News - 19.11.2014
Notre faculté est sans doyen : Lettre ouverte à Mehdi Jomaa
Du conseil scientifique de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis, à son Excellence, Monsieur le Chef du Gouvernement
La Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis est aujourd’hui sans Doyen! Cette prestigieuse institution universitaire, née quasiment avec l'Indépendance, qui a pourvu le pays de ministres, de conseillers et de grands commis de l’État, est aujourd’hui sans Doyen. De ce fait, notre institution est aujourd'hui bloquée et le dialogue avec le Ministre de tutelle est totalement rompu.
Les membres du conseil scientifique que nous sommes, rappelons que notre Doyen démocratiquement élu a été mis à la retraite deux mois à peine après sa prise de fonction. Nous rappelons aussi que le processus électoral qui a débouché sur l’élection du Doyen s’est déroulé en toute transparence et légalité en présence du président de l’Université et sans qu'aucune réserve ne soit exprimée par rapport à l'âge du candidat.
Grâce à la réussite de ce processus et l’adhésion de tous les collègues, notre institution a assuré la rentrée universitaire 2014-2015 dans d'excellentes conditions. Qu’elle n’a été notre stupéfaction, lorsque notre secrétaire général a reçu un courrier daté du 19 septembre 2014, dressant la liste des départs à la retraite qui inclut le nom de notre Doyen, faisant fi de son mandat électif.
Pourquoi et dans quel intérêt interrompre précipitamment ce mandat au bout de deux mois, alors que la loi 2009-20 du 13 avril 2009, portant dispositions exceptionnelles relatives à la retraite des professeurs de l'enseignement supérieur, permet aux universitaires de continuer à exercer jusqu’à l’âge de 70 ans ?
Lors de notre entrevue avec Monsieur le Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, ce dernier a affirmé que pour des motifs qui vous engagent en tant que Chef du gouvernement, vous avez pris la décision de ne plus proroger l'âge de la retraite pour tout fonctionnaire qui exerce une charge administrative. Il a, en outre, affirmé qu'il était censé appliquer cette consigne sans aucune exception ni pouvoir discrétionnaire.
C'est une appréciation pour le moins étriquée de notre situation étant donné que:
- les élections décanales ont été antérieures à cette décision : donner à celle-ci un effet rétroactif est illégal et attaquable en justice ;
- des faits documentés et vérifiables infirment les dires de Monsieur le Ministre.
En effet, interrogé sur le cas d'un ancien président d'université à la retraite, occupant une fonction auprès de lui, Monsieur le Ministre a affirmé que ce dernier collaborait bénévolement. Ce qui nous a laissés dubitatifs. L'arrivée d'un courrier, en date du 06 novembre 2014 et qui le reconduit officiellement pour une année, nous confortera dans nos doutes.
En outre, le cas d'un collègue appartenant à notre faculté et qui a bénéficié de la prorogation a été justifié par Monsieur le Ministre par le fait qu'il exerçait une charge administrative relevant de la Présidence du gouvernement. L’accord pour sa prorogation avait été donné par le Ministre de l’enseignement supérieur, cependant.
D’autres cas peuvent être évoqués, ce que nous n’avions pas manqué de préciser à Monsieur le Ministre.
Tout en saluant l'usage à bon escient du pouvoir discrétionnaire au profit de nos collègues dans l'esprit de la Loi 2009-20, nous nous étonnons que les mêmes critères ne soient pas appliqués à notre Doyen selon les principes de l'égalité et de l'équité. Pourquoi cette injustice et cet acharnement à son égard, ce mépris et cette indifférence vis-à-vis de notre institution?
Monsieur le Ministre s'était étonné qu'une institution comme la nôtre ne parvienne pas à trouver une personne capable de remplacer l'actuel doyen. A cela, nous répondons que ni le nombre ni la qualité des personnes ne pourraient, justifier l’interruption du processus électoral. C'est le principe électif, que nous avons toujours défendu, qui se trouvera dès-lors, en danger.
Par ailleurs, il est compréhensible de vouloir véhiculer une image de sérénité quant au fonctionnement du ministère et des institutions mais la réalité est tout autre. Ainsi, nous avons dû gérer des situations difficiles et insolites avec beaucoup de professionnalisme telles que l’introduction précipitée d’une nouvelle réforme à deux jours de la rentrée universitaire.
Pour toutes ces raisons, et à l’heure où le principe de l’autonomie des universités est consacré, nous revendiquons, plus que jamais, la prééminence du processus électif au sein des institutions universitaires sur toute autre considération.
Nous demandons d'éviter de provoquer des foyers de tensions et de veiller à instaurer un climat sain au sein de l’université publique à laquelle nous croyons et consacrons nos carrières.
Devant le refus catégorique de reconnaitre la discrimination dont a été victime notre Doyen, le non-respect du processus électif et le blocage regrettable qui s’en est suivi, le conseil scientifique, réuni le 14 novembre 2014, a décidé de suspendre tous les examens à commencer par les premiers devoirs surveillés prévus pour les 24-25-26 novembre 2014, qui ne peuvent avoir lieu que sous l'autorité du Doyen de l'institution.
En dépit de cette situation critique, nous gardons espoir et comptons sur votre compréhension et votre coopération afin de mettre un terme à ce blocage fort regrettable mais encore évitable.
Respectueusement,
Le conseil scientifique de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis
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Mehdi Jomaa