Opinions - 15.11.2014
Mohamed Jaoua : Le 23 novembre, je voterai BCE
Le 23 Novembre, je voterai pour élire Béji Caïed Essebsi à la présidence de la république tunisienne.
Je donnerai d'abord ma voix à l'homme de nos deux transitions réussies. La première, qu'il a conduite de main de maître jusqu’au bon port de nos premières élections libres du 23 Octobre 2011. Et la seconde, qui s'achèvera avec la séquence de l'élection présidentielle, n'aura été rendue possible que par le rééquilibrage de notre paysage politique que la création de Nidaa Tounès a permis. Non que j'ignore, loin de là, le rôle majeur du formidable mouvement citoyen, dont la jonction avec le courageux combat des partis démocratiques et de leurs élus à l’ANC a fait reculer le "taghawwol" de la troïka et ouvert la voie au dialogue national. Mais tout cela fût sans doute resté sans suite si n'avait émergé dans le paysage post électoral de 2011 un puissant mouvement capable de se poser en alternative à la troïka, et de relayer cet élan citoyen sur le plan politique.
Je voterai ensuite pour le dirigeant de stature internationale qui saura restaurer le prestige malmené de notre Etat, rétablir notre sécurité interne et celle de nos frontières, et assurer de manière digne et ferme le commandement en chef de nos forces armées en vue de vaincre le terrorisme. Durant les trois années qui nous séparent des élections de 2011, notre pays a connu l'innommable, l'inimaginable : les assauts des hordes de nervis contre les partis démocratiques et l'UGTT, les assassinats d'opposants politiques, les attaques armées contre nos soldats et l'infâme barbarie de leurs agresseurs. La Tunisie a payé d’un prix fort, celui du sang de ses meilleurs fils, le coupable laxisme à l'égard des terroristes, allant parfois jusqu'à la compréhension et plus, des partis de la troïka. Il est temps que cela cesse, et que les Tunisiens retrouvent la sérénité et la tranquillité à laquelle ils aspirent. Il y va aussi du développement économique et social de notre pays, de notre capacité à créer des emplois pour nos trop nombreux jeunes au chômage, et à produire de la richesse pour résorber la misère et les déséquilibres sociaux et régionaux.
En votant pour BCE, j'ai aussi la volonté de donner cohérence et stabilité à nos jeunes institutions, afin de permettre à notre démocratie naissante de grandir et de prospérer. Car il est faux de prétendre que le meilleur moyen de protéger la démocratie serait de placer à la tête de l'exécutif une dyarchie dissonante. Un tel exécutif ne serait facteur que d'instabilité et d'inefficacité, et représenterait ce faisant un danger de régression politique. Combien de dictatures en effet sont nées de l’impuissance des démocraties ! La démocratie n'est en rien garantie par le partage du pouvoir exécutif – un partage du gâteau en somme ! - entre majorité et opposition, sinon à quoi serviraient les élections ? Elle est beaucoup mieux servie par l'indépendance et l'équilibre entre les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Lesquels sont certes garantis par la constitution, mais surtout – nous le savons désormais - par la vigilance de la société civile qui a montré, par sa mobilisation et sa combativité au Bardo, sa capacité à mettre en échec toute velléité de "taghawwol".
Et du reste, quelle menace pour la démocratie représente un parti certes arrivé en tête des législatives, mais dont la majorité ne lui permet pas de gouverner seul ? Et quelle dérive autoritaire peut-on craindre d’un président aux prérogatives limitées qui ne dispose en outre d’aucun relais automatique à l’Assemblée ? Les partis de la troïka se sont pris d’une passion soudaine pour la cohabitation, qui serait selon leurs dires l’idéal ultime de la démocratie. Mais que n’ont-ils alors profité de ses avantages alors qu’ils étaient aux affaires ? En fait, leur discours cache l’essentiel, à savoir que la cohabitation ne résulte jamais d’un choix dual simultané des électeurs, mais d’un décalage temporel entre deux élections, au cours duquel l’opinion publique peut évoluer. Alors, demander aux électeurs tunisiens – qui viennent d’accorder leur confiance à un parti – de le désavouer avant même qu’il ait commencé à gouverner, n’est-ce pas se moquer de leur intelligence ?
Mon soutien à BCE découle enfin de mon attachement à notre héritage moderniste, unique dans le monde arabe, en même temps qu'à notre culture et à notre histoire millénaires. Le premier est le produit des secondes, et le génie tunisien a su donner à leur subtile alchimie une expression constitutionnelle originale, dans son article premier qui a fini par s'imposer à ses détracteurs de tous bords. Cet article n'est cependant pas à l’abri du danger, celui d’une lecture régressive qui a donné libre cours à son expression au cours des trois dernières années. Je vote donc pour un président qui saura défendre et préserver les valeurs de notre Constitution, au premier rang desquelles la liberté de conscience et l’égalité des genres. Une Constitution moderniste qui a fait l'admiration du monde, et en premier lieu celle du monde arabe et musulman. Et je fais confiance pour ce faire à un homme dont la longue trajectoire politique, notamment aux côtés de Bourguiba, témoigne que ces valeurs sont pleinement les siennes. Au contraire de ceux qui – nombreux – ne s’y sont ralliés que du bout des lèvres, contraints et forcés par une conjoncture politique qui leur était défavorable. Car c’est tout de même la constitution du 1er juin, celle où la femme était réduite à n’être qu’un complément de l’homme, la meilleure du monde pourtant selon leurs dires, qui avait toutes leurs faveurs. Et qu’ils pensaient pouvoir faire passer en force, avant que le martyre de Mohamed Brahmi et le sit-in du Bardo qui s’en est suivi ne viennent remettre les pendules à l’heure.
Les défis prioritaires de la période qui s’ouvre sont à mon sens au nombre de trois : rétablir la sécurité intérieure et extérieure, consolider les institutions démocratiques et ancrer le pays dans la modernité, relancer notre économie pour être en mesure de réduire les déséquilibres sociaux et régionaux. A ceux qui opposent que, compte tenu de son âge, BCE ne pourra être un président d’avenir, je réponds qu’il est revanche celui qu’il faut à notre pays maintenant. Celui dont les qualités et la stature lui permettront de relever avec succès les trois défis du moment, et ce faisant de préparer l’avenir du pays et celui de sa jeunesse.
Mohamed Jaoua
Le Caire, 14 Novembre 2014