Quand Sadiki retrouvera t-il sa rue à Tunis ?
En quoi, l’ouverture d’un simple collège pouvait-elle constituer un évènement? Il faut dire que l’histoire de notre pays est intimement liée à deux institutions qu’on a l’habitude d’opposer: la Zitouna (fief des traditionnalistes) et le collège Sadiki (bastion des réformateurs). En fait, si la Zitouna avait permis à la Tunisie de préserver son identité arabo-musulmane, Sadiki a marqué la volonté de notre pays d’entrer dans la modernité.
L'esprit Sadiki
Pour la première fois, une institution éducative tunisienne épousait son temps en adoptant les structures et les méthodes d’enseignement des établissements européens avec tout ce que cela impliquait comme ouverture sur le monde et développement de l’esprit critique mais aussi comme rupture avec l’enseignement traditionnel sclérosé par des siècles de décadence et de coupure avec le monde civilisé. Entendons-nous bien : Il ne s’agissait pas de tourner le dos à la culture arabe et islamique mais de changer les méthodes de transmission de cette culture jugées anachronique. Ce qu’on appelait précisément l’esprit Sadiki, c’était cette aptitude à assimiler les deux cultures (française et arabe), à concilier entre l’authenticité et l’ouverture sur le monde.
D’ailleurs, il n’est pas indifférent de noter que la plupart des enseignants d’arabe étaient des cheikhs de la Grande Mosquée qui avait su, très vite, s’adapter aux nouvelles méthodes d’enseignement. Le résultat fut des plus heureux. Vers la fin du XIXème siècle, de nouvelles élites émergeront. Elles constitueront le gros des effectifs du mouvement Jeunes-Tunisiens puis des dirigeants du mouvement national et par la suite des cadres de la Tunisie indépendante. Or, si la Zitouna a sa rue dans la capitale, en hommage aux services rendus, Sadiki a perdu la sienne, la rue Essadikia, perpendiculaire à l’avenue de France ayant changé de nom depuis 1970 pour devenir rue Jamel Abdennasser.
Le 135ème anniversaire de cet établissement nous fournit l’occasion de réparer une injustice. La dernière fois où on avait célébré cet anniversaire, en grande pompe, c’était, si je m’en souviens bien, en 1975, à l’occasion du centenaire. Pourquoi ne pas profiter du prochain anniversaire pour rappeler, par un geste symbolique, les services éminents rendus par le collège Sadiki. Ou bien faudra t-il attendre le bicentenaire pour le faire ?
Hédi