de « taghaoul », c'est-à-dire de l’accaparement du pouvoir par un Nidaa hégémonique.
En somme, Nidaa est le nouveau Léviathan qu’il faut brider. Or, c’est l’inverse qui est à craindre : une présidence clochardisée en conflit avec une chambre ingouvernable. C’est le danger que les démocraties cherchent à écarter en accordant au président élu au suffrage universel « sa » majorité. La cohérence l’exige. La cohabitation viendra corriger éventuellement l’échec de la majorité à mener à bien le programme du gouvernement. Aussi est-ce un acte citoyen de voter Beji Caïd Essebsi. Un nidaaiste vote naturellement pour son leader. Nous votons pour Beji, en hommes libres. Tout autre choix replonge de nouveau la Tunisie dans l’impasse.
Hamadi Redissi